Mon pèlerinage adolescent à la Foire de Lyon, par une belle matinée du vendredi 21 mars, m’a rappelé combien le rock s’acoquinait bien avec l’art de son temps. Je m’explique : l’événement annuel lyonnais fait cette année la part belle au rock et fête, avec une grande exposition rétrospective, 60 ans de rock. ↓

Foire de Lyon 2014, expo Rock, vue d'une installation : instruments de musique des membres du Groupe Téléphone

Foire de Lyon 2014, expo Rock, vue d’une installation : instruments de musique des membres du Groupe Téléphone

Avant de démarrer l’aventure de ce blog, et d’entamer un voyage dans l’art de mon temps, j’eus à certains moments, la tentation d’écrire sur le rock. C’est donc tout naturellement, avec l’espoir de rencontrer à nouveau Philippe Manœuvre – la dernière fois par hasard ? Au MAC Lyon pour l’expo Combas-, que m’accompagnait le numéro 503 – Juillet 2009 – de Rock & Folk. ↓

Rock & Folk n°503

Rock & Folk n°503

En couverture dudit numéro, le groupe new-yorkais Sonic Youth. Dans la vie, des rencontres vous font rentrer en religion. Sonic Youth est de celles-ci me concernant. J’avais envie de connaître l’avis du rédac en chef de Rock&Folk sur le Groupe, en particulier lorsqu’on titre en couverture «SONIC YOUTH, ESCROCS OU GENIES ?». Bref, passons, ceci a peu d’importance, – Kill Your Idols ! – au détail près que le groupe a collaboré avec de grands artistes contemporains de son temps. L’un des plus connus est sûrement Mike Kelley, enfant turbulent de l’art californien décédé prématurément à l’âge de 57 ans, il y a deux ans. Le Centre Pompidou eut la bonne idée de lui consacrer une rétrospective l’été dernier. Ainsi, puissions-nous revenir à cette occasion sur la pochette et le livret de l’album Dirty de Sonic Youth – sorti en 1992 – et réalisés par l’artiste. Sa série de poupées tricotées et de mauvais goût étaient à l’image de son art : déranger, porter un regard sur la dépravation, la culpabilité. En somme, ce que nous refusons de voir en face. Signalons ainsi qu’une photo rapidement censurée des versions ultérieures du CD, dévoile un couple pratiquant la scatophilie dans ce qui ressemble à une chambre d’enfant. Moi, en tout cas, le lien entre le Groupe et l’artiste me parut évident du jour où l’on me demanda, durant une soirée, sur un ton très inquiet, de couper cette «mélodie angoissante». ↓

Mike Kelley, couverture de l'album Dirty, 1992

Mike Kelley, couverture de l’album Dirty, 1992

Mike Kelley, livret de l'album Dirty, 1992

Mike Kelley, livret de l’album Dirty, 1992

Les points de concordance dans l’expression artistique du groupe de rock et de l’artiste sont nombreux. Ainsi, on trouvera une certaine fascination pour la culture populaire américaine. Souvent, elle est représentée de façon vulgaire, histoire d’en montrer les limites. Le souvenir de l’enfance est omniprésent chez Kelley, comme chez Sonic Youth – utilisation de voix enfantines, mises en scène d’adolescents dans les clips. Pour mieux toucher le passé enfantin de chacun ? Oui, c’est difficile de l’expliquer mais il y a, chez Sonic Youth comme chez Kelley, l’affirmation selon laquelle la beauté côtoie la banalité et la laideur. Ah les déceptions encourues après l’achat de VHS, DVD, de mon groupe favori : un  contenu esthétiquement salopé ! Et puis, bien sur, l’énergie vitale : celui de la scène punk du début des années 80 dont vient Sonic Youth et celle, des fluides, qui innerve  les dessins d’organes vitaux de Kelley, obsessionnelle…                                                                           Autre collaboration du groupe new-yorkais avec un artiste contemporain : Richard Prince. Oui celui-là est un cas ! En réexploitant des photos des campagnes publicitaires de la marque Marlboro, et en les signant, Prince pose la question de la réinterprétation ou de la copie de la photographie . Si Prince retouche à peine les photos et les met sous son nom pour toucher des droits d’auteur, il ouvre,  à nouveau, le débat sur ce qu’est une oeuvre d’art et jusqu’à quel point s’en réclamer comme l’auteur ? ↓

Richard Prince, Untitled-Cowboy,1989

Richard Prince, Untitled-Cowboy,1989

Outre la contribution «philosophique» de Prince à l’art de son temps, «ses» photos sont empreintes d’une grande beauté et je serais tenté de dire que l’artiste ne fait que les libérer de leur destination première entièrement  publicitaires. Prince libère l’imaginaire de la photographie. Pour le problème juridique de l’appropriation qu’il soulève, voir l’excellent blog de S.I.Lex sur la question. Et alors, la jeunesse sonique dans tout ça ? Prince peint une série de nurses (nurses paintings)  et le groupe utilise une de ces peintures pour la couverture de son 13ème effort studio : Sonic Nurse. Inquiétantes nurses, qui ne donneront pas envie à votre serviteur de se montrer en public avec un tee-shirt à l’effigie de l’album…déjà qu’on le censure en soirée ! ↓

Richard Prince, pochette de l'album Sonic Nurse

Richard Prince, pochette de l’album Sonic Nurse

Je serais incomplet si je ne mentionnais pas d’autres collaborations du groupe sur ses pochettes avec la crème de l’art contemporain des 30 dernières années.  Raymond Pettitbon (pochette de l’album Goo),  Gerhard Richter (pochette de l’album Daydream Nation) – Richard Kern (clip de chanson Death Valley 69),  Marnie Weber (pochette de l’album A Thousand Leaves), William S.Burroughs (d’après une peinture – pochette de l’album NYC Ghosts & Flowers), John Fahey (pochette de The Eternal), Jeff Wall (pochette de la compilation The Destroyed Room : B-Sides and RaritiesLe groupe se sert aussi du «fan art» et réutilise la création de deux fans du Groupe pour la couverture de l’album Washing Machine. Résolument avant-gardiste et arty, toujours ! Comprenons bien aussi que l’émergence d’un groupe comme Sonic Youth se fait au sein du mainstream underground, à une époque : le début des années 80, où les musiciens sont des artistes plasticiens et vice-versa. Lee Ranaldo, cofondateur et guitariste de Sonic Youth explique ainsi : «Quand a démarré à New York, à la fin des années soixante dix, c’était une démarche assez naturelle, ça n’avait rien d’extraordinaire. Tous les musiciens étaient des artistes qui n’avaient pas une formation de musiciens mais qui avaient grandi avec la culture et la musique populaire, qui avaient une formation artistique et qui combinaient tout ça». Soyons honnête, avant de m’intéresser à l’art contemporain j’étais à mille lieux de découvrir une telle interpénétration des pratiques artistiques chez un groupe punk. ↓


CAPC / Concert Lee Ranaldo – Impossible… par CAPC_MUSEE

Vous aimez le rock ? Vous aimez les objets représentatifs des périodes dorées des hippies, du glam, du punk, du métal, du rock français ? Alors allez faire un tour à la Foire de Lyon et découvrir Rock Story, la Première exposition en France qui retrace 60 années de rock. Et comme moi, vous retomberez dans l’adolescence et la contestation, le temps d’une ballade au pays du rock. ↓

Foire de Lyon, Expo Rock Story, l'esprit fifties aux origines du Rock

Foire de Lyon, Expo Rock Story, l’esprit fifties aux origines du Rock

 

Foire de Lyon, Expo Rock Story, le combi VW, symbole de la génération hippie

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Foire de Lyon, Expo Rock Story, les années 70 : glam rock, paillettes, plastique et fluo !

Foire de Lyon, Expo Rock Story, les années 70 : glam rock, paillettes, plastique et fluo !

 

Foire de Lyon, Expo Rock Story, le début des années 80 : Iron Maiden ou le triomphe de la culture Heavy Métal

Foire de Lyon, Expo Rock Story, le début des années 80 : Iron Maiden ou le triomphe de la culture Heavy Métal

Si vous souhaitez plus de renseignements sur les relations, fructueuses, entre Sonic Youth et l’art contemporain, ou encore apporter des éléments supplémentaires, répondez-moi !

Mes remerciements chaleureux à  Sophie Turion et Anne-Sophie Chatain-Masson de l’agence RP Sophie Turion qui, j’en suis sur, ont permis à Philippe Manœuvre de passer une inoubliable journée lyonnaise !

F.B.