De l’avis de nombreux observateurs, la 8ième Biennale Internationale Design de Saint-Etienne fait la part belle au numérique. Cela semble assez banal vous me direz, vu l’importance croissante que prennent les technologies digitales dans notre environnement quotidien. Ce n’est pas le blogueur que je suis, et devenu accroc aux réseaux sociaux qui vous dirait le contraire ! Alors plutôt que de fouiller au rayon « Geekeries »,- ce que certains ont très bien fait –  j’ai remarqué le travail de distanciation de certains projets vis-à-vis de l’usage intensif des réseaux dématérialisés.

#BiennaleDesign13 : le 13 Mars à la Biennale : Connecting People

#BiennaleDesign13 – le 13 Mars à la Biennale : Connecting People

Jean-Louis Frechin et Uros Petrevski sont des designers confirmés et habitués du questionnement sur les nouvelles technologies.  Jean-Louis Frechin notamment est le fondateur de la première agence de design numérique : Nodesign.net. Dixit le blog de Nodesign : « Notre Studio est spécialisé dans la création, l’innovation et les réflexions stratégiques centrées sur les pratiques et les usages des technologies de l’information et de la communication (IT) sur des projets industriels, culturels ou exploratoires. »

L’agence Nodesign présente, entre autres, sur cette Biennale, le dépendomètre ou devrais-je dire « l’éthylogeekotest ». Il s’agit d’un thermomètre spécialement conçu pour l’exposition Demain c’est aujourd’hui #4 et qui mesure notre niveau d’addiction aux différents réseaux sociaux dématérialisés ! ↓

Plus grinçant peut-être sur notre manière d’aborder et de vivre notre rapport aux réseaux, et plus particulièrement au premier d’entre eux, Facebook, se situe le projet de Lukas Loss. Il dénonce habilement le pouvoir que possède aujourd’hui le nouveau Big Brother planétaire, qui recueille des milliers d’informations à caractère personnelles sur les membres de son réseau social. Grâce à la collecte de ses données personnelles, il est possible, à l’aide d’une imprimante 3D de visualiser son profil sous la forme d’une  figurine. C’est ce que Loss appelle des « Facebook Buddies ». Sommes-nous en train d’être infantilisés par Facebook ? ↓

Lukas Loss, Facebook Buddies, poupées imprimées en 3D d'après les données d'utlisateurs de Facebook - A gauche Social Memories : livre photo personnalisé à partir d'un compte Facebook, Deutsche Post DHL, 2011

Lukas Loss, Facebook Buddies, poupées imprimées en 3D d’après les données d’utlisateurs de Facebook – A gauche Social Memories : livre photo personnalisé à partir d’un compte Facebook, Deutsche Post DHL, 2011

 

Lukas Loss, Facebook Buddies, sculptures enthropomorphiques, prototypage rapide, 2012. Crédit photo : Lukas Loss

Lukas Loss, Facebook Buddies, sculptures enthropomorphiques, prototypage rapide, 2012. Crédit photo : Lukas Loss

Ci-dessous, une vidéo édifiante sur la révolution numérique que représente l’imprimante 3D, cet outil est devenu un “must-have” pour bon nombre de designers et risque de bouleverser prochainement la production d’objets artisanaux en petite quantité. ↓

Toujours sur le sujet des données personnelles, Marta Polenghi et Kristina Sandqvist exposent leur projet Take Away Data. « Le ticket de caisse Take away data donne des informations sur nos achats en supermarché ainsi que l’historique de notre shopping. Il permet de surveiller sa santé, de choisir les produits qui nous conviennent le mieux en analysant les données de nos habitudes de consommation : signaler que l’on a atteint son quota mensuel de glucides, que l’on manque de  vitamines C ou que l’huile d’olive est préférable contre le cholesterol ». Ne trouvez pas le sujet pertinent au moment où fait rage deux débats de société : faut-il se protéger de tout ? – principe de précaution – et que retrouvons-nous dans notre assiette alimentaire ? L’accumulation de données ne nous conduit-elle pas à un monde aseptisé dans lequel l’erreur, et donc la souffrance n’est plus permise ? ↓

Marta Polenghi et Kristina Sandqvist, Take Away Data, 2011

Marta Polenghi et Kristina Sandqvist, Take Away Data, 2011

La Biennale, au travers du thème de l’empathie, pose une question fine et pertinente sur cette accumulation de données numériques. Comme les informations numériques circulent de plus en vite d’un appareil à un autre et de façon totalement dématérialisée, – le Cloud – les dispositifs digitaux qui traitent l’information sont devenus de plus en plus puissants et intelligents. Par conséquent, certains évoquent l’intelligence de ces objets en réseau, capables de s’adapter et comprendre leurs interlocuteurs. Existe t-il ainsi une « empathie » numérique ? Cette empathie est désignée dans le langage scientifique par le terme de singularité, soit le moment ou notre humanité ne contrôlera plus ses technologies. Vous retrouverez les développements de ce concept précisément dans l’exposition Singularité.

Pour terminer, je ferai un clin d’oeil au cinéaste visionnaire que fût Stanley Kubrick qui, dans 2001, l’Odyssée de l’Espace, traite la question de la singularité technologique dans un scénario assez effrayant. La machine traite d’égal à égal avec l’homme et adopte un comportement inhumain. Tout était visionnaire chez Kubrick, y compris les éléments design de certaines scènes du film ! ↓

Les fauteuils Djinn d'Olivier Mourgue dans 2001, l'Odyssée de l'espace de Stanley Kubrick (1968)

Les fauteuils Djinn d’Olivier Mourgue dans 2001, l’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick (1968)

F.B.

 

Et, pour retrouver mes premières impression sur la Biennale c’est ici