Il faisait un temps de chien ce vendredi après-midi alors que je devais me rendre Rue Burdeau. Comme un printemps mesquin qui joue avec nos nerfs. Pour autant, mon humeur était au beau fixe car je savais que j’allais passer un moment agréable, sitôt le seuil de la galerie ATELIER 28 franchi. Martine Bonnaventure, sa gérante, a eu le très le bon goût d’organiser et d’installer une exposition consacrée à des artistes qui travaillent sans relâche les lignes géométriques. Il n’en fallait pas plus pour piquer ma curiosité et vous proposer ces quelques propos recueillis. Dehors, le mauvais temps persiste, à l’intérieur, l’ambiance est au partage autour d’œuvres qui organisent un dialogue poétique.

Bonjour Martine Bonnaventure, votre galerie fête sa première année d’existence. Pourquoi, à cette date anniversaire avoir consacré une exposition à des artistes modernes et contemporains qui travaillent autour des motifs géométriques ?
Le travail des artistes que j’expose actuellement représente un fil conducteur logique, je suis architecte, et, je retrouve dans leurs œuvres la rigueur de l’architecture mêlée à beaucoup de créativité et de poésie .

Qu’est-ce qui vous tient à cœur dans cet art « géométrique » ? 
C’est un tout que je peux résumer par trois fondamentaux :  format, couleur et technique. Le point commun entre tous ces artistes est qu’au-delà de la qualité de leur travail sur le trait , qui requiert une grande rectitude, se dégagent de l’émotion et de la poésie.
Prenez par exemple Alberte Garibbo, ses tableaux nous font complètement oublier les limites physiques de la toile. Elle nous entraîne au-delà du support physique sur un rythme parfois très musical.
A mes yeux, l’artiste qui réalise le mieux cette combinaison entre rigueur géométrique et émotion est Michel Jouët. C’est un artiste incroyable !

Sept artistes sont exposés, la plupart sont de la génération des grands-parents d’aujourd’hui, est-ce un choix chronologique délibéré ?
Vous savez c’est la première année d’existence de ma galerie. Certes, j’ai pris la suite d’une galerie installée depuis onze années, – la galerie J.Martinez – mais je n’ai suivi aucun de leurs artistes. Il faut donc que j’affirme mon travail en m’appuyant sur des artistes confirmés, à dimension internationale pour certains. Des artistes comme Vera Molnar, Judith NEM’S ou encore Carmelo Arden-Quin sont des valeurs internationalement reconnues.
Pour autant, je vais aussi soutenir et porter le travail d’artistes à la réputation moins installée comme par exemple Jan Demeulemeester que j’ai déjà exposé. Le tout est de trouver un bon « dosage » entre les valeurs sures et les talents qu’il faut promouvoir.

Pour les non-initiés qui découvriraient l’art géométrique, pouvez-vous nous situer le courant dans le quel se situe les artistes exposés ?
La plupart se situent dans la mouvance du courant MADI – MAtérialisme DIalectique ou Mouvement Artistique D’Invention -. Jean Branchet*, par exemple, est très impliqué dans ce mouvement et s’en revendique. Néanmoins, j’expose d’autres artistes qui ne sont pas estampillés au sens strict  « MADI ». Judit NEM’S par exemple, travaille énormément sur les couleurs. Vera Molnar elle, travaille sur le décalage que l’on peut installer dans un travail géométrique très précis.
Si vous regardez les acteurs de cette exposition, ils ont tous en commun d’initier le jeu au travers de leurs réalisations.

Comment travaillent ces artistes ?
Je le redis mais travailler les formes géométriques suppose une grande méticulosité et de la rigueur. Il ne faut pas croire que l’artiste se lève un matin et hop, comme par magie, va d’un seul coup composer des formes et des couleurs jamais vues auparavant. Ces artistes que je connais travaillent énormément, du matin jusqu’au soir. Leurs œuvres sont le fruit d’un long processus de réflexion. Bertrand Dorny, par exemple, qui m’a fait l’amitié de venir à la Galerie, est plongé des heures durant sur sa table de travail à 80 ans passés…
Tous les artistes que je défends ont en commun cet engagement dans leur travail.

On a peut-être tendance, à tort, à opposer la rigueur à l’émotion ?
Effectivement, les artistes que j’expose développent tous un univers poétique qui leur est propre. C’est la réussite dans la balance entre rigueur et poésie qui produit un résultat admirable.

Voyez-vous un message délivré au travers de ces expressions artistiques ?
Fondamentalement  non, chaque artiste s’exprime à travers son travail pour atteindre une expression minimaliste poétique – on retiendra la présentation sur le site de la galerie :  « Tous ont en commun la discrétion émotionnelle dans le souci du Beau »-. Néanmoins, on retrouve dans ces œuvres une expression de joie, un sourire, voilà ce que je retiendrai.

Peut-on encore inventer de nouvelles formes visuelles dans l’art dit ” géométrique “, la nouveauté peut-elle encore émerger ?
Oui bien sur. Tenez par exemple Michel Jouët qui a dédicacé le livre d’or de la galerie. En 2 coups de crayon, il a produit quelque chose de très imaginatif !
Et puis certains artistes utilisent l’évolution technologique dans le processus de création de leurs œuvres. Or, la technologie évoluant, l’art aussi. C’est le cas par exemple de Vera Molnar qui utilise l’ordinateur pour ses recherches minimalistes.

Qu’aimeriez-vous ajouter par rapport à l’exposition ?
C’est une exposition « ouverte » dans le sens ou je conçois un espace de visite qui dépasse le simple cadre de l’exposition. C’est un lieu vivant, avec une bibliothèque en lien avec les courants artistiques présentés. Je n’aime pas le côté souvent rigide que projettent les galeries, j’aime mettre à l’aise le visiteur. Il y a encore un rapport élitiste avec la galerie qu’il faut casser. Mon plaisir est de faire découvrir avec simplicité le travail des artistes que je défends, si je réussis à transmettre ma passion et à renseigner le visiteur alors ce sera déjà très satisfaisant !

*Jean Branchet sera présent à la galerie le samedi 18 Mai, dans l’après-midi

Quelques œuvres sélectionnées parmi celles présentées à l’exposition : ↓

Vue générale de l'exposition, dans une ambiance chaleureuse, au mur tableaux d'Alberte

Vue générale de l’exposition, dans une ambiance chaleureuse. Au mur de gauche à droite : Trois gravures d’Alberte Garibbo, posées en appui contre le mur estampes de Judith NEM’S, au mur huile dur toile d’Alberte Garibbo

 

Espace de l'exposition consacrée aux livres

Espace de l’exposition consacrée aux livres

Au mur oeuvres de Jean Branchet

Au mur œuvres de Jean Branchet

Au mur oeuvre d'Alberte Garribo

Alberte Garibbo, Larmes de sang

Michel Jouët, Carrés Systématiques, 1973-2011

Michel Jouët, Carrés Systématiques, 1973-2011

Au premier plan, à gauche et à droite, tableaux de Judith NEM'S ; au fond tableau et sculpture rouge de Michel Jouët,

Au premier plan, à gauche et à droite, tableaux de Judith NEM’S ; au fond tableau et sculpture rouge de Michel Jouët,

 

 

Au mur œuvres d'Alberte Garribo, à droite sculptures suspendues de Judith NEM'S

Au mur trois œuvres uniques d’Alberte Garibbo, à droite suspendus, 3 totems de Judith NEM’S

Sur le mur principal, face au canapé, oeuvre d'Alberte Garibbo, sur le mur de droite œuvres de Michel Jouët et Judith NEM'S

Sur le mur principal, face au canapé, oeuvre d’Alberte Garibbo, sur le mur de droite, de gauche à droite, tableau de Judith NEM’s, 2 œuvres en appuis contre le mur et tableau de Michel Jouët

Exposition Géométries Croisées, à la Galerie ATELIER 28, jusqu’au 29 juin 2013

→  Site web de la Galerie 

Le Mouvement Madi

→  Michel Jouët

Judith NEM’S

Alberte Garibbo

Bertrand Dorny

Carmelo Arden-Quin

Luis Tomasello

Vera Molnar

Jean Branchet

F.B.