Cher lecteur, tu trouveras dans ce billet et d’autres à venir des nouvelles de Marseille. Des nouvelles du mercato de l’OM ? Non. Des nouvelles de Jean-Luc Mélanchon, candidat autoproclamé dans la cité phocéenne ? Non plus ! En revanche, je reviens vers toi avec des impressions glanées, et surtout des rencontres que j’ai pu faire à l’occasion du Printemps de l’Art Contemporain (PAC 2017, du 25 Mai au 11 juin), manifestation annuelle qui rassemble chaque fin de mois de mai depuis 9 ans, une cinquantaine d’expositions dans toute la ville, avec de nombreux événements parallèles, visites, conférences, rencontres avec artistes et professionnels, etc. En somme, un véritable « PACK » censé témoigner de la vitalité de la scène artistique marseillaise et de ses acteurs.

Pour démarrer, j’ai souhaité te proposer une interview avec Pascal Neveux, le directeur du Fonds Régional d’Art Contemporain PACA depuis 2006. Comme je l’avais fait pour le Musée d’Art Contemporain de Lyon, j’ai voulu aborder le sujet de la collection permanente du Musée et sa/ses spécificité(s). Car, on l’oublie trop souvent, à trop vouloir communiquer sur les événements temporaires en cours dans les musées (ce qui est bien aussi  😀 ), on en oublie la mission première d’un FRAC : constituer une collection représentative de l’art de son époque, la diffuser au plus grand nombre avec pour mission la diffusion d’un savoir scientifique.

Tous les acteurs du microcosme culturel marseillais me l’ont confirmé : l’année 2013 avec Marseille capitale européenne de la culture a insufflé une énergie nouvelle aux acteurs locaux. L’institution du FRAC PACA, créée en 1982, en a bien évidemment profité pour installer sa collection dans un nouvel écrin conçu par l’architecte japonais Kengo Kuma en 2013. Un bâtiment de l’extérieur sobre et pas ostentatoire, un intérieur lumineux et de beaux espaces d’exposition – les spécialistes du musée vous diront “plateaux ” et intégré à son quartier – en l’occurrence la Joliette -. Comme l’a affirmé Pascal Neveux qui a eu la gentillesse de répondre à mes questions, le projet du nouveau bâtiment du FRAC présentait l’avantage de pouvoir réunir, sur un même lieu, l’ensemble de la collection du musée, ce qui n’était pas le cas auparavant…

FRAC PACA, Marseille. Architecte : Kengo Kuma. © JC Lett

FRAC PACA, Marseille. Architecte : Kengo Kuma. © JC Lett

Art Design Tendance : Que représente aujourd’hui la collection du FRAC PACA ?

Pascal Neveux : Ce sont près de 1.300 œuvres pour 600 artistes. Il s’agit d’une collection inscrite dans l’histoire du patrimoine artistique de la région puisque nous sommes liés à différents mouvements artistiques comme Les Nouveaux Réalistes, le mouvement Supports/Surfaces, ou encore l’Ecole de Nice, soit des foyers artistiques très forts qui ont marqué leur époque. Nous avons ainsi de nombreuses œuvres de Daniel Dezeuze, Simon Hentaï, César, Toni Grand, Pierre Soulages, Ben, Gilles Barbier… La collection se décline ensuite sous formes de sous-ensembles. Nous avons un sous-ensemble dédié au dessin, un autre à la photographie et photographie plasticienne, cette dernière est très présente dans notre collection. Et puis nous avons un corpus vidéo qui couvre quasiment l’histoire de ce médium, de la fin des années 70 à nos jours. Nous continuons d’ailleurs à produire, coproduire et commander des films à des artistes sur le territoire marseillais et régional. Ce travail poursuivi dans le temps fait que sur le médium vidéo, nous avons une collection singulière, peut-être la première de tous les Fracs.

A.D.T. : Quelle période embrasse la collection ?

P.N. : De la fin des années 70 à nos jours avec une dimension prospective et expérimentale que nous soutenons par l’intermédiaire de jeunes artistes que nous faisons rentrer dans la collection. Depuis 2006 et mon arrivée, nous avons développé un corpus sur la Méditerranée du fait du positionnement géographique de Marseille, cité ouverte à d’autres cultures. Nous avons donc enrichi et « typé » notre collection avec des œuvres qui proviennent aussi bien de la Rive Nord que de la Rive Sud de la Méditerranée. 

Plus récemment et depuis 3 ans, nous avons choisi trois axes de recherche et de travail prioritaires. Un premier axe autour de l’image en mouvement – vidéo et cinéma – corpus dont nous poursuivons la dynamique. Un deuxième corpus autour du dessin et du dessin en lien avec la sculpture, et enfin un troisième axe dédié au mouvement, et notamment à la cartographie (artistes marcheurs). Sur ce dernier point on retrouve les questions du territoire, de la performance et des formes de restitution de la marche comme pratique artistique.

A.D.T. : Allez vous poursuivre sur ces trois thématiques ?

P.N. : Oui, car nous voulons poursuivre cette aventure avec le même comité sur six ans (1). Nous allons donc très certainement renouveler ces thématiques pour trois années supplémentaires. Vous savez trois années ça passe très vite, ce sont trois rendez-vous, trois budgets d’acquisition. Si nous voulons faire un véritable travail de fonds, il nous faut du temps.

A.D.T. : Quel est le parti pris de la collection ? Souhaitez-vous collectionner un maximum d’œuvres d’un artiste, ou collectionner beaucoup d’œuvres d’un artiste majeur ?

P.N. : Nous avons abandonné l’idée d’acquérir une oeuvre par artiste. Nous nous concentrons sur l’idée d’enrichir nos différents corpus. Pour cela, nous préférons acquérir plusieurs pièces d’un même artiste, ce qui va nous permettre d’organiser une exposition clé en main, et, cela rejoint la mission du FRAC qui est de diffuser la collection sur le territoire, dans les lieux partenaires notamment.

Pour autant, chaque année, nous nous autorisons l’acquisition d’une oeuvre que nous considérons comme étant majeure par le fait que l’artiste soit de stature internationale. Ces achats viennent compléter et structurer la collection. 

Néanmoins, nous axons notre travail d’acquisition sur l’émergence et l’expérimentation. C’est pourquoi nous nous positionnons sur des artistes dont on ne sait pas s’ils obtiendront une reconnaissance internationale. Ce sont des paris. Mais la motivation première d’un FRAC reste de rendre compte de l’histoire du goût d’une époque, et de tendances qui s’affirment, disparaissent ou reviennent.

À suivre…

Vue depuis la terrasse du FRAC PACA.

Vue depuis la terrasse du FRAC PACA. Une des ailes du bâtiment. L’édifice, en plein quartier de la Joliette, est un îlot triangulaire intégré aux habitations environnantes. ©FrançoisBoutard.

FRAC PACA, vue de l'exposition de Thierry Fontaine - Vers le but -

FRAC PACA, vue de l’exposition de Thierry Fontaine, Vers le but,  sur un des plateaux d’exposition du musée, ©FrançoisBoutard.

FRAC PACA, vue de l'intérieur

FRAC PACA,  À l’intérieur, place à la transparence. On aperçoit les panneaux pixellisés de verre qui couvre l’ensemble de la façade extérieure. ©FrançoisBoutard.

©FrançoisBoutard.

Vue depuis la terrasse principale du FRAC

Vue depuis la terrasse principale du FRAC. La perspective s’ouvre sur le “nouveau” quartier de la Joliette. ©FrançoisBoutard.

F.B.