Ce sont sous ces initiales un peu barbares : FRAC, que sévit la politique culturelle de l’Etat comme soutien à la création et l’expression de l’art contemporain en France. Ces fonds régionaux, créés en 1982 par le Ministère de la Culture et en partenariat avec les Régions ont pour mission, je cite, – d’après le site officiel – : «Depuis leur origine, les FRAC ont trois missions fondatrices : collectionner les artistes vivants, favoriser l’accès aux démarches majeures de l’art contemporain, et permettre la rencontre entre des œuvres et des populations parfois éloignées des grandes métropoles». ↓

Nouveaux bâtiments du Fonds régional d'art contemporain de la région Centre à Orléans (45), Agence Jakob + MacFarlane, inauguration septembre 2013

Nouveaux bâtiments du Fonds régional d’art contemporain de la région Centre à Orléans (45), Agence Jakob + MacFarlane, inauguration septembre 2013

Vaste et louable entreprise ! J’ai ainsi appris que l’ensemble des 23 FRAC régionaux cumulent près de 26.000 œuvres, ce qui, pour l’amateur d’art contemporain que je suis nécessiterait un pass visiteur à vie ! Bien entendu, si la première mission d’un FRAC consiste à collectionner les artistes vivants, la question qui m’est spontanément venue à l’esprit est de savoir quels critères président à la constitution d’une collection ? J’en avais eu un premier aperçu au Musée d’Art Contemporain de Lyon – cf. billet https://artdesigntendance.com/les-dessous-dune-collection/-. Chaque FRAC est ainsi composé d’un comité technique d’acquisition dont les membres bénévoles sont critiques d’art, commissaires d’exposition, artistes, personnalités ou collectionneurs privés. Ce sont eux qui vont procéder aux choix d’acquisition. Notons que sur un marché contemporain qui atteint parfois des sommets, beaucoup de FRAC organisent en amont, avec un artiste, une exposition et investissent ensuite dans les œuvres exposées. De par les rencontres que j’ai pu faire depuis le lancement de ce blog, je me suis aperçu que le grand public – et je m’inclus dans cette catégorie -, jugeait l’intérêt d’un musée proportionnellement à l’attractivité de la programmation temporaire. Mais bon sang, la raison d’être d’un musée, c’est quand même de mettre en valeur la richesse de son patrimoine acquis ! Et lorsque 23 FRAC détiennent près de 26 000 œuvres, qu’attendons-nous pour découvrir leurs collections permanentes ! ↓

Dove Allouche, Le Temps scellé, 2006 - 13 tirages cibachromes, acquisition en 2009 par le FRAC AUVERGNE

Dove Allouche, Le Temps scellé, 2006 – 13 tirages cibachromes, acquisition en 2009 par le FRAC AUVERGNE

Des spécificités propres à chaque FRAC

Chaque région de France métropolitaine possède donc son FRAC. Néanmoins, les choix de politiques d’acquisition sont différents. Quelques exemples : le FRAC AUVERGNE acquiert des œuvres orientées vers la peinture, puis plus récemment sur l’image (photographie, vidéo et cinéma). En parallèle du médium, la collection s’organise autour de trois grands thèmes : le langage, l’engagement (politique, historique, social, etc.) et les relations entre l’histoire de la peinture et l’image. Au FRAC BRETAGNE, beaucoup de pièces entrent en résonance avec les deux enfants du pays que sont Raymond Hains et Jacques Villeglé. ↓

Jacques Villeglé, Les Présidentielles, 1981

Jacques Villeglé, Les Présidentielles, 1981

Ces deux artistes made in Bretagne ont fait partie du groupe les Nouveaux Réalistes. A Orléans, capitale de la région Centre, dont votre serviteur zélé s’est souvent plaint de sa torpeur événementielle, le FRAC CENTRE a dès le début des années quatre-vingt dix orienté sa collection sur le rapport entre art et architecture. Ses collections s’exportent avec bonheur, comme lors de Future City en 2006 au Barbican Art Center. Le FRAC CORSE a développé sa collection autour de trois mouvements artistiques historiques : l’art conceptuel, l’art minimal et l’Arte Povera. En Franche-Comté, dans le tout nouvel écrin de la Cité des arts de Besançon conçue par Kengo Kuma, nombre d’œuvres questionnent notre relation au temps, dans une région réputée pour son horlogerie.

De la circulation des collections

Devant une telle richesse culturelle, et sachant que les FRAC ne peuvent montrer l’étendue de leurs collections immenses – si vous faites le compte cela représente environ 1000 œuvres par FRAC -, j’ai cherché à savoir si ces richesses «circulaient» ? Il m’est d’ailleurs revenu à l’esprit sur ce sujet une polémique belge sur l’utilité de certains musées qui amassent mais n’en font guère profiter le public ! Rassurez-vous, malgré la volonté affichée par les FRAC de décentraliser l’art en Province, et de prêter temporairement certaines œuvres de leurs collections, le débat existe aussi en France. L’Ifrap (Institut français pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques) n’y va pas ainsi avec le dos de la cuillère recommandant, dans un rapport :  «de cesser toute subvention aux fonds régionaux d’art contemporain, supprimer le 1 % artistique et, surtout, revendre les œuvres qui ne peuvent pas être exposées». Mais il semble que la question soit plus complexe, à savoir faciliter les moyens qu’ont les musées de Provinces de faire venir en leurs murs, temporairement, les trésors des Musées Nationaux. A vous de vous forger votre opinion, c’est la Tribune de l’Art qui sonne la charge…                                                                                                                        Le sujet est en tous points passionnant et l’amateur curieux que je suis préfère croire ce qui se met concrètement en oeuvre dans les territoires. Le FRAC Nord-Pas-de-Calais affiche ainsi clairement ses convictions – source Wikipedia – : « (…) Les œuvres du FRAC sont présentées au public très régulièrement, à trois échelles différentes. Elles sont tout d’abord exposées dans la région Nord-Pas-de-Calais dans près de 170 lieux partenaires ces trente dernières années.(…) La collection du FRAC est également présentée au public à une deuxième échelle, celle de l’euro-région du Nord. Situé au cœur de l’Europe et à 15 kilomètres de la frontière belge, le FRAC expose régulièrement ses œuvres en Belgique, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni.» On peut ainsi citer l’exposition Destrøy/Design qui s’est déplacée dans les 3 pays. 

Philippe Ramette, Le Suicide des Objets : le fauteuil, 2001

Philippe Ramette, Le Suicide des Objets : le fauteuil, 2001. Collection du FRAC Nord-Pas-de-Calais, oeuvre présentée au Musée du Design de Gand pour l’exposition Destroy/Design

Enfin : «(…) les expositions du FRAC sont également présentées à l’étranger. En 2012, l’exposition Destrøy Design sera présentée au musée des beaux-arts de Taipei (…) ».

Quelques chiffres

Pour terminer, quelques anecdotes sur les collections des FRAC  : ♦ Parmi les œuvres les plus petites des collections :                             →Patrick Neu, Les deux cavaliers de plomb, 1987. En plomb moulé : 7 x 8 x 3 cm, propriété du FRAC Alsace.                         →Gérard Collin-Thiébaut, Effet de Réel, 1982. Installation vidéo, dispositif audiovisuel de 3 minutes, 1 projecteur carroussel Simda, 1 objectif 70-120, 1 lecteur audio Simda, 1 câble de synchronisation (K 23) 3 diapositives, 2 montures d’occultation, 1 cassette continue de 3 minutes et un tabouret en bois. Dimensions de la projection : 5 x 2,5 cm, et oui !!! Propriété du FRAC Alsace.

♦ Parmi les œuvres les plus grandes :                                                                                             →Ilya Iossifovich KABAKOV, 52 entretiens dans la cuisine communautaire, 1991. Achat à la Galerie Association Finnegan’s en 1988. Il s’agit d’une installation qui comprend cinquante-deux pupitres/vitrines adossés aux murs de la salle d’exposition et une table de lecture au centre de l’espace. Les pupitres présentent successivement les cinquante-deux chapitres du livre d’entretien d’Ilya Kabakov avec Yuri Kuper (édition Ateliers Municipaux d’Artistes, Marseille et La Criée, halle d’art contemporain, Rennes). Chaque entretien a, pour point de départ, le commentaire d’une oeuvre réalisée à Moscou par Ilya Kabakov entre 1970 et 1980 : à chaque chapitre est associée la reproduction photographique en noir et blanc de l’oeuvre commentée. Sur la table, sont mis à la disposition du public quelques exemplaires du livre. L’installation baigne dans une semi-pénombre faiblement éclairée par la lumière provenant des vitrines et quelques ampoules électriques suspendues au-dessus de la table. Pour renforcer le côté sombre de l’installation, les murs peuvent être peints dans leur partie basse jusqu’à 130 cm de haut du même brun foncé que les pupitres. Impression sur papier, photographie noir et blanc, bois, peinture et ampoule électrique de dimensions variables selon le lieu et le nombre de pupitres présentés  – 52 x (140 x 34,5 x 47,5 cm)-. Achat à l’artiste en 1993, propriété du FRAC Bretagne.

♦ Les trois collections les plus importantes de par le nombre de pièces :                                           1) FRAC Bretagne : 2794 œuvres  2) Frac Haute-Normandie : 1916 œuvres 3) Frac Rhône-Alpes dit Institut d’Art Contemporain : 1510 œuvres

Je vous laisse ainsi rêver sur le potentiel inestimable de ces collections qui font penser que la création artistique contemporaine, quoi qu’on en dise, est vivante. je dirais même vivace ! Renseignez-vous, les multiples liens sur les sites des FRAC qui jalonnent ce billet sont faits pour ça. J’attends vos commentaires, peut-être connaissez-vous une collection en particulier, peut-être pouvez-vous éclairer les lecteurs d’Artdesigntendance sur la logistique que nécessite la gestion de tels fonds…Je suis tout ouïe.

→ Accès direct aux collections des FRAC : http://www.lescollectionsdesfrac.fr/

F.B.