Mélanie Buatois est une jeune designer de produits basée à Lyon. Titulaire d’un diplôme supérieur d’arts appliqués – DSAA-, j’avais remarqué son travail audacieux pour son projet Vie en Meute, pour lequel elle avait conçu un ensemble de table et chaises inspirés du comportement de vie des loups en groupe.  Mélanie m’a de nouveau bluffé pour son  nouveau projet, une collection de meubles d’intérieur  appelée « D’autres artisans ». Artdesigntendance a donc souhaité, lors d’un entretien avec la designer, en savoir plus sur la naissance et la concrétisation de ce projet qui rappelle et souligne les liens qu’entretiennent un designer-concepteur avec  le process de fabrication des objets. Autrement dit, avec Mélanie, on est loin de l’approche en amont très informatisé du design. Notre designer privilégie un contact direct avec la matière et les formes, les mains directement dans le cambouis…

Bonjour Mélanie, tu as récemment présenté une série d’objets design à l’Atelier-Galerie Visiosfeir intitulée « D’autres Artisans ». Lorsque j’avais pris connaissance de ton travail, il y a plus d’une année, tu avais déjà, avec Vie en Meute, travailler en collaboration avec un artisan – Bernard Legris tourneur sur bois-. Peux-tu nous en dire plus ?
Oui, je dirais que cette collection est le résultat de deux facteurs. J’avais tout d’abord besoin de fabriquer, de créer en vrai, car à l’Ecole on reste très focalisé sur un travail de  conception informatique en 3D. J’avais aussi commencé à développer l’idée d’un porte-manteau, et je me suis aperçu qu’il me fallait un plombier pour cintrer les tubes. Cette envie et cette nécessité m’ont donc amené à l’idée de travailler avec des artisans, dans des domaines très différents, pour concevoir une collection d’objets d’intérieur. C’était un sacré pari de proposer à des artisans de concevoir un objet, bien loin du travail habituel pour certains !

Comment as-tu convaincu, justement, ces artisans de collaborer avec toi ?
Chaque collaboration fut unique. Huit collaborations, huit approches différentes ! En effet, je me suis aperçu que j’avais aidé certains à passer le pas pour la conception d’un objet, ils y pensaient mais il leur manquait l’idée et un plan de réalisation concret. En ce sens, j’ai travaillé avec des personnes motivées et proactives, les convaincre n’a pas été très difficile. Pour d’autres au contraire, il leur a fallu sortir des sentiers battus et aborder un projet totalement inconnu jusqu’alors. J’ai dû alors être plus directive. Pour certains corps de métiers, j’ai tout simplement regardé les pages jaunes, appelé et expliquer mon projet…

Pourtant, on peut bien se demander quels peuvent être les liens entre une coiffeuse et un objet designé, la connexion n’est pas forcément évidente ?                                                                                                                                                                               Effectivement tu as raison. Je connaissais un salon de coiffure africaine, à côté de chez moi. En m’y rendant, l’idée m’est venue non pas de m’intéresser au travail à proprement dit du cheveu mais plus à celui de la matière. Ainsi, certaines textures travaillées dans le salon m’ont interpellé  comme par exemple les cheveux synthétiques. J’avais aussi envie de sortir des métiers du bâtiment pour expérimenter autre chose.

Le travail de la matière a donc aussi été un élément motivant dans tes choix de collaboration ?
Oui, tout à fait. D’ailleurs, plus j’acquiers d’expérience et plus je m’aperçois que faire du design c’est faire des choix !  En parlant de travail sur la matière, j’ai eu de grosses surprises, notamment avec le zinc. J’avais au début très peur de montrer des objets avec des points de soudure grossiers…Et finalement l’effet esthétique rendu est très réussi !

J’ai un faible pour la pendule réalisée avec Jérôme Jourdan, sellier de son état. Comment l’idée t’est-elle venue ?
Au départ, j’avais envie de travailler sur un modèle inspiré des pendules art-déco, puis le projet a évolué – Mélanie me montre alors les différents croquis d’évolution -. L’idée de rendre un aspect capitonné à l’objet m’est venue chez l’artisan qui travaille beaucoup avec des tissus utilisés dans la conception des sièges auto des voitures américaines des années cinquante. Cela permet de faire de grosses coutures et de plus le tissu, en mousse, est assez élastique et permet donc de travailler plus facilement la matière. Comme quoi j’ai aussi pu m’appuyer sur ce savoir-faire artisanal, ce fut un véritable échange…

Qu’est-ce qui, à ton avis, a le plus motivé ces artisans dans ton projet collaboratif ?
Je dirais que pour beaucoup, c’était l’occasion de sortir de la routine, de faire autre chose. Certains se sont même demandés au début pourquoi  moi, designer, je venais m’intéresser à leur travail. Je crois ainsi qu’ils étaient heureux de démonter leur savoir-faire dans le cadre d’une réalisation encore inconnue à leurs yeux.

Te concernant, qu’as-tu retiré de cette expérience ?                                                                                                                             J’ai appris davantage sur le travail de certaine matière que je n’avais encore jamais pratiquée. Cela m’a aussi appris à travailler de façon collaborative. Ainsi, je me suis rendue compte qu’il était plus facile de venir à eux avec une idée de plan, croquis. A partir de là, on pouvait modifier, retravailler la copie beaucoup plus facilement que si ‘étais arrivé avec une image 3D ! Il y a eu un véritable échange au niveau des solutions techniques à apporter au fur et à mesure de l’avancée des projets. Je peux aussi dire que cela m’a appris d’autres facettes de mon métier : démarcher par exemple, convaincre et rester tenace pour aboutir au résultat final. Certaines collaborations m’ont ainsi demandé plus d’énergie, pour aboutir au résultat. En ce sens  j’ai appris la patience !

J’ai bien compris que tu privilégies le rapport à la matière, la réflexion sur le travail des matériaux. Où se trouve la frontière entre le design-conception et l’artisanat ?                                                                                                                                                    De toute façon, pour faire aboutir une idée projetée sur un dessin, il faut connaître et savoir ce qu’il est possible de faire avec le matériau que tu as choisi de travailler. Aujourd’hui, selon moi, on voit trop de choses faites à l’ordinateur avant d’avoir pu être expérimentées réellement. Mon travail se situe plutôt dans une inversion de cette logique : le designer travaille dans son bureau mais aussi dans un atelier ! Cela me rappelle ma période de stage chez les designers Boaz Cohen et Sayaka Yamamoto – Agence BCXSY à Eindhoven aux Pays-Bas, je passais des journées entières non pas derrière un écran d’ordinateur mais dans un atelier !                          J’ai beaucoup appris aux Pays-Bas. Là-bas le design est lié à l’art, la créativité s’exprime pleinement.  Les pièces sont souvent produites en petite série. Au contraire par exemple du design italien qui est un beau produit, plus accessible esthétiquement mais conçu pour être produit industriellement. J’aimerais trouver une proposition intermédiaire entre les deux : un design créatif à prix abordable…

Tu parles justement de l’importance d’avoir un espace de travail, je crois justement que ta rencontre avec Elias Sfeir, qui dirige l’Atelier-Galerie et qui t‘as proposé d’exposer ta collection s’est cristallisée sur cette nécessité ?                                           Oh oui, je cherchais un atelier pour faire de la sculpture sur plâtre et j’ai vu une annonce d’Elias qui cherchait des artistes en résidence. Nous sommes rentrés en contact et j’ai démarré cet été mon travail pour cette collection « D’autres Artisans »  à l’Atelier-Galerie d’Elias !

Elias, peux-tu nous présenter ce lieu ?                                                                                                                                                      Je tiens à l’appellation d’Atelier-Galerie. En plus d’être une Galerie qui propose des expositions tournées autour de la peinture, du dessin, de la photographie et de la peinture, nous sommes ici dans un espace polyvalent qui accueille des artistes en résidence leur permettant de développer leur travail. C’est un lieu vivant d’échanges entre artistes.

Mélanie, merci pour le temps consacré à cette rencontre, et à très bientôt j’espère pour de nouvelles créations !

 

Mélanie Buatois, Projet  Vie en meute, chaises et table

Mélanie Buatois, Projet Vie en meute, chaises et table

Mélanie Buatois, Projet  Vie en meute, chaise

Mélanie Buatois, Projet Vie en meute, chaise

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Exposition "D'autres Artisans", vue d'ensemble

Exposition “D’autres Artisans”, vue d’ensemble

Mélanie Buatois, Exposition "D'autres Artisans"

Mélanie Buatois, Exposition “D’autres Artisans”

Mélanie Buatois, Exposition "D'autres Artisans"

Mélanie Buatois, Exposition “D’autres Artisans”

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mélanie Buatois, croquis préparatoires pendule, Exposition "D'autres Artisans"

Mélanie Buatois, croquis préparatoires pendule, Exposition “D’autres Artisans”

Mélanie Buatois, Exposition "D'autres Artisans"

Mélanie Buatois, Exposition “D’autres Artisans”

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mélanie Buatois, Exposition "D'autres Artisans"

Mélanie Buatois, Exposition “D’autres Artisans”

Mélanie Buatois, Exposition "D'autres Artisans"

Mélanie Buatois, Exposition “D’autres Artis

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mélanie Buatois, Collection "D'autres Artisans"

Mélanie Buatois, Collection “D’autres Artisans”

F.B.

La collection « D’autres artisans » de Mélanie Buatois a été présenté à la Dutch Design Week à Eindhoven ainsi qu’à la Paris Design Week

Chaque objet est accompagné d’une photo avec son créateur, le photographe est Dakota Langlois

L’Atelier-Galerie Visiosfeir présentera, à partir du 15 Novembre, le travail de l’artiste Florent Dupuis

Photos courtoisie Mélanie Buatois et Elias Sfeir.