Suite de mon entretien avec Béatrice Josse, Directrice du FRAC LORRAINE. Si vous avez raté la première partie de cette interview consacrée à la manière dont le FRAC LORRAINE constitue et oriente sa collection, c’est ici.

Artdesigntendance : De quelle façon le Frac Lorraine expose t-il sa collection ? Les œuvres de la collection sont-elles exposées suivant une thématique ? Cycles d’exposition ?                                                             Béatrice Josse : le croisement des connaissances ainsi qu’un intérêt particulier pour les approches sensibles font de la programmation du Frac Lorraine un véritable espace d’expérimentation pluridisciplinaire. Par l’invitation d’écrivains, musiciens, scientifiques, psychanalystes, philosophes et autres passeurs d’idées, de nombreux thèmes d’actualité sont ainsi traités depuis le genre, les questions post-coloniales, l’éco-féminisme et surtout l’influence de l’invisible sur le réel : la gravité, les différentes conceptions du temps, la disparition des glaces, la religion..

Je ne dédaigne pas de travailler sur l’histoire locale comme le Festival international de Science-Fiction qui s’est tenu à Metz entre 1976 et 86 ou encore en invitant l’auteur-historien Philippe Artières à travailler sur la grande grève de 1963 qui annonçaient le début de la fin des mines en Lorraine.

Nous croisons les regards et les méthodes afin de toucher le plus large public en proposant des sujets transversaux et ne touchant pas spécifiquement le monde de l’art. Par exemple, la prochaine exposition a pour titre « Rumeurs du météore » et prend comme prétexte de parler de la météo pour questionner notre regard sur les œuvres de Land art. Il n’est plus possible de regarder des photos du désert sans penser à la sécheresse. Mais il convient d’ajouter que mon souhait est d’inciter à ouvrir l’imaginaire des visiteurs afin de construire collectivement une nouvelle fiction écologique et non de perpétuer le discours catastrophiste ambiant.

Pour ce faire, nous allons réactiver des pièces de Yona Friedman « Protocole improvisé de nuage » avec différentes communautés : des personnes en maison de retraite, ou légèrement handicapés ou encore éloignées socialement des institutions culturelles. Les œuvres sont suffisamment généreuses pour être réactivées par des amateurs, des non- professionnels. Et ceci d’autant plus qu’il s’agit pour l’architecte utopiste de 90 ans de faire rêver aux nuages, d’inventer d’autres fictions collectives.

A : L’orientation de la collection est-elle rédhibitoire à la critique puisqu’elle l’intègre a priori ?                                                                                                                                 B.J. : Si la collection est le reflet d’une pensée, j’invite de nombreux critiques d’art et commissaires étrangers à la défier et à l’interroger, afin de ne pas se laisser piéger par l’unicité de son regard et de ses convictions, aussi engagées et légitimes soient-elles.

L’invitation de critiques d’art étranger permet de faire des lectures de la collection en regard de leur propre scène artistique. Nous avons durant tout l’été une critique slovène qui prépare une exposition de notre collection en prenant appui sur le travail de Marko Pogacnik très influencé par la géomancie, la magie. L’ouverture, la confrontation est intrinsèque à cette collection qui demande justement qu’on l’interprète comme on interprète des partitions de musiques.

A : Quelles sont les zones de diffusion de la collection ?                                                   B.J. : Du fait de la spécificité de notre collection, nous avons beaucoup d’expositions à l’étranger : Norvège, Brésil, Uruguay, Chili, Pologne comme en ce moment à Gdanz.

Il suffit d’envoyer des protocoles ou d’inviter directement les artistes à réactiver leurs pièces. Il est infiniment préférable de financer le trajet des artistes plutôt que des caisses, des camions et des assurances. C’est l’occasion de rencontres et d’inspiration.

Mais l’essentiel des œuvres tournent en région : soit environ 200 œuvres par an (la collection en compte 800 environ). Nous proposons des réactivations de pièces ou des expositions dans les établissements scolaires, les centres culturels, les médiathèques, les MJC. Dans tous les cas, nous essayons de nous adapter à la demande des partenaires pour qu’il y ait vraiment un échange et un désir commun de faire les choses.

Artdesigntendance : Merci Béatrice Josse d’avoir répondu à mes quelques questions et ainsi d’avoir apporté un éclairage sur la richesse d’une collection !

Cecilia Vicuña, Quipu Austral, 2012 - 2013 Collection 49 Nord 6 Est - Frac Lorraine, Metz (FR) Vue de l'exposition Les Immémoriales, printemps 2013, Frac Lorraine Photo : Eric Chenal © C. Vicuña

Cecilia Vicuña, Quipu Austral, 2012 – 2013
Collection 49 Nord 6 Est – Frac Lorraine, Metz (FR)
Vue de l’exposition Les Immémoriales, printemps 2013, Frac Lorraine
Photo : Eric Chenal © C. Vicuña

 

Pauline Boudry, Renate Lorenz, Normal Work, 2007 Collection 49 Nord 6 Est - Frac Lorraine, Metz (FR) Vue de l'exposition "Bad Girls”, été 2013, Frac Lorraine Photo : Eric Chenal © P. Boudry, R. Lorenz

Pauline Boudry, Renate Lorenz, Normal Work, 2007
Collection 49 Nord 6 Est – Frac Lorraine, Metz (FR)
Vue de l’exposition “Bad Girls”, été 2013, Frac Lorraine
Photo : Eric Chenal © P. Boudry, R. Lorenz

 

Yona Friedman, Prototype improvisé de type "nuage", 2009 Collection 49 Nord 6 Est – Frac Lorraine, Metz (FR) Réalisation de l’œuvre par des étudiants à Rio de Janeiro, BR, 2013 Photo : Tempo Festival © Y. Friedman

Yona Friedman, Prototype improvisé de type “nuage”, 2009
Collection 49 Nord 6 Est – Frac Lorraine, Metz (FR)
Réalisation de l’œuvre par des étudiants à Rio de Janeiro, BR, 2013
Photo : Tempo Festival © Y. Friedman

 

 

Ian Wilson, Chalk Circle on the Floor, 1968. Collection 49 Nord 6 Est - Frac Lorraine, Metz (FR) Vue de l'exposition La fuerza de Coriolis, Santiago du Chili, 2013 © I. Wilson

Ian Wilson, Chalk Circle on the Floor, 1968.
Collection 49 Nord 6 Est – Frac Lorraine, Metz (FR)
Vue de l’exposition La fuerza de Coriolis, Santiago du Chili, 2013
© I. Wilson

 

Je remercie chaleureusement Béatrice Josse pour sa disponibilité et sa réctivité !

Je remercie également Valérie Audren-Guelton

F.B.