Kate Cooper, Rigged

Kate Cooper, Rigged

Kate Cooper, Rigged, vue de l'exposition au KW Institut pour l'Art Contemporain de Berlin

Kate Cooper, Rigged, vue de l’exposition au KW Institut pour l’Art Contemporain de Berlin

Kate Cooper, Rigged

Kate Cooper, Rigged

Kate Cooper, Rigged

Kate Cooper, Rigged

Kate Cooper, Rigged

Kate Cooper, Rigged

Kate Cooper, Rigged

Kate Cooper, Rigged

Kate Cooper, Rigged

Kate Cooper, Rigged

Kate Cooper

D’après l’oeuvre Rigged, présentée au KW Institut pour l’Art Contemporain.

La nouvelle exposition de l’artiste originaire de Liverpool, Kate Cooper, au KW Institut pour l’Art Contemporain de Berlin examine la construction de l’image féminine générée par ordinateur, dans le contexte de l’esthétique sur “papier glacé” dont nous innonde la société de consommation. Elle en discute avec Jeppe Ugelvig (contributeur à DIS MAGAZINE), aborde la question d’un féminisme qui englobe des corps numériques, le langage publicitaire, ainsi qu’une réflexion qui dépasse la simple représentation digitale.

Le travail de l’artiste britannique Kate Cooper inspire une attirance physique et esthétique immédiate. Son travail témoigne de l’iconographie brillante de la publicité à la télévision, la stérilité du graphisme employé pour les jeux vidéos, le glamour apparent de l’affichage publicitaire dans les grands magasins et l’odeur de produits cosmétiques fraîchement entamés. Tous ces éléments créent un leurre dans le subconscient. Son utilisation de la technologie CGI (Image générée par ordinateur) dans sa pratique artistique dépasse une simple étude des textures numériques pour occuper un espace hyperréel, à l’aspect humain, généralement réservé aux géants de l’entreprise de la publicité ou du divertissement. Cooper a remporté le prix de la Ernst Schering Foundation pour l’art en 2014, ce qui lui a permis de réaliser l’exposition Rigged au KW Institut pour l’Art Contemporain de Berlin. Son spectacle, Rigged, a coïncidé avec la spectaculaire exposition de Ryan Trecartin, organisée par Klaus Biesenbach et Ellen Blumenstein, et la Berlin Art Week.

Cooper, une brune impeccablement habillée à la voix douce originaire de Liverpool, a travaillé la plupart du temps de manière collaborative ces dernières années. Elle dirige le studio d’art collaboratif Auto Italia Sud-Est, à Londres, qui explore des formes alternatives de structures de travail au sein de la pratique artistique. Rigged est réellement son premier projet solo d’envergure. Lorsque je l’ai rencontrée, elle a souligné sa passion de travailler en mode  collaboratif : “Il apporte une belle liberté – cela signifie que vous pouvez être beaucoup plus ambitieux, par exemple avec la taille des œuvres et la technologie employée. Je suis également très intéressée par les dimensions politiques du travail engagé lorsque l’on construit des œuvres d’art et des projets. Les projets artistiques nécessitent énormément de travail ; je me suis toujours intéressée à ces modes alternatifs de travail, et c’est que je tente de faire avec Auto Italia ; expérimenter et essayer différentes façons de travailler”. L’exposition Rigged se déroule sur 2 étages, comprenant de délicats portraits de modèles féminins générés par ordinateur, courant de façon contemplative ou exhibant des appareils dentaires dernier cri et brillants ! “Par modèles CG  je n’entends pas un genre de pixellisation raté : ce sont des œuvres entièrement réalisées à partir d’êtres humains, entourées de la magie qu’opère la simulation virtuelle et qui exclue toutes imperfections au sens de netteté (les pores et les lignes de sourire sont par exemple visibles). C’est la première fois que j’ai pu avoir un budget et un cadre pour expérimenter davantage avec la technologie, ce qui a été très intéressant” déclare Cooper. “Par le passé, j’ai réalisé des œuvres où j’ai photographié des choses avec l’aide de réels modèles féminins, suivi d’un gros travail de post-production et de CGI. Cette fois, toutes les images sont entièrement construites. Je suis intéressée par ce que cela implique, le travail induit, la position de ces images et ce qu’elles signifient en termes de représentation. “

En faisant le choix de son support et son installation, Cooper emploie ce qu’elle appelle ‘la langue de l’hypercapitalisme’. Elle présente son travail imprimé dans de grands panneaux présentés sur des caissons lumineux semblables à ceux que l’on peut trouver au rayon beauté de n’importe quel grand magasin. Plutôt que de simplement se moquer ou faire preuve d’un esprit de subversion, son utilisation de cette esthétique bien lissée apparaît davantage comme une réappropriation de l’imagerie capitaliste. “Il est très intéressant de se salir les mains à la recherche de votre propre identité, perdue au sein de ce langage brillant, pour être en mesure de le produire vous-même,” affirme-t-elle, “Lorsque je travaille avec cette technologie, je sens toujours une forme de piratage à l’oeuvre “.

“Je suis vraiment intéressée par la manière dont la représentation et la consommation de l’image s’éloignent de plus en plus l’une de l’autre”, explique-t-elle. Le travail de Cooper exprime un dévouement ultime et la croyance dans le corps construit numériquement, un engagement que l’on peut seulement observer chez les artistes qui n’existent que par une réalité digitale et virtuelle, comme par exemple le personnage sur Facebook de Laturbo Avedon. Son récent désengagement de “l’image réelle” (par rapport à ses recherches antérieures qui, bien que comprenant beaucoup de manipulation de l’image, comprenaient encore un peu de contenu non-CG) marque un changement subtil mais crucial dans le débat sur le travail, au sein d’un espace numérique.

Le modèle a son propre corps avec la possibilité de le bouger, il est bien plus qu’une simple représentation. Elle est elle sujet féminin, pas un il. “Pour moi, les images ne sont plus représentatives en elles-mêmes”, ajoute Cooper, “elles remplissent une autre fonction, et je suis intéressée de découvrir les possibilités de cette construction, ce que ça pourrait produire. C’est très excitant”.

À mesure que la technologie améliore sans cesse l’expérience du corps virtuel, les points traditionnels de la critique féministe deviennent difficiles : quel est donc ce corps et qu’est-ce qui s’y joue réellement ? “L’image des femmes est en constante évolution”, dit Cooper. “Quelle est ma relation à ces images ? Que représentent-elles ? Je crois que la question ne porte pas sur l’identification féminine que l’on peut ressentir face à ces images, mais plutôt sur la façon dont nous y participons”. L’approche menée par Kate Copper est rafraîchissante et constructive, suggérant une critique productive et l’utilisation du langage féminisé de la publicité de masse et la transformation en objet du corps (numérique) féminin : “Dans toutes images, en particulier celles des femmes, il y a un rapport au désir, et une violence réelle ; en particulier avec ces images générées par ordinateur. Pourtant, je sens qu’il doit y avoir un moyen de négocier avec ces représentations, d’en explorer leur potentiel, et de se les approprier. Il ne s’agit pas de réutiliser le monde esthétique de l’hypercapitalisme, mais de l’occuper et de l’envahir. Je trouve que c’est une proposition intéressante à faire en tant qu’artiste. Peut-être qu’il existe une liberté dans les choses qui sont censées restreindre notre réflexion “.

Texte et propos recueillis sur DIS.

→ Pour retrouver le billet original du 22 septembre 2014 sur Ilikethisart c’est ici.

F.B.