Comme promis, je suis donc allé voir comment la ville de Los Angeles nous était racontée par ceux, peut-être, qui la connaissent la mieux, à savoir les artistes plasticiens et les écrivains qui y vivent (tous les artistes présentés travaillent/ont travaillé et vivent/ont vécu à Los Angeles ou y sont même nés). Je ne jugerai pas l’exposition Los Angeles, une fiction du MAC Lyon. Ce n’est pas mon rôle ni celui de ce blog qui a pour mission de vous chuchoter à l’oreille que oui,  l’art contemporain nous dit beaucoup de choses de notre environnement, du monde dans lequel nous nous débattons… Et donc une exposition sur L.A. parle de L.A., mais en quels termes ? Voici ce que j’y ai ressenti…

Tout d’abord, certains thèmes que je m’étais attendus à voir traiter par des artistes californiens sont bien présents : criminalité, questions/tensions raciales, pollution automobile, et rêve hollywoodien. En revanche, et je l’avais négligée, la question du climat propre à Los Angeles, et plus généralement à la Californie, est très présente dans l’exposition. De même la question du traitement associé de l’image et du texte (peinture narrative), propre à John Baldessari qui visiblement a inspiré les générations suivantes d’artistes californiens.

Autour de l’exposition, le MAC Lyon a eu l’excellente idée de regrouper des textes d’écrivains de Los Angeles avec les œuvres plastiques présentées dans l’exposition au sein d’un recueil, qui est également titre de l’exposition :  Los Angeles, A Fiction.

Les écrivains et artistes qui parlent de cette ville en évoquent souvent le climat. La luminosité si particulière de la mégalopole en rendent certains mélancoliques, pour la couleur du ciel à la tombée du jour, ou encore pour la beauté de sa nature luxuriante ; d’autres, en revanche, la vivent comme un élément naturel extrêmement agressif, et la nature aride de la région n’est jamais loin d’être évoquée. Los Angeles, Enfer ou Paradis ?

Jonas Wood, Landscape Pot with Yellow Orchid, 2014, oil and acrylic on canvas, 3 × 2.3 m

Jonas Wood, Landscape Pot with Yellow Orchid, 2014, oil and acrylic on canvas, 3 × 2.3 m. D’autres œuvres de Jonas Wood, dans le même esprit, qui témoignent de l’omniprésence d’une nature “agréable” à vivre dans les intérieurs californiens, étaient exposées au MAC Lyon

Stanya Kahn. Les dessin à l'encre sur papier de l'artiste évoquent la sécheresse, la chaleur, les serpents du désert de Mojave

Stanya Kahn. Les dessin à l’encre sur papier de l’artiste évoquent la sécheresse, la chaleur, les serpents du désert des Mojaves… Photo depuis site de l’artiste.

Un point de détail sur la nature. Plusieurs artistes font référence au fameux Joshua Tree. Si pour vous comme pour moi le terme évoque un album culte de U2, il s’agit avant tout d’un parc national (Joshua Tree National Park) situé dans le sud-est de la Californie. Or, dans l’un des 2 déserts du Parc (Colorado et Mojaves), le dernier cité abrite le Joshua tree, littéralement l’arbre de Josué, une espèce que l’on rencontre uniquement au Sud-Ouest des États-Unis. 

Alors la question raciale ? Elle est évoquée de différentes manières, avec une forte représentation du médium vidéo pour traiter le sujet. Ainsi, l’artiste Martine Syms s’attaque aux stéréotypes de façon astucieuse, en mettant en scène un clone de Jimi Hendrix, ou en filmant une performance sur un scénario pré-établi : SHE MAD : Laughing Gas, 2016 -. Et là que dire en effet sur le nombre de productions audiovisuelles qui utilisent l’image comique du noir ? De Arnold & Willy au Prince de Bel’Air en passant par The Cosby Show, les exemples ne manquent pas… Alors L.A., machine à connaître la gloire ou bien à vous enfermer dans un stéréotype ? Los Angeles, Enfer ou Paradis ? ↓

Vue de l'exposition Los Angeles, une fiction, au MAC Lyon. Installation video de Martine Syms, Laughing-Gas, 2016

Vue de l’exposition Los Angeles, une fiction, au MAC Lyon. Installation video de Martine Syms, Laughing-Gas, 2016. Derrière, on aperçoit une autre oeuvre de l’artiste : peinture murale Is You Is Or Is You Ain’t, 2016. Photographie ©FrançoisBoutard

Henry Taylor, I'll Put a Spell on You, 2004. Peinture acrylique.

Henry Taylor, I’ll Put a Spell on You, 2004. Peinture acrylique. Une pièce du musée est consacrée à la peinture d’Henry Taylor qui peint des figures de l’histoire afro-américaine.

Partie basse du tableau G related (2006) de Henry Taylor. J'ai bien aimé cette originalité, comme une légende.

Partie basse du tableau G related (2006) de Henry Taylor. J’ai bien aimé cette originalité, comme une légende.

Ce n’est pas pour remuer le couteau dans la plaie, mais figurez-vous qu’Hollywood “transforme” les aspirants au succès et souvent les broie dans les pires excès : alcool, drogue, prostitution. Si comme moi vous regardiez la célèbre sitcom Arnold & Willy quand vous étiez petits, alors sachez que sur les 3 acteurs clés de la série, 2 sont morts dont 1 d’overdose après une vie pour le moins affreuse. L’ultime survivant fait de la prévention chez les jeunes contre les ravages de la drogue après avoir lui-même connu l’enfer. Bon, je pourrais aussi vous parler des démêlées actuelles de Bill Cosby avec la justice…

Cet envers du décors est bien sûr symbolisé par l’affiche de l’exposition, signée Ed Rusha avec toujours cette fascination pour la luminosité si particulière de la Cité des Anges. Los Angeles, Enfer ou Paradis ?

Ed Rusha, The Back of Hollywood, 1977

Ed Rusha, The Back of Hollywood, 1977. Peinture à l’huile.  A noter que l’oeuvre fait partie de la collection du Mac Lyon.


Pour décrire la face glamour, arty et ultra-branchée/connectée de la ville du show-bizz, le MAC Lyon a dédié plusieurs espaces d’exposition au duo d’artistes Ryan Trecartin et Lizzie Fitch. Considérés comme les contemporains de la société 2.0, les artistes les plus radicaux de la Net Generation dénoncent avec frénésie dans leurs films notre époque hyper-connectée où règne l’individualisme et où chacun met en scène sa vie. J’avais découvert ces 2 artistes à l’occasion de la Biennale d’Art Contemporain de Lyon, hilare devant les réactions amusées d’un public adolescent scotché à l’univers du duo. J’avais d’ailleurs intitulé ce billet : Ryan Trecartin & Lizzie Fitch exp(l)osent la société 2.0. ! J’aime leur travail car ils mettent en scène leurs vidéos dans des installations qui nous convient à être spectateur et à prendre un certain recul… ↓

Ryan Trecartin & Lizzie Fitch, Pizza Point, 2009. 3 videos HD

Ryan Trecartin & Lizzie Fitch, Pizza Point, 2009. 3 videos HD. Vue de l’installation durant l’exposition Los Angeles, une fiction au MAC Lyon. Photographie ©FrançoisBoutard.

Ryan Trecartin & Lizzie Fitch, Pizza Point, 2009. 3 videos HD. Détail de l'installation durant l'exposition Los Angeles, une fiction au MAC Lyon.

Ryan Trecartin & Lizzie Fitch, Pizza Point, 2009. 3 videos HD. Détail de l’installation durant l’exposition Los Angeles, une fiction au MAC Lyon. Photographie ©FrançoisBoutard.

Ryan Trecartin & Lizzie Fitch,

Ryan Trecartin & Lizzie Fitch, autre installation présentée durant l’exposition. On vous laisse spectateur… Photographie ©FrançoisBoutard.

Un des artistes les plus influents de Los Angeles est John Baldessari et vous le connaissez sûrement, sans le savoir. C’est lui qui peint des gros points bleus, jaunes ou rouges sur des photos d’époque en noir et blanc. Comme il le dit lui-même : « On dit qu’en moyenne les spectateurs restent moins de 7 secondes devant une œuvre. Moi, j’essaie de ralentir le rythme du public en rendant mon travail un tout petit peu plus difficile à comprendre. » Ce faisant, Baldessari nous pousse à réinterpréter une image et à lui donner du sens. De nombreux artistes ont donc à sa suite exploré le détournement d’images en superposant des techniques mixtes tels que la peinture, la photographie et le collage. Laura Owens, exposée, réussit brillamment cette “recomposition” de l’image avec son tableau Sans Titre que j’ai beaucoup aimé. Sur la toile, on distingue subtilement les éléments qui relèvent effectivement de la peinture, de ceux qui proviennent d’une image de journal sérigraphiée. ↓

Laura Owens, Sans Titre, 2015.

Laura Owens, Sans Titre, 2015. Oeuvre présentée durant l’exposition Los Angeles, une fiction au MAC Lyon. Photographie ©FrançoisBoutard.

Laura Owens, Sans Titre, 2016

Laura Owens, Sans Titre, 2016. Image depuis le site de l’artiste, le tableau me plaisait…

Oeuvres de John Baldessari

Œuvres de John Baldessari, un nouveau langage à imaginer… Des travaux plus récents de l’artiste étaient présentés à l’occasion de l’exposition au MAC Lyon.

La violence et la criminalité sont bien entendu traitées durant l’exposition. Des œuvres font référence aux émeutes de Watts qui secouèrent ce quartier noir de Los Angeles du 11 août au 17 août 1965 (34 morts, environ 1.100 blessés4.000 arrestations, 977 bâtiments détruits ou endommagés et 35 millions de dollars de dégâts), imprimant la mémoire collective des artistes et écrivains locaux. L’artiste d’origine iranienne Tala Madani qui travaille à Los Angeles livre sa vision d’une violence que l’homme ne peut contenir, en proie à ses pulsions. Ces vidéos, sortes d’animations, combinent expérimentation et extraits de films conventionnels. À contrario, et au même étage de l’exposition, le grand David Hockney qui élit domicile à Los Angeles dans les années 60, attiré par la luminosité si particulière de la ville, peint des scènes de vie d’intérieur paisibles – et bien sûr d’innombrables piscines dans lesquelles se baignent des corps alanguis. Los Angeles, Enfer ou Paradis ? ↓

Tala Madani, Wrong House, 2014. Une des 3 vidéos projetées durant l’exposition.

J’aurais aimé vous parler d’autres artistes exposés dont j’ai particulièrement apprécié le travail, j’en retiens 3 :

Larry Bell (1939), vit et travaille à Los Angeles

John Divola (1949), vit et travaille à Los Angeles

Alexis Smith (1949), vit et travaille à Los Angeles

Pour terminer ce billet, je vous propose un extrait du livre de Dona Tartt, Le chardonneret (2013, Prix Pulitzer de la fiction) que vous pouvez retrouver dans le livre Los Angeles – A Fiction, disponible à la Boutique du Musée 🙂 ↓

Donna Tartt, extrait Le Chardonneret, 1993, dans Los Angeles - Une fiction.

Donna Tartt, extrait Le chardonneret, 2013, dans Los Angeles – Une fiction.

F.B.