Robert Combas s’expose en tous « sens » au Musée d’Art Contemporain de Lyon jusqu’au 15 juillet. Un long parcours de « Combastant » se déroulant sur 3 étages, du combas en long en large et en travers, en veux-tu en voilà, tu en auras pour ton argent ! Du Combas nu, du Combas exhibitionniste, du Combas nihiliste, du Combas « jouissiste », du Combas mystique, du Combas sanguinolant, du Combas nietzschéen, du Combas franchouillard. Oh j’aurai bien envie de vous dire au final du Combas dionysiaque !!!                                                                                                                     Des premiers dessins en mode bataille navale jusqu’aux exercices de styles imposés dans le choix des sujets représentés, rien de la production foisonnante de l’artiste sétois ne nous est épargnée. 2 réactions sont possibles : soit l’écœurement à avaler la production pantagruélique du maître, soit l’attitude, et à mon avis la meilleure, qui consiste à apprécier l’œuvre par prise homéopathique à intervalle distanciés.

Pour avoir eu l’occasion de rencontrer l’artiste commenter ses toiles, j’ai voulu vous donner quelques clés pour comprendre cette œuvre foisonnante.↓

Robert Combas au MAC

Robert Combas au MAC

Au premier contact avec la peinture de l’artiste on peut légitimement se sentir perdu, ne pas savoir par quel bout lire un tableau car tout est enchevêtrements, superpositions et imbrications. Et bien c’est un peu à l’image du «  metteur en scène » rencontré lors d’une visite guidée au MAC de Lyon : Robert Combas est volubile. Il commence une phrase, s’interrompt, reprend le fil de sa pensée première après s’être égaré sur un autre sujet. Difficile de suivre l’artiste mais on sent, rien que dans son expression verbale, une volonté d’aller au bout, donc d’achever son tableau.                                                              Regardez ainsi une toile de Combas, derrière le capharnaüm apparent, vous n’aurez jamais l’impression d’un travail inachevé. Combas organise un microcosme organique qui vit en vase clos et se suffit à lui-même (c’est mon impression).

Les historiens de l’art classe le peintre dans le courant de la Figuration Libre – c’est l’artiste Benjamin Vautier dit « Ben » qui trouva l’expression – , pour autant Combas s’en défend avec ardeur. Il déteste les étiquettes. Ainsi lors de la visite j’ai bien entendu « On m’a comparé à Keith Harings ou Jean-Michel Basquiat mais regardez bien, ça ne me ressemble pas. » Je donne la parole à Didier Semin, grand connaisseur de l’œuvre de Combas : « Tout se passe, remarque Didier Semin, comme si la peinture était pour lui la scène ou s’accomplit le désir contradictoire d’être reconnu (comme le seul, le meilleur, le premier) sans pour autant être compromis (par le marché, le milieu) ni « qu’on lui mette le grappin dessus », selon l’expression de Cézane. » Gardez ainsi en tête l’idée que Combas veut avant tout faire une peinture libre, libérée de toute contrainte intellectuelle.

Les œuvres de Combas apparaissent naïves dans leur expression car elles touchent aux fonctions vitales de l’humain : boire, fêter, travailler, manger, baiser, etc. Pourquoi ? L’artiste le répète souvent, il exécute ses œuvres avec sincérité, donc il montre le réel crûment avec une grand dose d’humour ! Combas est né au sein d’une famille ouvrière modeste, rien ne le prédisposait socialement à devenir artiste, il a pu faire les Beaux Arts de Montpellier sans baccalauréat. Il a donc construit son style lui-même, subissant peu d’influences. Si vous souhaitez creuser le sujet, disons que l’œuvre de Combas est tiraillé entre le discours « spontanéiste » – Combas émerge en pleine diffusion de la BD et du rock et s’en nourrit – et une conception « essentialiste » – sa peinture se rattache à un art intemporel : de la préhistoire à nos jours. D’un côté Combas peint la vie de façon trash, de l’autre la candeur de ses sujets fait penser à de l’art brut, soit un art fait par des artistes sans aucunes références artistiques.

Vous pouvez êtes frappés par la multitude de tableaux à connotation sexuelle, Combas désamorce la polémique : ce qu’il montre n’est pas une vision perverse de la sexualité mais la vision adolescente du sexe. Moi je rajouterai qu’il le fait avec beaucoup d’humour, et que son rapport au sexe faible est essentiel dans une vie émaillée par de nombreuses conquêtes et ruptures. Les femmes de sa vie sont des muses inspiratrices.                   Ce qui motive Combas c’est d’être « subversif », et de citer en exemple le tableau Trois grands personnages historiques français, 1983 dans lequel il représente un phallus devant De Gaulle, Saint Louis ou Charlemagne et Napoléon.↓

Trois grands personnages historiques français, 1983

Trois grands personnages historiques français, 1983

Peindre le quotidien et la franchouillardise ok, mais y a t-il d’autres domaines qui ont inspiré Combas ? Oui bien entendu, et attention si je vous ai dit plus haut que l’art de Combas pouvait s’apparenter à de l’art sans références artistiques c’est aller bien vite en besogne ! Comme d’autres artistes Combas traverse des périodes « thématiques ». Il s’installe à Paris à la fin des 70 et peint ce qu’il appelle un art pop arabe inspiré de ses pérégrinations dans le quartier Barbès, il développe sa peinture et la sophistique tout au long des années 80 au travers de thèmes fétiches : les femmes, les batailles, le sud de son enfance (Sète), le bestiaire animal, etc. En 1990 il expose ses tableaux en compagnie de ceux du peintre Henri de Toulouse-Lautrec : Combas reconnaît dans le peintre un avant gardiste du pop art et se reconnait sans doute dans la vie excessive de l’artiste qui a marqué son œuvre. Il s’essaie aussi aux réinterprétations et reprises de la peinture européenne classique : Vélasquez ou encore Goya. Enfin Combas dépasse le cadre de la peinture et développe depuis une vingtaine d’années d’autres activités artistiques : reproductions en plâtres de sculptures et antiques, technique mixte sur photographie jusqu’à son groupe de rock, les Sans Pattes.

2 thèmes fils conducteurs chez Combas reviennent toujours : l’évocation de sa ville natale Sète à laquelle il est très attaché. Sur certains tableaux amusez-vous à regardez de plus près l’activité des personnages isolés dans un coin du port de Sète : c’est le jeune peintre qui fume ses cigarettes avec ses amis sétois.                                                     Autre fil rouge : le rock. Les premiers dessins de Combas pré-adolescent figurent des groupes de rock, puis ce sont des fanfares. Confidence de l’artiste : son premier émoi fut d’écouter la fanfare, et ce bien avant les femmes !

Enfin je vous ai laissé le meilleur pour la fin : l’artiste lors de la visite nous révèle qu’il a toujours aimé se raconter des histoires pour éviter de s’ennuyer. Et là arrive ce que je trouve de plus attachant dans l’œuvre de Combas : beaucoup de ses toiles sont accompagnées d’une légende qui décrit la scène peinte. Le texte est souvent truffé de calembours et jeux de mots, Combas s’amuse lui-même et nous aussi !                          Un exemple de légende : je vous laisse méditer la fin de ce billet sur la reprise par Combas du célèbre Gabrielle d’Estrées et une de ses soeurs d’un auteur inconnu de l’École de Fontainebleau, peint autour de 1594.↓

Gabrielle d'Estrées et une de ses soeurs

Gabrielle d’Estrées et une de ses soeurs

Voici la réinterprétation de Combas ↓

Black Gabrielle d'Estrée et sa 4ème soeur cadette, 1985

Black Gabrielle d’Estrée et sa 4ème soeur cadette, 1985

Enfin et surtout la légende : « Black Gabrielle D’Estrée palpe les bouts de nichon de sa sœur Joséphine qui ne bronche pas étant frigide. Une armée de Louidjis triangulaires regardent la scène en bavant comme des obsédés du sexe faible. Black Gabrielle D’Estrée préfère toucher des nénés plutôt que de se farcir tous les louidjis de la terre. Hier soir elle s’est fait niquer par un totem primitif représentant une déesse particulièrement lesbienne. Depuis cette histoire elle vote pour le Mouvement de libération des femmes à clitoris à fermeture éclair. »

F.B.