La Belgique est un pays paradoxal. Quel autre pays a récemment pu démontrer qu’il se portait mieux sans gouvernement qu’avec ? Une farce du plat pays me direz-vous ? Les belges, contrairement aux français, aiment à rire d’eux-mêmes. Ils sont un sens aigu de l’autodérision qu’on a ainsi dénommé «Belgitude». On ne s’étonnera donc pas de les voir occuper le haut de l’affiche lorsqu’il s’agit de détournement artistique ! ↓

René Magritte, La trahison des images, 1929.

René Magritte, La trahison des images, 1929.

 « La fameuse pipe, me l’a-t-on assez reprochée ! Et pourtant, pouvez-vous la bourrer ma pipe ? Non, n’est-ce pas, elle n’est qu’une représentation. Donc si j’avais écrit sous mon tableau « ceci est une pipe », j’aurais menti ! » –  René Magritte.

Ainsi, à l’image de Magritte, Le belge est malin, rusé, comédien. Moi j’ai rencontré un spécimen belge du plus bel acabit, spécialiste à la fois en tout et en rien. Spécialiste du détournement du discours devrais-je dire. Son nom : Eric Duyckaerts. Sa spécialité : l’art de la rhétorique qu’il est capable de dispenser debout sur une estrade ou face à une caméra dans le cadre d’une performance filmée. Attention cependant, n’allez pas croire que Monsieur Duyckaerts est un amateur, c’est un scientifique, expert en savoirs exogènes. Juriste et philosophe de formation, il possède un un curriculum vitae en «humanités» impressionnant. Petite entrée en matière avec La main à deux pouces réalisée en 1993 : ↓

Eric Duyckaerts, La main à 2 pouces, Base 12 1993. Plâtre, écran vidéo, bois.

Eric Duyckaerts, La main à 2 pouces, Base 12 1993. Plâtre, écran vidéo, bois.

Eric Duyckaerts est un expert en démonstration et transmission d’idées. Sont-elle vraies, sont-elles fausses ? J’ai eu le bonheur de découvrir le travail de cet artiste contemporain au MACVAL dans une série de vidéos truculentes. L’artiste s’amuse à reproduire le discours intellectuel d’un professeur d’université qui explique le processus de création, lui-même étant en train d’inventer son discours. Je me rappelle avoir beaucoup ri et passé beaucoup de temps à écouter mais aussi à prêter attention à la mise en scène de la performance. ↓

Eric Duyckaerts au tableau noir, en pleine démonstration.

Eric Duyckaerts au tableau noir, en pleine démonstration.

Retrouvons Eric Duyckaerts dans une des ses performances, le Projet Mimosas : ↓


Le projet Mimosas – E. Duyckaerts par leoscheer_tv

Alors, qu’en pensez-vous ? Joseph Mouton, professeur d’esthétique à la Villa d’Arson résume bien Duyckaets et dit ainsi de lui : « Éric Duyckaerts a raté de justesse un Premier Prix d’éloquence dans sa Belgique natale : nul doute que celui qui le lui a soufflé était excellent et tenait une grande forme ce jour-là. […] Il s’agit en somme d’enchaîner des automatismes avec tant de variété apparente et de vivacité que l’auditeur croit assister au miracle d’une parole qui jaillit naturellement de la roche humaine. La virtuosité rhétorique a un rapport avec le funambulisme : on enveloppe l’orateur dans l’aura de sa chute inévitable et qui ne vient jamais. ». Oui, pour notre plus grand plaisir, Eric Duyckaerts est une sorte de pendant à notre François Rollin national, mais avec cette belgitude incomparable qui le rend irrésistible.

Si Eric Duyckaerts vous fait rire, cliquez ici pour un bonus.

F.B.