J’avais prévu de vous parler du courant artistique « Fluxus » – attention c’est l’artiste Ben  qui vous en parle, donc c’est plus amusant !-. J’ai visité l’exposition consacrée à ce mouvement au Musée d’Art Moderne de Saint Etienne. Selon les dires des organisateurs, il s’agit de la plus grande rétrospective jamais réalisée en France du mouvement, jamais autant d’œuvres n’ayant été exposées à la fois. C’est bien le participe passé du verbe exposer qui cause problème d’ailleurs…Puisque ce courant artistique qui a innervé la scène artistique contemporaine à partir du début des années 60 s’est construit autour de performances – happenings-, de jeux et de publications. Alors comment exposer ce qui, par nature, n’est pas fait pour l’être ?                                                                                Plus qu’une étiquette made in « Fluxus », les artistes de ce mouvement revendiquent une attitude. Ils ont désacralisé le terme d’art, jugeant qu’il devait faire partie intégrante de la vie et que les différentes pratiques qui lui sont associées (musique, peinture, littérature, théâtre) font partie d’une même base commune se concrétisant par des actions et des propositions. Difficile donc de mettre en lumière un art évènementiel  produisant des œuvres ludiques destinées à être manipulées. Durant ma déambulation, j’eus ainsi souvent l’envie de soulever les vitrines de verre pour m’emparer des Flux Boxes et autres Flux-Kits pour jouer avec ! ↓

Larry Miller, A Fluxus Box, 1974

Larry Miller, A Fluxus Box, 1974

Pour autant, dans ce parcours « Fluxus », un artiste écrase de sa présence l’exposition : Wolf Vostell. Est-ce parce qu’une salle complète lui est dédiée ? Sûrement. Est-ce parce que les œuvres exposées tiennent moins de la performance que de l’exposition ?Egalement. Est-ce parce qu’il développe un art plus engagé et personnel que ses contemporains du Groupe Fluxus ? C’est ma certitude. En répondant ainsi, je comprends mieux pourquoi Georges Maciunas, considéré comme la tête pensante de Fluxus, a toujours refusé de considérer Vostell comme membre du Groupe, du fait de ses œuvres trop personnelles et autocentrées. Ci-dessous un extrait de l’organigramme présent en début d’exposition qui référence les artistes liés au courant Fluxus :

Mouvement Fluxus, panneau présenté à l'exposition "Fiat flux : la nébuleuse Fluxus, 1962-1978"

Mouvement Fluxus, panneau présenté à l’exposition “Fiat flux : la nébuleuse Fluxus, 1962-1978”

La salle d’exposition dédiée à Wolf Vostell ne peut laisser insensible ; en particulier, l’installation Fandango qui date de 1975. Autour de cette œuvre unique gravitent des séries de tableaux, certains en lien direct avec Fandango. Contrairement à mon habitude sur ce blog, je ne commenterai pas l’oeuvre de l’artiste car très forte et personnelle ; je laisse le champ des possibles ouvert à chacun. Mais la joie et la curiosité de vous montrer ces quelques photos de l’installation Fandango constituent déjà une grande satisfaction, pour un artiste très peu montré en France. L’installation est “animée” c’es à dire que les marteaux fixés aux portières tapent, régulièrement, sur ces dernières.↓

 

Wolf Vostell, Fandango, 1975

Wolf Vostell, Fandango, 1975

 

Wolf Vostell, Fandango, 1975, l'installation vue de derrière

Wolf Vostell, Fandango, 1975, l’installation vue de derrière

 

Wolf Vostell, Fandango, 1975, salle consacrée à l'artiste

Wolf Vostell, Fandango, 1975, salle consacrée à l’artiste

Wolf Vostell est un artiste atypique, ne serait-ce parce qu’il lui fallut vivre avec l’interrogation suivante : comment être artiste et allemand au lendemain du cauchemar nazi ? Très en avance sur son époque, il est, dès 1958, le premier artiste à avoir intégré un téléviseur dans une œuvre d’art. Il participe ainsi au premier happening européen à Paris. Au même moment, l’artiste coréen Nam June Paik travaille avec le compositeur John Cage et commence à assembler des téléviseurs en marche ; Paik et Vostell sont considérés comme les fondateurs de l’art-vidéo. Contrairement à Paik qui accentue ses recherches sur le médium vidéo, Vostell travaille sur le processus de communication et sur la perception qu’a le téléspectateur de l’image télévisée. Il devient ainsi un critique acerbe du médium télévisé en tant qu’asservissement de l’action humaine. La vidéo de l’installation ainsi que son environnement artistique peuvent difficilement laisser le spectateur sans réaction. Vostell revendique le droit à la provocation. Il est ainsi le premier qui se réfère dans ses installations à l’histoire du Troisième Reich, nommant Auschwitz et Treblinka, et ce dès la fin des années 1950 ! Souvent radical dans ses œuvres, il n’hésite pas à encastrer des objets – des voitures par exemple- dans du béton. Je vous offre enfin une vidéo d’époque qui relaie bien l’esprit contestataire de cet artiste majeur du siècle précédent.↓

 

F.B.

Photos réalisées avec l’aimable courtoisie du Musée d’Art Moderne de Saint-Etienne.