Jamais je n’aurais pensé que mon amour pour les « Muscle Cars » – voitures américaines sportives aux lignes aguicheuses produites de 1964 à 1974 avec pour emblème la Ford Mustang – m’emmènerait sur les traces du premier « esthéticien » industriel…↓

Buick Riviera GS, 1971 et Ford Torino Talladega, 1969
Etrangement notre homme, né en France en 1893 à 2 pas de la Tour Eiffel, décoré après 4 années de Grande Guerre, est plus connu outre-Atlantique que dans son propre pays de naissance. Citoyen franco-américain en 1938, il est celui qui comprit que le développement de la société de consommation, et encore plus celui de l’« American Way Of Life », irait de pair avec un produit industriel designé. Que l’on donne envie au consommateur d’acheter un produit certes, de qualité, mais aux contours esthétiques réussis ! Voici une de ses plus brillantes réalisations, la « Studebaker Hawk », considérée comme la voiture précurseur des Muscle Cars. ↓
Issu d’un milieu bourgeois et conformiste, Raymond Loewy, puisqu’il s’agit de notre homme, quitte la France en 1919 pour New York. Plus rien ne le rattache à l’Hexagone : ses parents sont morts de la grippe espagnole sitôt la Première Guerre Mondiale terminée. Loewy rejoint à New York un de ses 2 frères. Il comprend rapidement le potentiel industriel du Nouveau Monde : la production de masse se développe, Henry Ford triomphe avec la Ford T, l’aéronautique et l’automobile avancent à vitesse grand V sous l’impulsion d’ingénieurs doués. Mais il manque indubitablement quelque chose au tableau, ce « je ne sais quoi » qui perdure et se renouvelle dans la vieille Europe. Les Américains inventent, fabriquent, commercialisent, mais se soucient peu du résultat esthétique du produit fini. Au même moment en France, le Salon des Arts Décoratifs de 1925, exposition universelle grandiose consacre l’art déco. Et des précurseurs comme Charlotte Perriand, Le Corbusier ou Pierre Jeanneret – cf article Charlotte Perriand – imaginent déjà les objets de demain aux lignes volontairement épurées. Raymond Loewy saisit alors sa chance, il imposera son credo : « la laideur se vend mal », titre d’un livre dans lequel il expose sa théorie.

Raymond Loewy, La laideur se vend mal, Gallimard 1952
Pour lui, il faut simplifier l’aspect esthétique d’une machine, donner envie au consommateur d’acheter un produit fini agréable au regard. Ce faisant, il séduit les industriels puisqu’il réduit les coûts de production. En avance sur son époque Loewy invente sans le savoir le marketing produit, l’art du packaging ! Pour le cigarettier Lucky Strike, il conçoit un nouvel étui révolutionnaire : impression du logo Lucky sur les deux côtés du paquet – Loewy invente au passage la publicité subliminale ! – blancheur du paquet pour séduire la gent féminine et rajout d’un papier cellophane qui protège l’étui cartonné ↓

Raymond Loewy, étui pour Lucky Strike
Par la suite Raymond Loewy réalisera bon nombre de logos, symboles de marques désormais installées dans notre inconscient collectif : BP, New Man, Exxon, Lu. Mais c’est le cas Shell qui attire mon attention, preuve de l’esprit visionnaire que fut Raymond Loewy. A la fin des années 60, la Compagnie d’Esthétique Industrielle – fondée par Loewy en France et pendant de la Raymond Loewy Associates aux Etats-Unis – remporte le contrat Shell. Notre designer améliore le logo de la célèbre compagnie, mais surtout il imagine le concept de stations services comme nous le connaissons aujourd’hui ! ↓

Shell, station service
La CEI et Loewy convainquent les dirigeants de Shell que les clients ne sont pas les voitures, mais les individus de passage qui s’arrêtent dans de simples garages Peugeot ou Citroën. Exit, les garages, désormais le client s’arrêtera dans de véritables centre multiservices avec supérette, cafétéria. Un design novateur permet à l’automobiliste de se servir à la pompe, sans que le tuyau ne touche le sol. Loewy pense à tout : l’automobiliste pourra prendre son café sur place, protégé par un grand toit aux couleurs de Shell. Le succès du concept devient planétaire…
Durant toute sa carrière, Raymond Loewy touchera avec facilité et bonheur à tous les secteurs de production possible. L’automobile bien sur avec la marque Studebaker, les modèles BMW 507 et Lancia Loraymo. Mais aussi ce qui va lancer sa carrière, le domaine ferroviaire : Loewy dessine les locomotives K4S, S1, T1 et GG1 des Chemins de fer de Pennsylvanie. ↓

Raymond Loewy, Locomtotive GG1, 1934
Homme de son temps, il collaborera avec la NASA en réalisant notamment le design de l’intérieur de la station spatiale Skylab. La Compagnie de l’Esthétique Industrielle (CEI) concevra des meubles inscrits dans la modernité. Le modèle DF 2000 est un classique du mobilier pop art, réalisé en plastique, et qui confère au meuble une grande fluidité ↓

Raymond Loewy Compagnie de l’Esthétique Industrielle, Commode DF 2000, 1965
Si, comme moi, vous aimez le design, Raymond Loewy est une figure incontournable de son évolution. Curieusement, je le trouve assez méconnu en France alors que son empreinte dans le monde industriel reste indélébile et se prolonge encore aujourd’hui. The R.L. Touch is still alive !!!
→ Le site officiel de Raymond Loewy
F.B.
bonjour,
je viens de découvrir dans un ancien garage de mise au point voitures des plaques de stands « panneautage » du circuit du MANS double faces : l’une siglée SHELL ,logo 1970 ,l’autre tableau noir ,pour les instructions au pilote en course .
Un autre panneau double face , environ 1m /1m , logo shell fond rouge ,avec vocation à être suspendu car lesté à sa base ,est marqué en bas à droite : » L.CELLE.2.70
Pouvez -vous m’en dire plus? voulez -vous des photos . J ANSQUER 06 12 63 62 17