Last Updated on 18 avril 2021 by François BOUTARD
Suite de mon interview au Musée des Arts Décoratifs de Paris. Avec Pascale De Sèze : Directrice de la Communication, Catherine Collin : Directrice du service des publics et Fabien Escalona : Webmaster et Community manager de l’institution.
Si vous avez raté l’épisode précédent c’est ici.
Teaser de l’exposition « La mécanique des dessous, une histoire indiscrète de la silhouette », présentée du 5 juillet au 24 novembre 2013
Art Design Tendance : Quels sont les outils proposés à l’internaute avant une visite au Musée des Arts Décoratifs ?
Fabien Escalona : Dans un certain nombre de cas, nous avons des teasers, régulièrement pour les expositions en lien avec la mode ou celles de la nef.
A.D.T. : Et pendant la visite ?
Catherine Collin : Nous ne mettons pas encore à disposition des dispositifs interactifs. Et c’est justement toute l’ambition que nous avons avec la Fondation Bettencourt-Schueller que de mettre en place des cartels interactifs au niveau des period rooms. Le principe est d’utiliser une tablette et d’appeler les œuvres face à vous pour obtenir un éclairage particulier. Le cartel c’est la tablette que nous mettrons à disposition sur place dans la salle. Et en parallèle de nos onze périod rooms qui rythment le parcours du musée, nous pensons à exploiter certains dispositifs réalisés durant l’édition 2013 de Museomix.
Je fais partie de ces gens qui pensent que c’est dommage que les visiteurs passent plus de temps à regarder leurs écrans de smartphone plutôt que les œuvres elle-même ! Nous nous sommes ainsi aperçus à travers l’exemple d’une application disponible pour l’exposition Van Cleef & Arpels. L’art de la haute joaillerie que peu de gens apprécient d’utiliser leurs propres smartphones dans les galeries du musée. Notre public profite de l’instant et du lieu. Par conséquent, je suis en faveur des dispositifs que l’on offre au visiteur, sans lui demander de penser à recharger sa tablette avant de venir au musée !
Nous faisons quelques entorses à cette règle puisque nous faisons chanter les oiseaux ornant le service Buffon – application smartphone disponible au musée Nissim de Camondo, dans le cabinet de porcelaine -.
A.D.T. : Nous touchons justement le domaine des applications numériques. Il existe une application smartphone pour le Musée des Arts Décoratifs téléchargeable gratuitement sur l’Apple Store ou sur Google Play.
C.C. : Oui, mais c’est une application qui n’est pas conçue pour un usage au sein du musée. Elle donne des informations sur le musée et permet de préparer sa visite.
Nous pouvons aussi citer l’artiste Pierre Giner. Il avait développé avec nous en réponse à un appel d’offre à projet numérique innovant une application. Quand le visiteur prenait en photo une des œuvres des collections, l’application lui remontait alors en écho trois œuvres présentées ou en réserve depuis notre base de données. « Decorative » avait pour vocation d’accompagner le visiteur dans sa découverte en lui offrant un parcours construit par ses choix.
Et nous continuons à distribuer nos audioguides avec plaisir.
A.D.T. : C’est un point de vue intéressant. Les pays anglo-saxons sont très forts pour intégrer des dispositifs numériques d’accompagnement à la visite. Je pense par exemple au Cleveland Museum of Art. Ce musée propose aux visiteurs, à l’aide d’un grand écran numérique, de faire une première visite sans se déplacer puis d’interroger le visiteur sur ses goûts personnels pour concevoir un parcours sur-mesure à l’aide d’un GPS. Que pensez-vous de cette pratique ?
C.C. : C’est intelligent. Dans certains musées, c’est une attente des visiteurs mais qui ne sont représentatifs de ceux qui visitent nos collections. En effet, ce n’est pas un dispositif adaptable à nos collections qui s’inscrivent plus dans une mise en perspective historique que dans une série de présentations de chef d’œuvres. Nos visiteurs prennent le temps de déambuler. De plus, nous privilégions le contact humain avec un personnel à même de renseigner, sur place, le visiteur. Nous préférons voir nos visiteurs passer une heure et demie dans notre musée et se perdre puis se retrouver en chemin !
Pour autant, nous ne sommes pas du tout fermés à l’intégration des outils de médiation numérique. Je vous donne notre point de vue aujourd’hui, à un instant T, en fonction de la connaissance que nous avons des publics du musée.
A.D.T. : Avec des publics de plus en plus «connectés», observez-vous une manière différente de visiter ?
C.C. : Oui forcément cela a des répercussions. En ce qui me concerne, je trouve que c’est la diffusion des photographies et du plaisir que l’on a à les partager avec sa communauté qui évoluent. C’est un mode de communication intéressant, car vous passez plus de temps à regarder l’œuvre et la référence qui l’accompagne pour donner des informations justes.
Nous avions étudié avec Orange comment donner la possibilité aux visiteurs de diffuser leurs 10 œuvres préférées avec les légendes associées à l’issue de leur visite. Le tout sous format vidéo avec une musique originale et une diffusion instantanée sur les réseaux.
Je pense que plus on laisse le visiteur découvrir et libre de ses propres choix, et plus on développe en lui de l’appétence ! Ce qui n’exclut pas notre mission de délivrer des informations précises sur les œuvres des collections, via nos cartels d’informations et audioguides.
A.D.T. : Parlons photo justement. Le Ministère de la Culture a édité en juillet dernier la Charte des bonnes pratiques photographiques dans les musées et les monuments nationaux. Que faut-il en retenir ?
C.C. : Cette charte permet d’induire des comportements différents au sein même des institutions en amont. Cela permet en effet de dialoguer plus facilement avec les prêteurs, les artistes que l’on expose, en leur demandant s’ils souhaitent laisser la possibilité aux publics de photographier les œuvres exposées. Si l’artiste refuse, nous imaginons d’autres corpus pour le visiteur : contenus en ligne et téléchargeables par exemple.
F.E. : Dans certaines expositions, notamment celles de créateurs de mode, il est encore aujourd’hui difficile d’obtenir l’autorisation que les visiteurs puisent photographier les œuvres. C’est regrettable, contre-productif sur le plan de la dissémination de l’information et de la communication autour de l’exposition, mais nous ne pouvons malheureusement pas y faire grand-chose… Les mentalités évoluent lentement.
C.C. : Cette situation est regrettable car c’est tellement simple de se montrer généreux en autorisant la photographie des objets, qui est réellement une trace, un moyen de se souvenir, un plaisir de partager une œuvre admirée pour nos visiteurs. Elle est aussi doublement inconfortable : pour l’institution dont les agents de sécurité ont d’autres missions que de pister les preneurs d’images et les photographes qui ont le sentiment d’être dans l’illégalité !
A suivre…
Museomix 2013. Scénario utilisateur conçu pour la salle Louis Majorelle
F.B.