Alors que vient de se terminer l’exposition tournante au Grand Palais : Michael Jackson – On the Wall, je me suis penché sur la manière dont les artistes plastiques ont décrypté le mythe Jackson. Intemporel, mégalo, royal, biblique, autant d’adjectifs pour qualifier le Roi de la Pop dans les diverses représentations qu’en ont fait ses contemporains (Cf. 1ère partie). 

Pourtant, derrière l’icône, d’autres ont senti et perçu le ridicule qu’ils pouvaient tirer de l’imagerie du King of Pop, allant jusqu’à jouer sur le terrain de la dramaturgie, pour mieux s’approcher de l’homme blessé derrière l’artiste ?

S’il est un artiste qui n’a pas peur de se confronter au ridicule c’est bien Jeff Koons. Le roi du kitsch s’est emparé à sa façon du personnage Jackson et de sa proximité avec son animal domestique Bubbles. Ce dernier, un chimpanzé préalablement destiné à l’expérimentation animale dans un centre de recherche du Texas, a été recueilli par la star dans les années 80 et est devenu son animal de compagnie le plus proche. Dans son oeuvre Michael Jackson & Bubbles (1988), Jeff Koons représente Michael Jackson et son singe à travers une sculpture entièrement faite de porcelaine. Si le décorum de la sculpture (Michael Jackson et son singe sur un tapis de fleur d’or), les habits des 2 sujets et les tons ivoire, blanc et doré suggèrent la personnalité royale du chanteur, son visage blanc et enfantin souligné par le rouge de ses lèvres et des yeux noirs intenses préfigurent la transformation physique inquiétante du chanteur vers la fin de sa vie. Une première craquelure dans l’habit royal de la star…↓

Michael Jackson et son singe Bubbles

Michael Jackson et son singe Bubbles

Michael Jackson & Bubbles, 1988, porcelaine

Michael Jackson & Bubbles, porcelaine de Jeff Koons, 1988.

Michael Jackson & Bubbles, détail, Jeff Koons, 1988.

Michael Jackson & Bubbles, détail, Jeff Koons, 1988.

Michael Jackson et le syndrome de Peter Pan

Dans le film Mister Lonely sorti sur les écrans en 2007 et réalisé par le fantasque Harmony Korine, le personnage de Michael Jackson occupe le rôle principal. L’histoire : un jeune américain subsiste dans les rues de Paris en tant que sosie de Michael Jackson jusqu’au jour où il rencontre le sosie de Marylin Monroe qui l’entraîne dans une communauté où d’autres sosies de personnalités célèbres vivent… Déroutant à première vue non ? Toujours est-il que dans ce film, une scène a particulièrement marqué mon imagination. Celle où le sosie de Michael Jackson (les puristes me diront de quelle période vestimentaire de la star il s’agit), fait des tours de circuit sur une mini-moto avec, derrière lui, un singe en peluche retenu par un fil qui volette et qui ne peut-être que… Bubbles. La bande-son ainsi que la séquence filmée au ralenti tourne au burlesque et à l’ironie. On est bien tenté alors d’y voir un Michael Jackson infantilisé, un regard lucide sur la star qui ne s’est jamais cachée d’être fan de l’univers de Walt Disney, au point de s’être créée pour demeure un château digne de l’île imaginaire de Neverland. Et d’affirmer : « Je n’aime pas Peter Pan. Je suis Peter Pan (1)». ↓

Vue aérienne du ranch de Michael Jackson, Neverland, transformé en parc d'attractions. Un paradis du jeu pour un adulte qui a refusé de grandir.

Vue aérienne du ranch de Michael Jackson, Neverland, transformé en parc d’attractions. Un paradis du jeu pour un adulte qui a refusé de grandir.

Au passage, un autre artiste fait de Michael Jackson un Peter Pan « volant ». L’artiste britannique Appau Junior Boakye-Yiadom représente la star en 2009 avec une paire de mocassins élevée à la verticale par des ballons (enfantins me direz-vous) pour rappeler le célèbre pas suspendu du danseur. À noter que dans cette installation, les ballons sont régulièrement remplacés pour souligner la maniaquerie de la star, soucieuse d’entretenir l’image qu’attend d’elle le public…↓

Appau Junior Boakye-Yiadom, “P.Y.T.” The freeze, sculpture-installation réalisée en 2009.

Appau Junior Boakye-Yiadom, “P.Y.T.” The freeze, sculpture-installation réalisée en 2009.

Bon là j’ai peur de vous avoir perdu… Le mythe en prend un sacré coup dans le buffet. Pourtant, ces œuvres ne sont pas réalisées et interprétées par hasard…

Michael Jackson, la face sombre

Ridicule et enfantin certes, mais aussi inquiétant. D’autres artistes ont vu derrière l’image de la pop star une personnalité travaillée par ses démons intérieurs. Ainsi, en 2001, l’artiste Paul McCarthy représente Michael Jackson et son singe Bubbles dans la même position que celle conçue par Jeff Koons en 1998. Alors que Koons immortalisait une star en pleine gloire, Paul McCarthy réalise une statue grossière faite d’acier et de caoutchouc en silicone noir. Le malaise est prégnant, en particulier dans la représentation des 2 têtes, disproportionnées par rapport au reste du corps et déshumanisées.  Certains voient dans cette représentation la facette sombre de Michael Jackson, notamment à l’époque où il fut accusé d’agression sexuelle contre des enfants. ↓

Paul McCarthy, Michael Jackson Fucked Up Big Head Big Foot (MJFUBH), 2010

Paul McCarthy, Michael Jackson Fucked Up Big Head Big Foot (MJFUBH), 2010

Je laisse le mot de la fin à Gary Hume qui réalisa en 2001 un portrait de Michael Jackson. On y voit le visage glaçant de l’artiste en gros plan marqué par les différentes opérations de chirurgie esthétique. Le teint est blanc, le visage creusé, le nez n’est plus qu’un os, le regard triste et vague… On est alors bien loin de l’image du jeune chanteur afro insouciant des années 60, ou même de la figure encore juvénile à l’époque de Thriller, l’album qui fit accéder l’artiste au statut de superstar. ↓

Gary Hume, Michael, 2001.

Gary Hume, Michael, 2001.

(1) Le syndrome de Peter Pan (parfois nommé complexe de Peter Pan ou puer aeternus et abrégé SPP) est une expression utilisée pour désigner l’angoisse liée à l’idée de devenir adulte et le désir associé de rester enfant et plus généralement pour caractériser un adulte immature, en référence au personnage de fiction de littérature jeunesse créé par J. M. Barrie, archétype du « garçon qui ne voulait pas grandir ». Source Wikipedia.

F.B.