Rarement déçu par mes découvertes à l’occasion de la foire d’art contemporain Art Paris Art Fair, je m’y suis rendu pour l’édition 2022 qui se déroulait au Palais Éphémère, du 7 au 10 avril 2022. En regardant le programme, je découvrais avec excitation la présence de 2 tableaux de Jacques Monory, un de mes peintres favoris. Un grand format tout d’abord, baignant dans le bleu énigmatique et menaçant qui fit la marque de fabrique du peintre, intitulé : Jamais plus les Fleurs… (1969) et un plus petit format incorporant au bleu un fond rose : Exercice de style n°3 (1967). 2 œuvres présentées par la galerie Richard Taittinger établie à New York. ↓

Votre serviteur devant 2 toiles de Jacques Monory exposées par la galerie Richard Taittinger à l'occasion de l'édition 2022 d'Art Paris Art Fair. Derrière moi le grand format Jamais plus les Fleurs… (1969), à gauche, Exercice de style n°3 (1967).

 Votre serviteur devant 2 toiles de Jacques Monory exposées par la galerie Richard Taittinger à l’occasion de l’édition 2022 d’Art Paris Art Fair. Derrière moi le grand format Jamais plus les Fleurs… (1969), à gauche, Exercice de style n°3 (1967).

Sur le stand, la galerie présentait 2 autres pionniers du courant de la Figuration narrative : Gérard Fromanger et Bernard Rancillac. 2 lithographies de Fromanger – Florence rue d’Orchampt (1975-2021), Printemps où la vie à l’endroit (1972) – et un tableau de Rancillac : James Brown morceau N°2 (1974) conversaient avec des toiles new-yorkaises d’Andy Warhol et Keith Harings. Le titre de l’exposition : dialogue entre Paris et New York depuis les années 1960 ? ↓

Bernard Rancillac, James Brown morceau N°2 (1974)

Bernard Rancillac, James Brown morceau N°2 (1974)

 

Interloqué par le titre de l’exposition et le choix d’évoquer la Figuration narrative, j’obtenais une interview avec le directeur et fondateur de la galerie : Richard Frerejean Taittinger. Dans ma tête, des interrogations. Je savais, pour simplifier, que la Figuration narrative était un mouvement né au début des années 1960 en France, en réaction au Pop Art triomphant de l’après-guerre. Un engagement en opposition aux images consuméristes warholiennes du Pop Art : trop hégémonique et formel, manquant de fond, car indifférent aux revendications sociales et politiques qui secouaient l’époque, et notamment pas assez critique envers la société de consommation.

Richard Frerejean Taittinger s’avance : grand, dynamique et avenant. Pendant 3/4h, il m’explique la raison de cette exposition, qui cache une grande ambition personnelle : la découverte par le marché américain de la Figuration narrative et de son importance. L’homme est passionné, il n’omet aucun détail. Pour moi, c’est LE galeriste par excellence qu’on aimerait rencontrer : il prend le temps de vous expliquer sa démarche, ce qui l’anime dans l’art. La passion chevillée au corps, il raconte… 

Art Design Tendance : Bonjour Richard Frerejean Taittinger, merci de m’accorder un instant. Pouvez-vous commencer par nous présenter votre galerie ?

Richard Frerejean Taittinger : Je suis avant tout un passionné d’art. J’ai commencé à collectionner à l’âge de 15 ans. Œnologue de formation, je travaillais dans le monde du champagne, jusqu’à ce que je décide de consacrer tout mon temps à ma passion… À 27 ans, je me lance dans l’art à Paris en postulant pour de prestigieuses maisons de ventes aux enchères.

Elles souhaitent toutes m’embaucher au… département vins & spiritueux ! Je quitte Paris et prends un aller simple pour New York. Sur place, j’obtiens un Master « History of Art and the Art Market : Modern et Contemporary Art » chez Christie’s, avant de faire mes classes en travaillant pour Phillips de Pury & Company, ou encore pour la galerie Valérie Cueto durant 1 an. D’abord collectionneur, je deviens marchand d’art.

Je commence à montrer des œuvres d’art dans mon appartement new-yorkais, aidé de mon épouse qui conseille des institutions américaines, et notamment la galerie d’art privée Albright-Knox, un musée d’art situé à Buffalo dans l’État de New York (art moderne et contemporain). De fil en aiguille, je commence à placer des artistes dans des musées. Le 1er fut le Recycle Group, de grands artistes russes basés aujourd’hui à Paris et qui ont représenté leur pays à La Biennale de Venise. Évidemment, à un moment donné, l’appartement devient trop petit, il faut trouver un lieu public d’exposition.

Le quartier artistique de Chelsea est financièrement inabordable. C’est pourquoi, en 2014, j’implante ma galerie dans le Lower East Side, un quartier plus accessible où travaillèrent notamment Mark Rothko et Jackson Pollock. Je démarre en montrant des artistes qui représentent leur pays à la Biennale de Venise, ou qui n’avaient jamais été montrés en Amérique. J’expose ainsi les Chinois Wang Du et Ding Yi, mais aussi Théo Mercier (France), Haluk Akakçe (Turquie) et Alexander Ponomarev (Russie). Depuis, d’autres galeries ont rejoint le quartier. Le Lower East Side, c’est le monde de l’art désacralisé.

Vous avez sans doute remarqué sur le stand que nous présentons des lithographies de grands artistes avec un prix affiché. Je souhaite démocratiser l’accès à l’art contemporain, à l’inverse des galeries d’art froides et élitistes.

A.D.T. : Sur votre espace, vous rendez hommage à la Figuration narrative…

R.F.T. : Oui, à 3 grandes figures de ce mouvement : Gérard Fromanger, Bernard Rancillac et Jacques Monory. En 2020, je fonce pour rencontrer Gérard Fromanger pour sa dernière exposition parisienne. Armé de toute mon énergie, je lui propose de faire partie d’une 1re exposition sur la Figuration narrative à New York – Malheureusement, Gérard Fromanger décède peu de temps après -. Avant cet épisode, grâce à Yoyo Maeght, j’ai eu la chance de rencontrer Jacques Monory, mon idole (artiste avec lequel j’ai démarré ce blog). En 2017, Jacques Monory me confie qu’avant de quitter la scène, il aimerait faire un show en Amérique.

A.D.T. : Mais, Jacques Monory, ce peintre “hollywoodien” par excellence, n’avait donc jamais été montré aux États-Unis ?

R.F.T. : Non, jamais ! Il a passé 50 ans à supplier ses marchands Maeght et Lelong, de grands professionnels pour qui j’ai la plus grande admiration, d’avoir une exposition outre-Atlantique. Ça ne s’est jamais fait… Puis, il est arrivé un moment où il était passé de mode alors qu’il est un artiste essentiel, celui qui fait la couverture de l’exposition Mythologies quotidiennes en juillet 1964 au Musée d’art moderne de la Ville de Paris. Sur ce stand qui est comme un petit appartement, nous montrons le dialogue artistique qui se noue entre Paris et New York. 

A.D.T. : Justement, pourquoi mettre la Figuration narrative au cœur de ce dialogue ?

R.F.T. : Remontons le temps. Lorsque je rencontre Jacques Monory avec son épouse Paule, j’arrive à convaincre cette dernière qu’il n’y a pas de temps à perdre pour montrer l’œuvre de Jacques aux États-Unis. Je venais de rater un projet d’exposition pour François Morellet, mort à a la même époque et que je rêvais aussi d’exposer…  Quand on connaît l’œuvre de Jacques, c’était “l’Américain”, mais aussi le grand frère fédérateur. Jacques Monory est né en 1924 à Montmartre, son père était un gangster et sa mère travaillait dans la rue. Jacques, dès qu’il avait 3 sous, se rendait au cinéma pour voir les films noirs américains. Et nous avons monté cette exposition… 

Richard Taittinger me met alors entre les mains le catalogue consacré à la 1ère exposition de Jacques Monory aux États-Unis, à la galerie Richard Taittinger (12 janvier – 25 février 2018) (1) 

Vue de l'exposition Jacques Monory à la galerie Richard Taittinger, 12 Janvier - 23 février 2018. Courtesy Richard Taittinger Gallery

Vue de l’exposition Jacques Monory à la galerie Richard Taittinger, 12 Janvier – 23 février 2018. Courtesy Richard Taittinger Gallery

L’accueil du public américain est exceptionnel, en particulier le jeune public, convaincu que les grands formats de Monory sont l’œuvre d’un artiste de Los Angeles ou de Berlin, et forcément jeune ! (Jacques Monory a alors 93 ans). »

Nous avons aussi accueilli un public français, même si Monory a été oublié. Le New York Times consacre un article à l’exposition, expliquant : “On connaissait le bleu Klein, et maintenant il y a le Bleu Monory“. Les auteurs de l’article comparent Monory à de grands artistes américains, “une figure artistique importante en France, mais inconnue chez nous aux États-Unis et qui a fait partie d’un mouvement obscur : La Figuration Narrative“. ↓

Jacques Monory, Béatrice et Juliette n°1 (1972), exposition Jacques Monory (12 janvier au 23 février 2018, galerie Richard Taittinger, New York City)

Jacques Monory, Béatrice et Juliette n°1 (1972), exposition Jacques Monory (12 janvier au 23 février 2018, galerie Richard Taittinger, New York City)

A.D.T. : Les journalistes ont vraiment employé le terme “obscur” ?

R.F.T. : Oui, ils citent un mouvement inconnu, pas clair… Bref, le public américain découvre un travail formidable qui marque les esprits. Tout commence ici, mon idée était de répondre à la stupéfaction du public américain face à l’œuvre de Monory associée à un mouvement quasi inconnu. L’ignorance américaine vis-à-vis du mouvement de la Figuration narrative est un véritable coup de poignard, je l’ai ainsi vécu. Il fallait orchestrer une réponse et rétablir certaines vérités ! 

Richard Taittinger me tend alors un autre catalogue d’exposition, celui de la fameuse exposition Mythologies quotidiennes, qui fut un flop total à l’époque.

Contrairement à ce que certains prétendent, l’acte de naissance de la Figuration narrative date de 1964 avec Mythologies quotidiennes, et non 1960. Tout mon propos a alors était de montrer quel fut le moment où le marché de l’art bascula de Paris vers New York. Attention, je parle bien en termes de “marché” et non de “créativité”. À mon sens, Paris a toujours été au top avec ses institutions culturelles, New York a toujours du compter sur Paris. Et, dans certains cas, Paris a joué le rôle de correcteur. Prenez l’exemple de l’exposition Primitivism au MoMA (1984-1985) qui est une insulte à la Diaspora africaine, à la limite du racisme. La réponse parisienne, c’est la magnifique exposition Les Magiciens de la Terre au Centre Pompidou et à la grande halle de la Villette (1989). 

Après la stupéfaction américaine face à l’œuvre de Jacques Monory, et riche des premières années d’expérience de la galerie, je me lance pour défi de montrer l’importance de la Figuration narrative, ce “mouvement obscur” ici, à NewYork. 

J’ai donc organisé une exposition collective consacrée à la Figuration narrative, en choisissant 9 artistes représentatifs de ce mouvement – Exposition Narrative Figuration 60s -70s, 13 mars au 16 mai 2021 à la galerie Richard Taittinger -. J’ai travaillé 3 ans pour réaliser cette exposition dont j’étais le Commissaire, j’ai mis mes tripes sur la table pour finaliser ce projet !

Richard Taittinger me présente le catalogue de l’exposition, avec une préface de Jean-Luc Chalumeau. ↓

Vue de l'exposition NARRATIVE FIGURATION 60s – 70s à la galerie Richard Taittinger (13 mars- 16 mai 2021, New York City). Courtesy Richard Taittinger Gallery

Vue de l’exposition NARRATIVE FIGURATION 60s – 70s à la galerie Richard Taittinger (13 mars- 16 mai 2021, New York City). Courtesy Richard Taittinger Gallery

A.D.T. : Qu’avez-vous voulu montrer à travers cette exposition ?

R.F.T. : J’ai défendu le point de vue selon lequel le passage de relais du marché de l’art de Paris à New York n’est pas la Seconde Guerre mondiale, contrairement à ce que les Américains en disent. Effectivement, New York a accueilli des artistes du monde entier pendant le second conflit mondial, mais ils sont revenus, beaucoup à Paris. Le marché parisien reste leader dans les années 50. La Place de Drouot écrase alors Sotheby’s et Christie’s, inexistantes sur le marché. Le vrai tournant est celui de l’été 1964. Les peintres Bernard Rancillac et Hervé Télémaque, avec le critique d’art Gérald Gassiot-Talabot, organisent ensemble l’exposition Mythologies quotidiennes au Musée d’art moderne de la Ville de Paris.

Selon moi, cette exposition signe l’acte de naissance de la Figuration narrative. Or, au moment même de l’accrochage de l’exposition, 3-4 jours avant le vernissage, un coup de théâtre survient. À l’occasion de la 32e Biennale de Venise, le plasticien Robert Rauschenberg est le 1er américain à recevoir le Grand prix. Et c’est un scandale. Pourquoi ? Rauschenberg est une vieille gloire dépassée par l’époque, marquée alors par la modernité française des Nouveaux Réalistes. Cette victoire signifie le triomphe du Pop Art par K.O et marque le basculement du marché de l’art, de Paris à New York. Si les États-Unis sont la nouvelle grande force économique, militaire et politique, ils remportent définitivement la bataille culturelle.

Avant même l’affaire de Venise, dans les années 1962-1963, on avait déjà les prémisses de ce basculement. À cette époque, les plus grands galeristes parisiens avaient déjà pour tête d’affiche Andy Warhol et la génération américaine du Pop Art (Jasper Johns, Roy Lichtenstein), au détriment des artistes parisiens, considérés comme de « seconds couteaux ». J’ai étudié en détail cette période, je suis notamment tombé sur une lettre de Gassiot-Talabot à André Malraux, alors ministre d’État chargé des Affaires culturelles, qui évoque le scandale de Venise comme d’une « Déclaration de guerre » ! (2) 

L’exposition Narrative Figuration 60s -70s poursuit aussi un but personnel. Celui de faire entrer dans les collections des grands musées américains les œuvres des artistes de la Figuration narrative. Ce serait les faire rentrer encore plus dans l’histoire de l’art.

Avec Pierre Soulages, Gérard Fromanger est le seul artiste français de son vivant à avoir eu 2 rétrospectives au Centre Pompidou. C’est exceptionnel certes, mais c’est encore autre chose de faire rentrer dans les collections américaines les grands artistes internationaux de la Figuration narrative. Pour un artiste, c’est extrêmement important d’être montré au Guggenheim, au MoMA et au Whitney Museum. Nous vivons dans un mode global.

A.D.T. : Comment peut-on définir la Figuration narrative ?

R.F.T : C’est l’anti Pop Art. Les artistes de ces 2 courants ont la même source d’inspiration, l’actualité,

mais la vérité est que le Pop art américain contrairement à ce que sa dénomination laisse supposer est tout sauf populaire. C’est un art d’État, bras armé du soft power américain. Il consacre la victoire culturelle écrasante des États-Unis dans un nouvel ordre mondial

La Figuration narrative est un mouvement contemporain du Pop Art qui traite des sujets d’actualité de l’Amérique d’aujourd’hui. Quand j’inaugure en mai 2021 l’exposition consacrée à la Figuration narrative, mon ambition est de faire rentrer les artistes de ce mouvement dans les collections des musées américains, ce qui est très peu le cas. Pour cette exposition, j’ai volontairement choisi de montrer 9 artistes. 3 ne sont pas français (l’italien Adami, l’espagnol Arroyo et l’islandais Erró), 3 sont originaires du Continent américain (l’américain Peter Saul, l’haïtien Hervé Télémaque et la Brésilienne Cybèle Varela (3) et 3 seulement sont français (Fromanger, Monory et Rancillac). Nous avons affaire à des artistes engagés, puisque la moitié sont des réfugiés politiques.

Votre serviteur avec l'artiste Erró, au MAC Lyon en 2014

Votre serviteur avec l’artiste Erró, au MAC Lyon en 2014

Le public américain découvre alors un art qui ressemble à du Pop Art, mais qui a une autre substance. La texture des tableaux est plus incisive, mais surtout le message de ces artistes est terriblement contemporain et contestataire : Bernard Rancillac évoque l’apartheid en 1966 – En 2021 les États-Unis sont en plein mouvement #BlackLivesMatter -, et une autre de ses toiles est un portrait de James Brown (exposée sur le stand Art Paris Art Fair). D’ailleurs, le portrait de James Brown n’a rien à voir avec une imagerie Pop Art de type warholien, c’est au contraire un portrait engagé. L’artiste est présenté comme un leader révolutionnaire, à la manière castriste ou vietnamienne – un tableau qui a défrayé la chronique en 1974 -. Dans cette exposition, un tableau de Peter Saul aborde la Guerre du Vietnam, la chair à canon qu’est le GI. Chez Erró, le propos est aussi terriblement politique et engagé dans les années 60 ! (dénonciation de l’hystérie américaine pendant la guerre du Vietnam et la guerre froide, critique féroce du consumérisme). Et que dire d’une œuvre de Valerio Adami qui met en scène 2 femmes en train de faire l’amour. Nous sommes en 1970, je mets au défi quiconque de trouver un tableau de cette époque qui traite de ce sujet ! Nous avons aussi osé montrer un tableau représentant Hitler (Red Hitler, Peter Saul, 1966) …

A.D.T. : Est-ce que les artistes de la Figuration narrative ont conçu leurs œuvres en réaction consciente au Pop Art américain ?

R.F.T. : C’est une bonne question. J’ai abordé ce sujet avec Bernard Rancillac, que j’ai eu le plaisir de rencontrer vers la fin de sa vie, ou encore avec Hervé Télémaque. Ils ne sont pas contre les artistes Pop Art. Il faut le voir comme un dialogue. Ne caricaturons pas, le Pop Art ne se limite pas au triomphe de la société de consommation, l’affirmer, ce serait faire un raccourci qui n’a pas de sens. En revanche, leur travail est une envie pour monter autre chose que le Pop Art triomphant de l’époque, même à Paris, avec un propos qui s’autorise une extrême liberté que n’avaient pas les artistes américains dans leur propre pays ! Comme les artistes du Pop Art, ils traitent l’actualité de l’époque, mais avec une grande liberté de ton, n’oubliez pas que ces artistes étaient pour la plupart des réfugiés politiques !

Prenez le cas d’Eduardo Arroyo, c’est un fils de combattant républicain espagnol qui vomit le Franquisme, depuis Paris. La capitale parisienne reste le lieu d’accueil des réfugiés politiques. Hervé Télémaque m’a raconté une anecdote. À la fin des années 50 il est parti à New York pour montrer ses toiles à des galeristes. Et qu’est-ce que lui disent ces derniers : « Monsieur, le temps d’un artiste noir n’est pas arrivé. ». Il faudra attendre 20 ans et l’arrivée de Jean-Michel Basquiat pour voir les choses changer !

A.D.T. : Avec cette 1ère exposition collective organisée sur la Figuration narrative à New York, avez-vous atteint votre objectif de faire rentrer dans les collections des grands musées américains les grands artistes de la Figuration narrative ?

R.F.T. : J’ai posé un 1er jalon en vendant 2 pièces historiques d’Eduardo Arroyo à la Collection Gandur pour l’Art. C’est une 1ère étape. Je profite de cette interview pour faire un appel à tous les amateurs de la Figuration narrative – galeristes, collectionneurs, institutions – : ils ont un confrère à New York qui veut contribuer à la reconnaissance de cette École de Paris. J’emploie à dessin le terme « École de Paris », qui symbolise des talents artistiques de tous les pays, qui, à la manière des Picasso, Chagall, en leur temps, sont venus exercer leur art à Paris. Et cette tradition perdure. La Figuration narrative fait pleinement partie de l’École de Paris. La Richard Taittinger Gallery expose ainsi Aki Kuroda ou encore Charlotte Abramow. Nous poursuivons un projet très international sur différents axes. Ce dialogue des années 60 entre Paris et New York en fait partie. Je suis très heureux d’exposer ici à Paris la Figuration narrative, et cela a encore plus de sens de le faire avec la « contrepartie américaine ». C’est un dialogue qui se noue et qui montre ce qui se passe, à la même époque, de chaque côté de l’Atlantique.

Je remercie chaleureusement Richard Frerejean Taittinger pour cet entretien captivant, un des plus riches qu’il m’ait été donné d’avoir autour d’un mouvement artistique, et de l’empreinte qu’il laisse dans l’histoire de l’art contemporain.

(1) Une exposition réalisée avec la complicité de l’artiste, sa femme Paule et Yoyo Maeght

(2) En 1963 dans Art International,au sujet de l’exposition Andy Warhol chez la galeriste Ileana Sonnabend – située quai des Grands-Augustins à Paris -, Gérard Gassiot-Talabot évoque déjà « l’abdication » et la « capitulation » supposées du Pop ou du Nouveau réalisme vis-à-vis des valeurs précisément dénoncées par les jeunes peintres de « l’École de Paris »

(3) Cybèle Varela est la dernière artiste de la Figuration narrative encore vivante. La galerie Richard Taittinger la représente.