Je n’aurais pas forcément eu l’envie de vous parler de ce duo d’artistes américains, et surtout de leur oeuvre, si  leur installation théâtralisée n’avait suscité autant de réactions amusées et interrogatives, voir jubilatoires, de la part d’un jeune public visiblement acquis à la cause d’une série de vidéos burlesque, diffusée dans une des salles du Musée d’Art Contemporain de Lyon.  ↓

Ryan Trecartin & Lizzie Fitch, Common Shore, 2012. Photograph by Blaise Adilon. © Lizzie Fitch and Ryan Trecartin, Courtesy of Andrea Rosen Gallery, New York

Ryan Trecartin & Lizzie Fitch, Common Shore, 2012. Photograph by Blaise Adilon. © Lizzie Fitch and Ryan Trecartin, Courtesy of Andrea Rosen Gallery, New York

Ryan Trecartin & Lizzie Fitch, Common Shore, 2012.

© Lizzie Fitch and Ryan Trecartin,Photograph by Blaise Adilon, Courtesy of Andrea Rosen Gallery, New York

Ryan Trecartin & Lizzie Fitch, Common Shore, 2012.Dans le cadre de la dernière Biennale de Lyon, les artistes américains Ryan Trecartin et Lizzie Fitch ont ainsi installé leur cirque médiatique dans une grande pièce du MAC Lyon. Leur oeuvre, Common Shore, comprend une installation ainsi que la projection d’une série de films réalisés entre 2009 et 2012. Ces films sont des suites de vidéos réalisées de telle sorte qu’on les croirait sorties tout droit d’un téléphone portable, prêtes à être diffusées sur Facebook ou YouTube. Des adolescents se mettent en scène, vulgairement. Ce qui frappe, c’est le vide intellectuel profond de ces films. Il n’y a pas de trame, de storytelling, mais simplement une succession d’images de jeunes teenagers qui se mettent en scène. On devine déjà un certain sarcasme des auteurs qui vilipendent une société des images, nombriliste et sans but.

Le miroir d’une jeunesse obsédée par sa représentation sur les réseaux sociaux

Deux choses m’ont plu : d’abord les rires amusés d’un jeune public, de l’âge des protagonistes des vidéos, qui, avouons-le, font n’importe quoi n’importe comment. Par chance, il y en avait au moment où je déambulais. J’ai senti qu’il se passait quelque chose, que l’oeuvre projetée sous leurs yeux leur parlait, miroir d’une génération qui relate sa vie privée sur les réseaux sociaux, mais poussé à l’extrême chez Trecartin et Fitch.  Ce n’est pas forcément fréquent d’observer de telles réactions dans un musée d’art contemporain chez un public jeune. Les réactions étaient joyeuses, comme si Trecartin et Fitch avaient compris leur génération et celle plus jeune – les deux artistes sont nés en 1981- et porté au paroxysme les codes usuels de la communication sur les réseaux sociaux. Puisqu’on est en pleine mode “Selfie” en ce moment, difficile de faire plus démonstratif…               La seconde chose qui m’a touché provient de l’installation en elle-même. De grandes chaises hautes qui font penser à celles de réalisateurs de cinéma et des lits aménagés en banquettes permettent d’observer ces pérégrinations adolescentes projetées sur un grand écran de la pièce. Le procédé n’est pas neutre, puisqu’il nous invite à prendre une position de spectateur critique face à un déferlement d’images, à mi-chemin entre la télé-réalité et la conception de films artisanaux tendance “selfie”. ↓

Ryan Trecartin & Lizzie Fitch, Common Shore, 2012. Photograph by Blaise Adilon. Spectateurs assis.

© Lizzie Fitch and Ryan Trecartin, Photograph by Blaise Adilon, Courtesy of Andrea Rosen Gallery, New York

Une critique acerbe de la société contemporaine 2.0

Curieusement, quelques jours après avoir vu l’installation, il m’est revenu en mémoire le passage d’un film culte pour ma génération. Natural Born Killers ou “Tueurs nés” d’Oliver Stone, qui raconte le road-movie infernal et sanglant d’un couple à la dérive. L’omniprésence des médias y est abordée sous la forme d’un journaliste prêt à tout pour extorquer les confessions des meurtriers. Une scène en particulier tente d’expliquer, par une analyse d’un milieu social défavorisé, les raisons qui peuvent motiver des personnes à refuser les valeurs morales de la société. Cette scène est filmée comme une parodie de télé-réalité, en plein film. C’est une parenthèse qui utilise un peu la même forme que les vidéos de Trecartin & Fitch avec, également, la possibilité donnée au spectateur de prendre un recul supplémentaire face au discours très violent qui y est projeté. ↓

Au final, Ryan Trecartin & Lizzie Fitch réussissent le tour de force de présenter des images très réalistes, reflet d’une époque hyper connectée où la mise en scène de sa vie privée l’emporte sur le contenu. L’installation, pas innocente, m’a surpris. C’est un mélange d’une chambre adolescente et d’une terrasse de café avec ses braseros qui, finement, instille le doute et la réflexion quant au sens à accorder aux images projetées. Un moment inattendu, surprenant et rafraîchissant !

Ryan Trecartin & Lizzie Fitch, Common Shore, 2012. Photograph by Blaise Adilon.

© Lizzie Fitch and Ryan Trecartin, Photograph by Blaise Adilon, Courtesy of Andrea Rosen Gallery, New York

 

Ryan Trecartin & Lizzie Fitch, Common Shore, 2012. Photograph by Blaise Adilon. Vue de l'installation.

© Lizzie Fitch and Ryan Trecartin, Photograph by Blaise Adilon, Courtesy of Andrea Rosen Gallery, New York

Ryan Trecartin & Lizzie Fitch, Common Shore, 2012. Photograph by Blaise Adilon. Vue de l'installation.

© Lizzie Fitch and Ryan Trecartin, Photograph by Blaise Adilon, Courtesy of Andrea Rosen Gallery, New York

Mes remerciements chaleureux à la Galerie Andrea Rosen, qui m’a envoyé ces superbes photos.

Titre exact de l’installation : Ryan Trecartin, Lizzie Fitch/Ryan Trecartin
Common Shore
2012
Built around: The Re’Search (Re’Search Waits),
2009-2010, HD video
and P.opular S.ky (section ish), 2009, HD video
Unique sculptural theater

Installation view:
12th Biennale de Lyon, France
September 12, 2013 – January 5, 2014

F.B.