Ettore Sottsass (1917-2007), le grand architecte et designer italien du XXième siècle aura passé les époques et les modes avec brio. Des années de la reconstruction de l’après-guerre à la création du Groupe Memphis, en passant par l’émergence d’un design italien contestataire, Ettore Sottsass aura expérimenté beaucoup, souvent avec un coup d’avance sur son temps. De lui on connaît la fameuse machine à écrire portative Valentine (1969), la lampe Astéroïde (1968), ou encore la bibliothèque Carlton (1981). En revanche, on oublie son art inné pour les créations en céramique et son travail sur le verre. Et pourtant quel talent ! J’ai donc sélectionné pour vous de magnifiques pièces qui témoignent du génie créatif du personnage dont beaucoup sont inspirées de la figure du totem

 

Vases en verre, Ettore Sottsass, 1982. Edition Memphis 1984

Vases en verre, Ettore Sottsass, 1982. Edition Memphis 1984. On est frappé par l’originalité des pièces…

Expression totémique dans Memphis

L’épopée Memphis aura marqué son temps. Sottsass s’y amuse avec des créations totémiques qui semblent pour certaines directement inspirées par l’art africain. La designeuse hollandaise Li Edelkoort, a même commissionné une exposition intitulée en 2003 : Totemism : Memphis meets Africa, durant l’événement annuel Design Indaba à Cape Town (Afrique du Sud). À cette occasion, elle a souligné les similitudes nombreuses entre les révolutionnaires de Memphis et le design contemporain sud-africain : l’utilisation de matériaux tactiles, de motifs colorés, de peaux d’animaux, de franges et de néons communs aux deux styles, ainsi que la tendance à superposer et empiler des matériaux ou des couleurs pour créer des objets totémiques. ↓

Ettore Sottsass, vase Sirio, 1982. Période Memphis.

Ettore Sottsass, vase Sirio, 1982. Période Memphis.

 

Totem Odalisque, Ettore Sottsass pour Mirabili. Céramique polychrome, base en bois stratifié

Totem Odalisque, Ettore Sottsass pour Mirabili. Céramique polychrome, base en bois stratifié.

 

Totem MINT, Ettore Sottsass pour Mirabili, 1985

Totem MINT, Ettore Sottsass pour Mirabili, 1985. Céramiques polychromes, la base est en bois stratifié.

 

Ettore Sottsass, Totem.

 Ettore Sottsass, Totem. Oeuvre montrée à l’occasion de l’exposition : Ettore Sottsass : A Survey, 1992 – 2007 à la Galerie Friedman Benda à New-York. Etonnant non ?

Inspiration beatnik et culture orientale

Je ne sais pas si Ettore Sottsass a lu Totems et Tabou de Freud, toujours est-il que je suis frappé par l’imaginaire du créateur qui fait référence à la figure emblématique du totem. Sûrement s’est-il inspiré de l’artisanat d’art africain, lui qui vouait une profonde reconnaissance aux couleurs vives et à l’artisanat traditionnel. Pourtant, Sottsass ne s’est jamais rendu en Afrique. En revanche, on sait qu’il effectua un voyage marquant en Inde aux débuts des années 60, et qu’à son retour des médecins lui diagnostiquèrent une maladie grave face à laquelle ils se déclarèrent impuissants. Sottsass part alors suivre une convalescence aux Etats-Unis et découvre, reclus dans sa chambre d’hôpital, le mode de vie beatnik. Sans doute encore influencé par son voyage indien qui lui fit découvrir la spiritualité hindouiste et ses couleurs, Sottsass créa alors une série de céramiques évoquant son expérience proche de la mort (Céramiques des Ténèbres) ainsi que son retour à la vie (Céramiques des Lumières) pour la manufacture céramique de la famille Bitossi. Et on est encore frappé par l’omniprésence de la forme totémique... ↓

Ettore Sottsass, totem pour Bitossi, céramique

Ettore Sottsass, totem pour Bitossi, céramique

 

Ettore Sottsass, totem pour Bitossi, céramique.

Ettore Sottsass, totem pour Bitossi, céramique.

Ettore Sottsass & La Manufacture de Sèvres

En 1993, Ettore Sottsass se rend à la Manufacture de Sèvres et y crée une série de 14 vases exclusifs touts baptisés du nom d’une femme célèbre. En 2005, soit 2 ans avant sa mort, Sottsass complète la collection initiale avec cinq nouvelles formes en co-édition avec la galerie Ernest Mourmans. ↓

Ettore Sottsass, coupe Diane en porcelaine et or 24 carats, 1994 pour Sèvres -cité de la céramique.

 Ettore Sottsass, coupe Diane en porcelaine et or 24 carats, 1994  pour Sèvres -cité de la céramique.

 La dernière piste : Les indiens Hopis d’Amérique

Si Sottsass se gardait bien de dire où il allait puiser les ressorts de sa créativité, sa dernière aventure avec le verre et non la céramique, délivre enfin des pistes sérieuses. Ainsi en 2004, le maestro italien dessine une série de 20 pièces inspirées directement des figurines de la culture des Indiens Hopis d’Amérique, appelées Kachinas. Les Hopis sont un peuple amérindien qui vit toujours dans le Nord-Est de l’Arizona (Etats-Unis) et possède sa propre réserve. Les Kachinas sont des poupées qui symbolisent les esprits de la mythologie des indiens Hopis et Zunis du Nouveau-Mexique et de l’Arizona. Ces poupées de bois peintes de vives couleurs sont offertes aux enfants et représentent des danseurs qui incarnent, à l’occasion de fêtes rituelles, les esprits du feu, de la pluie, du serpent, ou encore des esprits farceurs, bienfaisants ou malfaisants. ↓

Poupée Kachina

Poupée Kachina.

Avant de mourir, Ettore Sottsass a donné son accord au Cirva (Centre International de Recherche sur le Verre et les Arts plastiques) à Marseille et à l’atelier Van Tetterode à Amsterdam, pour produire chacun des vases dessinés. 5 exemplaires de chaque modèle ont été réalisés. Le résultat est assez incroyable : Sottsass rompt avec le vocabulaire géométrique de ses céramiques en forme de totems. Les formes sont déliées et sublimes, les couleurs éclatantes, le tout semble sortir d’un univers qui nous est familièrement éloigné, mais auquel son créateur italien devait avoir accès… ↓

Ettore Sottsass, vase de la série Kachinas.

Ettore Sottsass, vase de la série Kachinas. Photo Galerie Dowtown François Laffanour à l’occasion de l’exposition Ettore Sottsass « KACHINAS ».

 

Vue de l'expsoition Ettore Sottsass KACHINAS à la Galerie Dowtown François Laffanour, 2011.

Vue de l’exposition Ettore Sottsass « KACHINAS » à la Galerie Dowtown François Laffanour, 2011.

En prime vous trouverez dans la vidéo ci-dessous le soufflage d’une pièce de la collection réalisée au CIRVA. ↓


F.B.