Une journée bien remplie hier, à la 9e Biennale Internationale du Design de Saint-Etienne. Et un constat personnel : le design permet toujours à mes neurones paresseux d’avancer sur l’autoroute fluide et délicieusement cotonneuse de la beauté esthétique. Pour autant, le trajet est parsemé d’aires sur lesquelles erre mon cerveau pour se poser des questions ; des connexions s’établissent alors naturellement avec d’autres disciplines artistiques.

Hypervital, exposition commissionée par Benjamin Loyauté lors de la 9ième Biennale Internationale du design de Saint-Etienne

Hypervital, exposition commissionnée par Benjamin Loyauté lors de la 9e Biennale Internationale du design de Saint-Etienne. Photo ©FrançoisBoutard

 

Si j’ai bien compris les propos de Benjamin Loyauté, co-commissaire général de cette 9e Biennale, il est “hypervital” que le design dépasse ses frontières et interroge. Objectif réussit me concernant 🙂

C‘est ainsi que chemin faisant, l’exposition dénommée « Serial Beauty » (commissariat Giovanna Massoni & Dieter Van Den Storm) m’a rappelé un billet que j’avais concocté en 2013, investiguant précisément la notion de série dans l’art : La loi des séries. Des images se sont mises à défiler dans ma tête : des petits vélos (je vous rassure, j’avais encore toute ma raison à cette heure), ou encore une ribambelle d’appareils connectés siglés d’une grosse pomme qui se ressemblaient tous (vous voyez sans doute de quoi je parle… :-)) Mais diantre, pourquoi donc ? Et bien précisément parce qu’on peut reprocher au design moderne une tendance à l’esthétisation standard de nos biens de consommation usuels. C’est un débat dont s’empare Giovanna Massoni lorsqu’elle nous explique que derrière certaines pièces de design présentées, on reconnaît la “patte” d’un designer, même lorsque celui-ci s’est effacé au profit d’un projet collectif…

Serial Beauty : superbe design de Karim Rashid en collaboration avec Deknudt Mirrors

Une photo publiée par Artdesigntendance (@artdesigntendance) le

 « Les petits vélos » c’est parce que le design a considérablement modifié notre rapport à l’ancienne bicyclette, paix à son âme. C’est ainsi dingue le nombre de prototypes de plus en plus épurés que l’on nous présente (la Biennale n’y fait pas exception) et le nombre de chevaliers dans les rues chevauchant fièrement leurs destriers aux roues multicolores, rayons de roue réduits à l’essentiel, cadres en aluminium, gardes-boues intégrés… Bref, la parfaite panoplie du métrosexuel !

Comment donc échapper à une culture esthétique du prêt à consommer ? Comment le design industriel peut-il réussir l’expérience individuelle de la beauté d’un objet ?  Comment peut-il garantir une expérience de la variété, à l’époque où le design et les designers sont devenus des territoires de marque ? – (…) the designer as a brand (…), (…) starification (..) pour reprendre l’introduction de Massoni & Van Den Storm -. Ça vous chatouille aussi vous, cette question ? Pour ma part, elle me fait furieusement penser que la déclinaison d’un objet en séries customisables (ah, la customisation une autre tendance !) nous rend identiques et nous éduque, inconsciemment, à uniformiser notre goût des belles choses… ↓

Pen Memory Stick (stylo-carte mémoire, plastique injecté (ABS) 2013. Design Praxis Design

Pen Memory Stick (stylo-carte mémoire, plastique injecté (ABS) 2013. Design Praxis Design

Heureusement, Giovanna Massoni & Dieter Van Den Storm empruntent une voie de secours pour nous indiquer que la beauté accordée à un objet est différente selon chaque utilisateur et que la globalisation n’a pas que du mauvais, loin de là… La collection d’objets qu’ils ont réuni varie, avec bonheur, les angles d’attaque. Du designer hyper marketé dont la production est instantanément reconnaissable au designer-entrepreneur maîtrisant toutes les étapes, de la conception au lancement sur le marché, tout est possible nous dit-on !

Roy Lichtenstein, Rouen Cathédral Set V, 1969

Roy Lichtenstein, Rouen Cathédral Set V, 1969

La série d’œuvres de Roy Lichtenstein sur la Cathédrale de Rouen, un artiste global pour un plaisir esthétique propre à chacun !

F.B.

Je remercie chaleureusement la société ORANGE, et notamment Claudia Mangel, Patrick Grosperrin, Olivier Faure et Christophe Such, qui nous ouvrent régulièrement, à nous modestes blogueurs que nous sommes, les portes de la Biennale !

Orange est partenaire-fondateur de la Biennale depuis 1998. La société est présente au sein des expositions avec différents projets, notamment par la mise à disposition du service de captation et de diffusion en direct des grands moments de la Biennale.