Inondations en territoire sanctifié, Colorado dévasté par des flammes furieuses, vague de chaleur en Sibérie, tornade d’un autre monde à Oklahoma City : les événements climatiques récents ont rappelé que l’homme est peu de choses face à la nature ! ↓

Tornade dans l'état d'Oklahoma, 2008

Tornade dans l’état d’Oklahoma, 2008

Pourtant, en ce début de nouveau millénaire, j’ai l’impression que ces mauvais présages sonnent creux dans nos oreilles. En pensant à ces récents caprices météorologiques, les très belles photos du photographe contemporain islandais Pétur Thomsen me sont revenues en mémoire. Plus que l’artiste et ses photos, découvert sous une chaleur caniculaire lors des Rencontres d’Arles 2012, j’ai retenu le message contenu en filigrane dans l’immensité des paysages sauvages islandais : « tu crois pouvoir me domestiquer avec ta technologie moderne, mais tu es peu de choses, regarde l’immensité de ma beauté que tu défigures…» ↓

Pétur Thomsen, vue partielle de l'exposition de l'artiste aux Rencontres d'Arles 2012

Pétur Thomsen, vue partielle de l’exposition de l’artiste aux Rencontres d’Arles 2012

 

Pétur Thomsen, série Imported Landscape, 2003-to be continued

Pétur Thomsen, série Imported Landscape, 2003-to be continued

 

Pétur Thomsen, série Imported Landscape, 2003-to be continued

Pétur Thomsen, série Imported Landscape, 2003-to be continued

Pétur Thomsen, série Imported Landscape, 2003-to be continued

Pétur Thomsen, série Imported Landscape, 2003-to be continued

Thomsen photographie depuis 2003 l’un des plus vastes chantiers jamais réalisés : le Kárahnjúkavirkjun. il s’agit d’un complexe hydroélectrique d’une puissance de 690 MW situé à l’est de l’Islande, au nord du glacier Vatnajökull sur les rivières Jökulsá á Brú et Jökulsá í Fljótsdal. L’un des trois barrages établis à la force des engins mécaniques est le plus grand d’Europe avec ses 198 mètres de hauteur et ses 700 mètres de largeur ! Cette centrale a été construite pour alimenter la fonderie d’aluminium Fjardaál, située à Reyðarfjörður, à 75km à l’est. Les clichés de Thomsen interrogent la défiguration d’un des plus grands espaces naturels encore préservés…

                 Domestiquer la nature, la contrôler, prévoir ses coups de sang, l’homme moderne s’acharne à vouloir exercer sur elle un contrôle de Cerbère.
C’est insidieusement ce que nous rappelle un des grands représentants du mouvement artistique italien Arte Povera, Giuseppe Penone. Actuellement engagées dans un dialogue ouvert avec les fabuleux jardins de Le Nôtre au Château de Versailles, les sculptures végétales de Penone nous rappellent combien les arbres, tout comme les hommes, suivent une pente naturelle qu’il est vainc de vouloir contredire…↓


L’artiste italien souligne la volonté dans son travail de montrer comme l’homme et la nature sont proches l’un de l’autre sans besoin d’avoir à « déformer la nature » . De ce dialogue entre l’homme et la nature, je souhaitais vous montrer deux œuvres très belles de Penone, la première intitulée : Alpes Maritimes.Il poursuivra sa croissance sauf en ce point. ↓

Giuseppe Penone, Alpes maritimes. Il poursuivra sa croissance sauf en ce point.[Alpi Marittime. Continuerà a crescere tranne che in quel punto], 1968 Vue prise pendant la réalisation de l’œuvre Ph. Claudio Basso, 1968 © ADAGP, Paris 2007

Giuseppe Penone, Alpes maritimes. Il poursuivra sa croissance sauf en ce point.[Alpi Marittime. Continuerà a crescere tranne che in quel punto], 1968
Vue prise pendant la réalisation de l’œuvre
Ph. Claudio Basso, 1968

Giuseppe Penone, Alpes maritmes. Il poursuivra sa croissance sauf en ce point [Alpi Marittime. Continuerà a crescere tranne che in quel punto], 1968 Acier, arbre Vue prise à un moment de la croissance de l’arbre Ph. Giuseppe Penone et Dina Carrara, 1978 © ADAGP, Paris 2007

Giuseppe Penone, Alpes maritmes. Il poursuivra sa croissance sauf en ce point [Alpi Marittime. Continuerà a crescere tranne che in quel punto], 1968
Acier, arbre
Vue prise à un moment de la croissance de l’arbre
Ph. Giuseppe Penone et Dina Carrara, 1978

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans ce travail, Giuseppe Penone prend d’abord une photographie de sa main en train de saisir le tronc d’un arbre. Puis il réalise un moulage en bronze de la main qu’il fixe à l’endroit même de la saisie. Le résultat est troublant : une main seule, inerte, qui s’accroche au règne végétal. La morale de cette histoire pourrait être l’illusoire tentative humaine pour dompter le cycle naturel de la nature, affirmant par là le caractère antinaturel et artificiel de cette main.                                             Dans Respirer l’ombre, quatre murs tapissés de lauriers enserrés dans des cages métalliques font implicitement référence à la forêt et au poète Pétrarque, qui, comme Penone, aime à célébrer la nature quand elle fait corps avec l’humain.↓

Giuseppe Penone, Respirer l'ombre [Respirare l’ombra], 1999 Cages métalliques, feuilles de laurier, bronze 330 x 180 x 130 cm; module de Respirer l’ombre: 78 x 117 x 7 cm Collection Centre Pompidou-Mnam, Paris Vue de l’installation au Centre Pompidou Ph. Cnac/Mnam/Dist. RMN; Philippe Migeat, 2000

Giuseppe Penone, Respirer l’ombre [Respirare l’ombra], 1999
Cages métalliques, feuilles de laurier, bronze
330 x 180 x 130 cm; module de Respirer l’ombre: 78 x 117 x 7 cm
Collection Centre Pompidou-Mnam, Paris
Vue de l’installation au Centre Pompidou
Ph. Cnac/Mnam/Dist. RMN; Philippe Migeat, 2000

Giuseppe Penone, Respirer l'ombre [Respirare l’ombra], 1999

Giuseppe Penone, Respirer l’ombre [Respirare l’ombra], 1999

« Dans un des murs, une sculpture en bronze, représentant deux poumons moulés dans des feuilles, trouble la présence paisible des verts aromatiques. Elle est le rappel du parfum qui se dégage du lieu et qu’il faut respirer, comme l’ombre. Ces poumons étranges, par lesquels le végétal se métamorphose en animal et vice-versa, jettent une ombre, c’est le cas de le dire, sur l’ensemble de l’installation. Les lauriers familiers deviennent inquiétants, car ils se font poumons humains qui se montrent. Ce qui devrait rester caché se donne à voir sous une forme qui trouble notre perception ». Si la nature avait le don de parole, que nous dirait-elle aujourd’hui ? C’est un peu de cette question que les œuvres de Thomsen et Penone témoignent, chacun à leur manière. Se figurer la nature comme un être humain aurait du bon, vous ne croyez pas ?

F.B.