Last Updated on 17 avril 2021 by François BOUTARD
Inondations en territoire sanctifié, Colorado dévasté par des flammes furieuses, vague de chaleur en Sibérie, tornade d’un autre monde à Oklahoma City : les événements climatiques récents ont rappelé que l’homme est peu de choses face à la nature ! ↓
Pourtant, en ce début de nouveau millénaire, j’ai l’impression que ces mauvais présages sonnent creux dans nos oreilles. En pensant à ces récents caprices météorologiques, les très belles photos du photographe contemporain islandais Pétur Thomsen me sont revenues en mémoire. Plus que l’artiste et ses photos, découvert sous une chaleur caniculaire lors des Rencontres d’Arles 2012, j’ai retenu le message contenu en filigrane dans l’immensité des paysages sauvages islandais : « tu crois pouvoir me domestiquer avec ta technologie moderne, mais tu es peu de choses, regarde l’immensité de ma beauté que tu défigures…» ↓
Thomsen photographie depuis 2003 l’un des plus vastes chantiers jamais réalisés : le Kárahnjúkavirkjun. il s’agit d’un complexe hydroélectrique d’une puissance de 690 MW situé à l’est de l’Islande, au nord du glacier Vatnajökull sur les rivières Jökulsá á Brú et Jökulsá í Fljótsdal. L’un des trois barrages établis à la force des engins mécaniques est le plus grand d’Europe avec ses 198 mètres de hauteur et ses 700 mètres de largeur ! Cette centrale a été construite pour alimenter la fonderie d’aluminium Fjardaál, située à Reyðarfjörður, à 75km à l’est. Les clichés de Thomsen interrogent la défiguration d’un des plus grands espaces naturels encore préservés…
Domestiquer la nature, la contrôler, prévoir ses coups de sang, l’homme moderne s’acharne à vouloir exercer sur elle un contrôle de Cerbère.
C’est insidieusement ce que nous rappelle un des grands représentants du mouvement artistique italien Arte Povera, Giuseppe Penone. Actuellement engagées dans un dialogue ouvert avec les fabuleux jardins de Le Nôtre au Château de Versailles, les sculptures végétales de Penone nous rappellent combien les arbres, tout comme les hommes, suivent une pente naturelle qu’il est vainc de vouloir contredire…↓
L’artiste italien souligne la volonté dans son travail de montrer comme l’homme et la nature sont proches l’un de l’autre sans besoin d’avoir à « déformer la nature » . De ce dialogue entre l’homme et la nature, je souhaitais vous montrer deux œuvres très belles de Penone, la première intitulée : Alpes Maritimes.Il poursuivra sa croissance sauf en ce point. ↓
Dans ce travail, Giuseppe Penone prend d’abord une photographie de sa main en train de saisir le tronc d’un arbre. Puis il réalise un moulage en bronze de la main qu’il fixe à l’endroit même de la saisie. Le résultat est troublant : une main seule, inerte, qui s’accroche au règne végétal. La morale de cette histoire pourrait être l’illusoire tentative humaine pour dompter le cycle naturel de la nature, affirmant par là le caractère antinaturel et artificiel de cette main. Dans Respirer l’ombre, quatre murs tapissés de lauriers enserrés dans des cages métalliques font implicitement référence à la forêt et au poète Pétrarque, qui, comme Penone, aime à célébrer la nature quand elle fait corps avec l’humain.↓
« Dans un des murs, une sculpture en bronze, représentant deux poumons moulés dans des feuilles, trouble la présence paisible des verts aromatiques. Elle est le rappel du parfum qui se dégage du lieu et qu’il faut respirer, comme l’ombre. Ces poumons étranges, par lesquels le végétal se métamorphose en animal et vice-versa, jettent une ombre, c’est le cas de le dire, sur l’ensemble de l’installation. Les lauriers familiers deviennent inquiétants, car ils se font poumons humains qui se montrent. Ce qui devrait rester caché se donne à voir sous une forme qui trouble notre perception ». Si la nature avait le don de parole, que nous dirait-elle aujourd’hui ? C’est un peu de cette question que les œuvres de Thomsen et Penone témoignent, chacun à leur manière. Se figurer la nature comme un être humain aurait du bon, vous ne croyez pas ?
F.B.