Last Updated on 8 juin 2021 by Frédéric CHATEL
Davide QUAYOLA
Œuvre : Sculpture Factory
« Sculpture Factory » , l’œuvre de l’artiste Quayola […] étend la portée de ces nouveaux espaces sur le sol de l’usine. L’artiste présente la construction d’une de ses sculptures inachevée comme une sculpture performative en soi. Pendant huit semaines, une fraiseuse robotisée élimine des blocs de matériau, produisant une série de sculptures « inachevées » – des œuvres qui ont été isolées et démantelées à chaque lacune de la machine.
Le travail met en avant le processus – plutôt que le résultat – au premier plan. Les visiteurs de l’exposition peuvent ainsi voir la traduction en direct du code implémenté dans la machine sur le matériau, tandis que les différentes sculptures – des modèles de Michel-Ange – sont taillées à partir de blocs blancs, et en sont la traduction numérique.
« Il existe dans cette œuvre une géométrie très complexe, mais réellement déterminée par la taille du foret et la façon dont il se déplace à travers le bloc […] Ce n’est pas quelque chose qui a été conçu sur un logiciel 3D. C’est juste le résultat d’une série d’opérations et du processus de la machine. » – fait remarquer Quayola dans une interview au média en ligne VICE -The Creators Project -.
C’est la relation entre l’art et le processus qui documente et informe le process de travail suivi par Quayola. La notion de « créativité algorithmique » peut être décrite de plusieurs manières ; les sculptures produites par les machines industrielles de Sculpture Factory en sont une. Une autre description, plus corporelle, est l’impact tangible et temporel que les performances des machines ont sur l’espace et les matériaux – le » sculpteur » – en l’occurrence la machine – a été programmé pour produire quelque chose qui, en se rapprochant des idées esthétiques classiques, les perturbe en raison de la différence de processus… »
Traduction maison depuis le texte de Sedition art.
→ Pour retrouver le billet original du 22 Septembre 2020, cliquez sur le lien ilikethisart.
Si vous êtes surpris par le contexte du billet et son choix : je choisis, régulièrement, des billet issus du blog : ilikethisart.net tenu par Jordan Tate (avec son autorisation), universitaire américain et artiste. Je n’ai jamais trouvé d’équivalent à ce blog qui explore des univers visuels que nous n’avons pas l’habitude de voir en Europe ou trop peu (à mon goût).
Quand un robot fait du Michel-Ange
→ Pourquoi avoir choisi de parler de cet artiste ? Bien que reste assez hermétique aux œuvres conçues à partir de machines utilisant des codes de programmation complexes (il développe lui-même ses programmes), je dois dois dire qu’ici je suis bluffé : 1- par la qualité du résultat (voir gros plan ci-dessous), 2- la mise en scène de l’intervention de l’artiste, la scénographie autour de l’ouvre est magnifique, 3- le propos autour de la robotique : réfléchir sur l’époque actuelle qui donne la possibilité à un bras robotique de sculpter des détails que des artistes de la Renaissance auraient peut-être mis des années à réaliser (et la question du terrain d’expérimentation ouvert à l’intelligence artificielle), 4- enfin, il me permet d’affirmer, en lien avec ma réflexion entamée sur ce qui définit l’art contemporain, que l’artiste planifie, conçoit et travaille avec une rigueur et un niveau de méticulosité exceptionnels. C’est un ingénieur de la beauté en quelque sorte :-)) ↓
Nota : sur le site web de l’artiste, les images des gros plans des statues réalisées font référence à Proserpine & Pluton. On peut donc très bien imaginer que l’artiste a utilisé son process pour reproduire L’enlèvement de Proserpine (par Pluton), une grande sculpture de marbre de l’artiste italien Gian Lorenzo Bernini, dit Le Bernin, sculptée entre 1621 et 1622. Dans une série intitulée Captives, Quayola a d’ailleurs reproduit une œuvre de Michel-Ange (travail des Prigioni, inachevés), ci-dessous↓
Davide Quayola : une œuvre protéiforme
En 2018-2019, l’artiste a été accueilli en résidence au Domaine de Chaumont-sur-Loire (Loir-et-Cher), un lieu au départ connu pour son Festival international des jardins et qui est devenu « un laboratoire de la création contemporaine dans le domaine des jardins et de la création paysagère dans le monde ». Aujourd’hui, Chaumont réalise une programmation annuelle d’artistes contemporains de haute volée – on pense à Giuseppe Penone bien sûr pour l’Arte Povera – qui exposent leurs œuvres dans le château ou le Parc.
Dans le cadre de sa résidence, L’artiste italien a montré, de novembre 2018 à fin février 2019, une série inédite d’images, des tirages photographiques à grande échelle en ultra haute résolution. Soit « des images générées essentiellement par ordinateur qui possèdent un nombre considérable de données captées à l’aide d’un scanner 3D laser ultra précis. Ce travail a permis de recueillir et d’enregistrer des millions de points de coordonnées en trois dimensions. » Et que dire, si ce n’est magnifique ! ↓
Artiste protéiforme, Davide Quayola réalise également des vidéos, dessine, photographie donc, mais travaille aussi sur des tableaux et des sculptures animées, et collabore avec des musiciens le temps d’un concert audiovisuel. Un artiste doué et sensible dont le monde s’anime à mi-chemin entre nouvelle technologie et végétal, entre réel et artificiel… ↓
F.B.