Quoi de moins naturel pour un artiste en plein travail, que de sentir le regard aiguisé d’une caméra dans son dos ? C’est sûrement la question qu’a du se poser, à plusieurs reprises, le peintre contemporain allemand Gerhard Richter lorsqu’il a ouvert les portes de son atelier à la réalisatrice Corinna Belz.

Gerhard Richter photographed by Benjamin Katz in Köln, 1984

Gerhard Richter photographed by Benjamin Katz in Köln, 1984

En 2012 sort le documentaire Gerhard Richter Painting, un film qui tente de saisir le processus de création du grand maître alors attelé à la réalisation d’une série de grandes peintures abstraites. Pendant six mois, Corinna Belz a pu filmer librement le peintre à l’œuvre. J’ai souhaité partager avec vous trois vidéos, la première présentant un court extrait du documentaire cité plus haut. En effet, j’ai reçu beaucoup de réactions positives suite à la mise en ligne d’un billet consacré à Pierre Soulages qui montre l’artiste, au travail, dans son atelier. Je souhaite donc poursuivre sur cette voie et partager avec vous ces instants filmés assez rares, où l’œuvre artistique se déploie sous nos yeux. ↓

Extrait : Gerhard Richter Painting, un film de Corinna Belz, 2012.

Quelques impressions à la volée : on ressent toute la dimension physique dans l’acte de peindre. Pour établir ce rapport entre le peintre et son support, l’outil, ici une «raclette géante» – comme chez Pierre Soulages -, est prépondérant. L’utilisation de cet outil fait partie intégrante du rapport sensuel qu’entretient l’artiste avec la toile.


De nouveau quelques rushs du film de Corinna Belz. Je reste stupéfait devant le travail de Richter face à la toile. Arrêtez-vous à la quinzième seconde du documentaire. Vous verrez, comme par magie, une image, voir même une scène de peinture, apparaître au centre du tableau alors que le maestro applique sa fameuse raclette ! La technique laisse alors la chance au hasard qui la saisit. Richter lui, s’en moque, continuant son travail physique de démantèlement et de «repassage» sur la toile… A priori, le documentaire nous indique que Richter est filmé en 2009, alors qu’il prépare une série de tableaux abstraits pour une exposition à New York. Point de curiosité : on apprend que l’artiste travaille simultanément sur plusieurs toiles, jusqu’à huit ! Le processus reste le même : construction et déconstruction des toiles par passage successifs du racloir.

 
Troisième Vidéo, plus longue celle-ci. Il ne s’agit plus du documentaire de Corinna Belz mais d’extraits filmés qui mettent en scène principalement Nicholas Serota, Directeur de la Tate, interrogeant Gerhard Richter sur sa vie. La proximité entre les deux hommes est palpable, Richter étant pourtant connu pour être assez introverti. Vers les 4’28” du film vous verrez comment Serota, Richter, Mark Godfrey – Commissaire d’exposition à la Tate – et Amy Dickson – Assistante à la Tate – prépare une grande rétrospective de l’artiste. …Et bien ils manipulent des magnets personnalisés représentant les tableaux de Richter qu’ils déplacent  à l’intérieur d’une maquette représentant les salles d’exposition de la Tate ! On découvre également que Richter travaille avec deux assistants. Apparemment perfectionniste, le peintre protège ses peintures figuratives en attente d’une dernière couche par un système ingénieux de protection au mur pour éviter des traces d’insectes.

– «Mais alors, quand savez-vous Monsieur Richter, qu’une toile abstraite est définitivement terminée ? »  – de Serota, bien calé dans son fauteuil  à Richter –                                                                                                                                                              

– «Je sais que ma toile est finie quand je n’ai plus d’idées pour la faire évoluer» – de Richter à Serota – …

F.B.