J‘avais souvent pensé à vous parler de Bill Viola, artiste américain contemporain majeur, connu pour mettre en place des installations vidéos monumentales. Plusieurs pistes m’ont mené à lui, la première lors d’un court voyage à Norwich en 2012, avec la découverte inattendue du Sainsbury Center for Visual Arts – cf. billet https://artdesigntendance.com/john-davies-lanti-hirst/- Pour un peu et j’aurais pu découvrir le Norfolk & Norwich Festival qui proposait, en collaboration avec le Sainsbury Center l’exposition intitulée : Bill Viola: Submerged-Spaces. ↓

Bill Viola, Ascension, 2000. Oeuvre présentée au Norfolk & Norwich Festival édition 2012

La seconde vient de mon goût pour «l’éclaboussure stylistique», entendez par là ma fascination pour les artistes qui immergent des corps dans l’eau. Peut-être vous avais-je fait découvrir à cette occasion le talent d’Eric Zener, passé maître dans la reproduction du corps transperçant la surface de l’eau ou flottant en apesanteur sous l’eau ? ↓

Eric Zener, Tumbling Through the Light, 2013

Eric Zener, Tumbling Through the Light, 2013

Eric Zener, Love, 2012

Eric Zener, Love, 2012

Puis, en visionnant le travail de Viola, je me suis rappelé mon histoire de retable – entre autre le fameux retable d’Issenheim -. Pourquoi ? La réponse fut instinctive à la vue du travail de Viola sur The Greeting, inspiré de la Visitation du peintre maniériste Jacopo Pontormo (1494-1557). Viola ressuscite la peinture de l’époque, lui donnant vie en l’étirant dans un temps qui semble, paradoxalement, aussi suspendu. ↓

Jacopo Pontormo, La Visitation, 1528

Jacopo Pontormo, La Visitation, 1528

Bill Viola, The Greeting, 1995. Arrêt sur image de la vidéo

Bill Viola, The Greeting, 1995. Arrêt sur image de la vidéo

Mon intuition était bonne ! Ainsi, dans un livre édité à l’occasion d’une exposition qui eut lieu en 1998 au Whitney Museum of Arts, l’auteur déclare, à propos de Viola :  «(…) Viola has commented on the power and use of art, citing the farmed sixteenth-century Issenheim altarpiece by Mathias Grünenwald, which was originally used as an integral part of healing procedure. The different pannel were opened and closed in a process that required the patient-viewer to spend hours in front of the altarpieces in prayer and contemplation.»                                                                                       Le mystique imprègne les œuvres de Viola. Ce n’est pas un  hasard si la Cathédrale de Durham proposa d’accueillir une des œuvres vidéo de Viola : The Messenger. Quelle beauté les spectateurs ont du découvrir et ressentir à la diffusion de cette vidéo, placée sous un immense vitrail, magique ! ↓

Bill Viola, The Messenger, 1996. Cathédrale de Durhan

Bill Viola, The Messenger, 1996. Cathédrale de Durham

Plus je m’immergeais dans les réalisations de Viola, et plus je ressentais le  désir de l’artiste de confronter notre regard à la condition humaine et aux questions qui la traversent. L’omniprésence de l’eau, pour nous rappeler notre naissance ou l’art de quitter le liquide amniotique pour naître à la vie une seconde fois. La prépondérance de la question du temps. Temps de l’existence, du passage de la vie à la mort, d’un corps qui se consomme comme un cachet d’aspirine effervescent au fond d’un verre d’eau.   Dans les réalisations de Viola, tout cela est fait avec une sorte de recul, zen, le temps semble suspendu.↓

La morale de cette histoire est qu’il faille accepter de se perdre dans des univers artistiques à priori très différents. Que pouvait donc avoir en commun un retable peint à l’époque du gothique tardif par un bavarois, les tableaux ultra-réalistes d’un artiste californien avec les installations vidéo d’un artiste contemporain anglais ? Rien, à priori, et pourtant ils vous parlent et dépeignent les questions existentielles de l’âme humaine. Alors visitez, chercher ce qui vous parle, le reste viendra tout seul…

Grande exposition Bill Viola au Grand Palais, du 5 Mars au 21 JuIllet 2014

F.B.