Last Updated on 18 avril 2021 by François BOUTARD
Art Design Tendance vous propose un voyage vers une pratique artistique peu considérée, en tout cas insuffisamment reconnue en France : la céramique. Pour en parler, qui mieux que Claire Arnaud pour le faire ? Claire est une passionnée de cet art depuis longtemps maintenant. Les lyonnais chanceux que nous sommes pouvons admirer les céramiques exposées à l’Atelier 28, galerie d’Art située Rue Burdeau, en plein cœur du quartier lyonnais des galeristes. Claire Arnaud, en partenariat avec Martine Bonnaventure, – cf. interview sur l’Art Géométrique – propose une sélection d’artistes-céramistes de premier plan – en cours exposition Autour du bol à thé -. Dans son numéro trimestriel n°31 d’Artpress2, la rédaction du magazine faisait état d’un retour en force de la céramique en consacrant un numéro entier à cette pratique. Je cite : « De la même façon que Lichtenstein considérait la BD bon marché comme la forme la plus méprisable de la création artistique, la céramique a été perçue comme la composante par excellence du décor petit-bourgeois » – Ann Hidry -. Voilà le décor est planté ! Alors la céramique se limite-t-elle à une pratique artisanale d’autrefois ou peut-on l’analyser au même titre que la peinture, la sculpture et l’architecture ? Permet-elle une expression contemporaine ? Béotien en la matière, j’ai souhaité posé des questions assez simples à Claire Arnaud sur la conception, la fabrication et ainsi découvrir une pratique passionnante, effectuée par des passionnés…
Art Design Tendance : Qu’est-ce qui t’a amené à te passionner autant pour la céramique ? Claire Arnaud : J’ai toujours aimé la poterie, fréquentant de nombreux marchés artisanaux dédiés à cette pratique. De manière générale, j’aime l’artisanat d’art. Il y a toujours cette polémique, en France, sur la façon de considérer la céramique. Est-ce un artisanat d’art ou de l’art tout court ? C’est une problématique qui ne m’intéresse pas, je suis avant tout une passionnée.
A.D.T. : Pourquoi par exemple, la céramique t’attire-t-elle plus que la peinture ?
C.A. : Ce sont deux choses : la matière et l’objet. D’ailleurs, je connais très bien Denise et Michel Meynet, un couple de grands collectionneurs d’art – cf. Exposition Métissages de la Collection Meynet en 2013 au Musée des Beaux-Arts de Lyon-, qui collectionnent avec passion les pièces de céramique car ils sont attachés à l’unicité de l’objet. La céramique ce sont des objets faits avec de la matière.
A.D.T. : Comment distinguer la poterie de la céramique ?
C.A. : On parle de poterie quand l’objet a plus une fonction utilitaire. La céramique tient plus de l’artistique. Mais il est vrai que l’on parle de la même chose, après il s’agit de ménager les susceptibilités de chacun ! On pense que pour amener la céramique au rang d’un art majeur il ne faut surtout plus parler de poterie, mais j’aime autant la poterie ! D’ailleurs, beaucoup de potiers produisent des pièces utilitaires qui se vendent sur les marchés pour gagner leur vie et, à côté, fabriquent des pièces rares, plus recherchées et chères et qui tendent vers la pratique artistique.
A.D.T. : Au départ est-ce la même technique ?, le tournage qui consiste à utiliser un tour, outil comprenant un plateau animé d’un mouvement rotatif, pour confectionner une poterie ?
C.A. : Tous les potiers et céramistes n’utilisent pas forcément le tour. Les approches et les façons de procéder sont très diverses.
A.D.T. : Observons-nous cette différenciation entre poterie et céramique – utilitaire vs artistique – dans d’autres pays ?
C.A. : Au Japon, pays majeur de la céramique pas du tout. La poterie « utilitaire est très valorisée ». La fonction pratique de l’objet ne le déprécie pas, bien au contraire ! C’est ce que j’ai montré récemment à la galerie avec des rencontres autour de la cérémonie du thé – en présence de Monsieur Kobayashi, Consul du Japon à Lyon, Tom Charbit, céramiste reconnu et Shogo Suzukake (maison Chamour) -. Monsieur Kobayashi a ainsi eu la gentillesse d’amener son service à thé personnel. Il a débattu de ce sujet insistant sur la reconnaissance au Japon, de la valeur utilitaire du bol à thé. C’est un objet très précieux. A l’inverse de chez nous, la fonction utilitaire d’une pièce est très estimée et atteint une reconnaissance très forte ! C’est ainsi qu’une pièce de céramique qui pourrait être endommagée suite à un choc possède encore plus de valeur après réparation. L’objet a un vécu, une histoire propre. Pour nous, occidentaux, c’est un complet renversement de la valeur d’un objet ! Au Japon, les pièces les plus précieuses sont utiles, elles ne s’exposent pas dans un musée contrairement à notre conception occidentale qui installe une barrière entre l’artisanat d’art et l’art tout court. Un bol à thé au Japon peut valoir autour de 3000 euros, la même pièce se vend autour de 300-400 euros en France.
A.D.T. : Et dans les pays anglo-saxons ?
C.A. : Oui, il existe également une grande différence. Au Royaume-Uni, le thé est un fait culturel. Dans la bonne société anglaise on est extrêmement attaché à la valeur du contenant. Les pièces en porcelaine fine sont recherchées, l’équivalent chez nous de la porcelaine de Limoges. Aux Etats-Unis, la céramique dit « contemporaine » est très développée.
A suivre…
F.B.
Mes plus vifs remerciements à Claire Arnaud et Martine Bonaventure.
Photos courtoisie Tom Charbit et Galerie ATELIER 28.