Last Updated on 8 juin 2021 by Frédéric CHATEL
Le verre de Murano est réputé dans le monde entier pour la qualité des matières premières qui le composent et le savoir-faire verrier qui lui est associé. Mais comment une si petite île située au nord de Venise dans la lagune (superficie de 1,17 km2), est-elle aujourd’hui connue du monde entier pour la qualité de sa production verrière ? Des éléments historiques y concourent, mais elle le doit surtout au tour de main hérité d’une longue pratique et transmis de génération en génération, par de grands maîtres-verriers. La tradition du verre à Murano est ainsi incarnée par de grandes familles qui perpétuent un savoir-faire artisanal de haute précision. Une pratique et des secrets autrefois jalousement gardés avant que les grandes maisons verrières de Murano n’ouvrent leurs forges aux plus grands artistes du XXe siècle… ↓
Aux origines du verre à Murano
Ce sont les phéniciens qui les premiers découvrirent que le sable, exposé à une haute température et au feu, fond et devient vitreux. Ils en maîtrisèrent la technique avant de la diffuser le long des côtes du Moyen Orient et de l’Egypte, puis transportèrent la pâte de verre en Méditerranée pour atteindre Rome, Venise et Murano. On trouve ainsi la trace du 1er verre de Venise en 982. Les différentes croisades du milieu du Moyen-Âge vont aussi conduire de nombreux artistes byzantins, certains artisans verriers, à fuir Constantinople pour s’exiler à Venise. Naturellement, la république de Venise développe l’art verrier qui fait déjà sa réputation hors de ses frontières.
En 1291, les autorités de la « Sérénissime » décident de détruire toutes les fonderies par peur d’un embrasement de la ville, et forcent les maîtres-verriers de Venise à s’exiler sur la petite île de Murano. Rapidement, les verriers de Murano deviennent influents dans la république vénitienne et exportent leur production dès la fin du XIVe siècle jusqu’à Londres. Les plus grands souverains européens s’arrêtent à Murano pour commander de la vaisselle ou des vases.
L’âge d’or du verre de Murano
Du XVe au XVIII siècle, traversant la Renaissance italienne, les maîtres-verriers de Murano connaissent un âge d’or. Ils développent leurs techniques comme les cristaux, l’émail, les parures au fil d’or, les très célèbres filigranes a retortoli (« filets de verre en spirale ») et filigranes a reticello (« à résille »). Ils maîtrisent les couleurs pour réaliser de splendides verres multicolores (millefiori), le lait verre appelé lattimo, et l’imitation de pierres précieuses en verre. ↓
Issu d’une famille qui perpétue l’art verrier depuis des générations (on mentionne dans des documents de 1348 les Barovier comme artisans verriers), on doit au maître-verrier italien Angelo Barovier (?-1460), la production d’une technique nouvelle aboutissant à la production d’un type de verre particulièrement fin qu’il dénomma « verre cristallin » (vetro cristallino) ou « cristal de Venise » (cristallo di Venezia). ↓
Une autre famille de Murano marque de son empreinte l’art verrier de l’île : les Ballarin. Giorgio di Pietro dit Zorzi le Spalatino, (1440-1506), travaille dans la verrerie d’Angelo Barovier et accède aux secrets de fabrication des verres cristallin. Féru de technique, il obtient du pouvoir vénitien que le très célèbre verrier lorrain Robert de Thysac, qui conçoit de grandes plaques de verre aux couleurs inégalées utilisées ensuite pour faire des vitraux, s’installe chez lui et lui enseigne son art. En échange de quoi Giorgio Ballarin initie le maître français aux techniques verrières de Murano. Par la suite, la famille Ballarin devient une véritable dynastie à Murano. Francesco (1480-1555), Domenico (1490-1570), Pietro (1532-1599) sont reconnus comme de véritables artistes du verre et on retrouve leurs coupes de cristal sur les tables des souverains d’Europe. ↓
Barovier, une grande famille verrière de Murano
À son apogée au XVIe siècle, l’influence de la verrerie de Murano va progressivement décliner, avant de renaître à la fin du XIXe siècle, puis redevenir un centre mondial de la verrerie attirant les plus grands créateurs au XXe siècle. La verrerie à Murano doit beaucoup aux grandes familles qui ont perpétué un art ancestral. Parmi celles-ci, la plus connue est sans aucun doute les Barovier. Angelo Barovier, dont a parlé précédemment, est le digne descendant de Jacobello Barovier, qui fonde en 1295 une verrerie à son nom. Plus de 700 ans nous séparent de la verrerie Barovier qui existe toujours aujourd’hui sous le nom de Barovier & Toso. Rendez-vous compte, Barovier & Toso est inscrite au 5e rang des entreprises familiales les plus anciennes du monde ! Après la période dorée de la Renaissance, Barovier connaît à nouveau un essor important à la fin du XIXe siècle, sous l’impulsion de Benvenuto et Giuseppe Barovier qui donnent à la maison le nom de Fratelli Barovier (Barovier Frères).
Mais la grande figure de la famille qui remet Barovier sur le devant de la scène est Ercole Barovier (1889-1974), dessinateur et chimiste, fils de Benevenuto Barovier. Il assura de 1926 à 1972 la direction artistique de la verrerie. Dans les années 1920, il obtint un grand succès ; d’abord avec les récipients à murrine, puis avec des créations totalement originales comme la collection de verres Primavera (1929-30). Dès le début des années 30, il se consacre entièrement à l’expérimentation de nouveaux effets multicolores. Il perfectionne la technique de coloration à chaud sans fusion qu’il utilise pour la 1ère fois en 1935-36, pour créer les séries Crepuscolo, Autumn Gemmato, Marina Gemmata et Laguna Gemmata. ↓
À Murano, tout est histoire de famille ! En 1936, Ercole Barovier aux commandes de la célèbre maison décide de fusionner avec la S.A.I.A.R. (Società Anonima Italiana Arti Riunite) Ferro Toso & C. (1902-1935), alors dirigée par Decio et Artemio Toso. La famille Toso est aussi une grande famille historique verrière de l’île. Dans un 1er temps baptisée Ferro Toso Barovier & C., puis Barovier Toso & C, l’entreprise prit son nom actuel Barovier & Toso en 1942. ↓
Le gotha du design italien à Murano
Autrefois cantonnées à produire des pièces de vaisselles en grandes séries, les grandes maisons verrières de Murano, en même temps qu’elles complexifiaient leurs techniques, se sont mises à produire de véritables objets d’art. Un moyen pour elles de se faire connaître dans l’univers du luxe, et de faire venir parmi les designers, architectes et artistes les plus talentueux.
Ainsi, la très jeune maison Venini – créée en 1921 par L’avocat milanais Paolo Venini (1895-1959) et l’antiquaire vénitien Giacomo Cappellin – après s’être appuyée sur le talent du sculpteur et designer Napoleone Martinuzzi (1892-1977), va progressivement ouvrir au milieu du XXe siècle ses ateliers à des designers, architectes et artistes plasticiens venus d’horizons plus lointains que Murano et Venise. Des créateurs italiens évidemment, au moment où le design italien « décolle » dans les années d’après-guerre, et obtient dans les années 60 et 70 une reconnaissance internationale. On pourrait ici faire un catalogue des artistes transalpins qui se sont succédés à La Fornace (le nom commun pour désigner les bâtiments de Venini, fours y compris). Parmi eux, citons Gio Ponti, Carlo & Tobia Scarpa, Fulvio Bianconi, Franco Albini, Gae Aulenti (tardivement), Alessandro Mendini, Marco Zanini, et bien sûr Ettore Sottsass vers la fin de sa vie. ↓
Aujourd’hui, Murano continue de fasciner les grands créateurs qui trouvent dans les techniques verrières de l’île matière à satisfaire leur inspiration. Ainsi, l’excentrique Peter Marino, architecte des grandes marques de luxe a avoué avoir cassé beaucoup de prototypes avant de parvenir au résultat souhaité pour sa collaboration avec Venini en 2017. Les frères Campana, dans leur style caractéristique, ont démarré en 2005 une collaboration avec la célèbre verrerie. D’autres artistes, comme la plasticienne transmédia et féministe Orlan, l’architecte Tadao Ando, l’artiste américain Fred Wilson, ou encore l’artiste du verre Dale Chihuly sont tous venus à Murano… Qui plus que jamais reste un îlot de résistance au Made in China. ↓
F.B.
Bon article, beaucoup d’informations intéressantes et de bonnes choses que j’ai obtenues dans cet article. Merci pour le partage, bonne journée.
Merci beaucoup pour votre retour !
Cdt.
Bonjour a tous,
j’admire beaucoup votre travail !
Nous avions un magnifique ensemble composé d’une table table basse avec deux plateaux, et deux consoles hautes.
Un plateaux de la table basse a été cassé et nous recherchons l’artisan qui l’a fabriqué pour le remplacer
Malheureusement la filière au départ de la France est rompue et notre fournisseur ne parvient pas a le retrouver
Merci de me dire ou m’adresser : syndicat, groupe professionnel, relation etc. !
Bien cordialement
Claude Garnier
Buongiorno a tutti,
Ammiro molto il tuo lavoro!
Avevamo un meraviglioso set composto da un tavolino da caffè con due vassoi e due console alte.
Si è rotto un piano di un tavolino e cerchiamo l’artigiano che l’ha realizzato per sostituirlo
Sfortunatamente la rete dalla Francia è interrotta e il nostro fornitore non riesce a trovarlo.
Per favore dimmi o rivolgiti a me: sindacato, gruppo professionale, relazione ecc. !
Cordiali saluti
Claude Garnier
Bonjour Claude,
Je vous remercie pour votre appréciation concernant le blog !
Pour votre question, je ne suis pas un professionnel du verre de Murano.
Il me semble que vous évoquez dans votre question les bons interlocuteurs pour vous renseigner.
Vous pouvez aussi contacter Ateliers d’Art de France, Le Syndicat professionnel des métiers d’art,
ils pourront peut être vous renseigner : https://www.ateliersdart.com/
Cordialement.
François BOUTARD