Last Updated on 17 avril 2021 by François BOUTARD

En quelques années,  la galerie Gosserez s’est imposée comme une adresse incontournable pour dénicher des pièces de design très contemporaines. Située dans le Haut Marais, à deux pas des galeries Perrotin et Thaddaeus Ropac, Marie-Bérangère Gosserez, sa directrice et fondatrice, a chaleureusement accueilli Art design Tendance et s’est prêtée au jeu des questions/réponses.

Art Design Tendance : Marie-Bérangère Gosserez, merci  de me recevoir dans votre showroom, d’ailleurs en dessous c’est une cave aux merveilles !                                                                                                                                                                 Première question : Avant de vous installer ici, quel a été votre parcours ?

Marie-Bérengère Gosserez : J’ai un parcours cohérent puisque j’ai toujours travaillé dans le marché de l’art, mais avec des expériences très différentes. J’ai démarré chez Christie’s comme coordinatrice des clients internationaux. À l’époque, Christie’s était loin d’avoir la taille et l’importance qu’elle a aujourd’hui. Avant 2001 et la fin du monopole des Commissaires-priseurs, la maison n’était pas encore autorisée à faire de ventes en France.

J’ai ensuite été marchande aux Puces de Saint-Ouen en objet et mobilier dits « vintage » – années 50, 60 & 70-. C’est là que j’ai vraiment appris mon métier d’aujourd’hui. C’est une très bonne école et j’ai d’ailleurs beaucoup d’admiration pour les marchands qui connaissent très bien leur métier. Si  vous vous trompez sur une pièce, vous en subissez directement les conséquences financières ! Les marchands appellent cela « glisser ». C’est un métier exigeant, physique et pour lequel on ne se rend pas forcément compte du travail fourni en-dehors des jours d’ouverture du marché.

Après 5 années dans cette profession, j’ai passé et réussi mon examen de commissaire-priseur. Pour autant, je n’ai jamais cherché à exercer ce métier, mais j’en ai une connaissance je crois assez précise. Le commissaire-priseur est plus un généraliste- excepté pour ceux qui ont une spécialité –  alors que le marchand d’art est  lui un spécialiste de son marché.

Ces différentes expériences m’ont amené à faire un bilan de ce que j’appréciais. Chez Christie’s, le contact avec la clientèle et lorsque j’étais marchande, la recherche de l’objet. J’ai aussi compris en me formant au métier de commissaire-priseur que je voulais montrer d’autres objets que ceux que l’on a l’habitude de voir comme le mobilier vintage, très largement représenté dans des galeries et réédité chez les grandes marques. Je souhaitais montrer autre chose tout en restant dans la continuité de la tradition des arts décoratifs, sachant que nous avons, en France, de jeunes designers talentueux et de très bons fabricants. Pourquoi alors ne pas réunir les deux et présenter un mobilier très contemporain en galerie ? C’est ce que j’ai fait…

A.D.T. : Présenter des designers très contemporains, était-ce un choix  dès le départ ?

M.B.G. : Non. Je voulais mélanger du très contemporain avec du vintage car pour moi c’est important qu’il y ait une continuité dans l’histoire des pièces présentées. Pour autant,  les objets que j’expose aujourd’hui ont tous une filiation avec l’histoire du design et de l’art. De plus, le marché du vintage et de l’occasion est très spécifique, je n’aurais pas eu le temps de gérer les deux activités en parallèle. J’édite les meubles de la galerie, un métier très différent de celui de chineur sur le marché de l’occasion.

A.D.T. : Justement, votre métier d’éditeur parlons-en. En quoi consiste- t-il ?

M.B.G. : Je suis une galerie éditrice mais je distribue aussi des meubles qui sont fabriqués par le designer. En tant qu’éditrice, je m’implique à fond dans un projet. Le designer dessine, je recherche les fabricants pour réaliser les prototypes ainsi que les pièces qui seront produites par la suite. Le designer ne sort pas d’argent, je finance la réalisation matérielle des pièces de A à Z.

A.D.T. : Quelle est la partie la plus difficile quand on est éditeur ?

M.B.G : L’édition est évidemment beaucoup plus compliquée que la distribution puisqu’il faut s’occuper de tout. La partie la plus difficile, c’est de trouver les bons artisans qui soient à la fois compétents, réalisant du travail de qualité et respectueux des délais, ce qui n’est pas toujours évident !

En général, toutes les pièces éditées par la galerie sont fabriquées en France. La raison n’est pas idéologique mais comme je fais fabriquer  les pièces une par une, ce serait compliqué de me déplacer à chaque fois pour voir chaque pièce. J’aime aller voir les fabricants, passer du temps dans leurs ateliers. D’ailleurs, nous faisons souvent les photos des prototypes terminés in-situ. Pour les clients acheteurs, je leur diffuse un making-off pour qu’ils se rendent compte du travail réalisé derrière… Pour certains clients qui trouvent le prix d’une pièce trop élevée, ce making-off les aide à comprendre la valeur et le temps de travail investi dans une pièce.

Mon métier est aussi complexe car j’édite mes pièces en séries limitées. Donc cela implique de trouver le fabricant qui accepte de produire en très petite quantité, pièce après pièce, pour des coûts de production forcément plus élevés. J’attache aussi beaucoup d’importance au contact avec le fabriquant, c’est un dialogue à trois entre moi, le designer et l’artisan. Je ne me verrai pas aller produire à la chaîne en Chine, c’est à l’opposé du projet de la galerie !  Il faut aussi avoir conscience qu’entre le projet initial dessiné par le designer et la réalisation de la pièce, le projet évolue. Il faut par exemple travailler une autre matière que celle prévue initialement, etc…

A.D.T. : Toutes les pièces éditées par la galerie sont en séries limitées ?

M.B.G. : Oui. En série limitée, voir en pièce unique ou en édition sur-mesure.

A.D.T. : Comment décidez-vous de travailler avec un designer ?

M.B.G. : Quand j’ai ouvert la galerie, c’est moi qui allais à la rencontre des designers. Aujourd’hui, c’est l’inverse. Je reçois énormément de projets, donc c’est à moi de faire le tri. Le facteur humain est décisif  puisque je ne me limite pas à exposer un meuble, je représente son créateur !

J’ai ensuite besoin de prendre connaissance des travaux déjà réalisés ou pas, puisqu’il s’agit souvent de jeunes designers, et de trouver une cohérence dans leurs différents projets. Je dis ceci car je rencontre souvent de jeunes designers qui me disent qu’ils travaillent pour plusieurs éditeurs et qu’ils ont su adapter leur travail. Or, je ne souhaite surtout pas qu’ils « adaptent » leur travail  à moi ! J’ai besoin qu’ils aient une écriture particulière très personnelle. J’attache une grande importance à la ligne. Le dessin et les matières sont capitaux pour moi. J’affectionne particulièrement le travail sur la matière, j’aime les contrastes de matières. Évidemment, je recherche une pièce qui apporte quelque chose de nouveau et qui soit aussi fonctionnelle, même si parfois on est à la limite du design et de l’art.

Galerie Gosserez, vue de l'étage

Galerie Gosserez, vue de l’étage

Galerie Gosserez, vue du sous-sol, les pièces rayonnent dans cette très belle cave voutée

Galerie Gosserez, vue du sous-sol, les pièces rayonnent dans cette très belle cave voûtée. Au 1er plan, Lampe « Tafelstukken » Daphna Laurens.

Espace de la galerie Gosserez au dernier Salon Collective Design, New York

Espace de la galerie Gosserez au dernier Salon Collective Design, New York

Votre serviteur et Marie-Bérangère Gosserez

Votre serviteur et Marie-Bérangère Gosserez

À suivre…

F.B.