Last Updated on 4 septembre 2023 by Chloé RIBOT
Pour tout amateur de meubles design des années 1950 à 1970, soit la période dans laquelle la France fut mise au défi de la reconstruction, pénétrer dans la Galerie Olivier Harlingue revenait à se retrouver dans la caverne d’Ali-Baba ! Olivier Harlingue, grâce à des choix exigeants de collectionneur averti, avait su donner une âme authentique au hangar industriel qui abritait des pièces de collection issues du meilleur du design français de cette époque.
– Olivier Harlingue, pourquoi votre choix de pièces proposées couvre exclusivement les années 50 et 60 ? Ce qui m’intéresse avant tout, c’est la structure très géométrique que l’on retrouve dans le design de cette époque. J’aime la ligne droite (rire amusé), claire, et celle-ci est tout sauf sinistre ou monotone d’ailleurs ! Ce n’est pas un hasard aussi si l’art abstrait géométrique connaît son âge d’or dans les années 50. On y retrouve la même recherche de structures géométriques ou de construction rectiligne. Moi, par exemple, je n’ai jamais été un fan du design psychédélique développé par Verner Panton à partir des années 60. J’aime les choses sobres et minimalistes.
– Pensez-vous que les jeunes générations redécouvrent cette période ?
Oui, des plus jeunes viennent visiter ma galerie alors qu’ils n’ont jamais vécu entouré par le type de mobilier que je propose, ils n’ont jamais grandi avec ces meubles…
Et puis, parmi eux, il y en a qui s’intéressent vraiment à l’histoire du design et ils finissent par découvrir progressivement les designers que je mets en avant..
– Quand je regarde votre mobilier, il est exclusivement signé par des designers français, qu’en dire ?
Effectivement, au lendemain de la seconde guerre mondiale, quand il fallut reconstruire notre pays, les constructeurs, architectes, furent mobilisés et, par voie de conséquence, les designers. Nous avons un patrimoine de créateurs très riches à cette époque : Guariche, Paulin, Motte, Guermonprez, Frydman, etc. et nous les redécouvrons aujourd’hui. Et je ne parle pas des figures de proue que sont Prouvé et Perriand par exemple…Mon travail s’axe justement sur la découverte et la promotion de ces designers encore trop méconnus mais tout aussi talentueux que ceux que le grand public cite spontanément… L’exposition « Mobi Boom, l’explosion du design en France 1945-1975 » – Musée des Arts Décoratifs Sept 2010 à Janv 2011- a marqué une étape importante dans la reconnaissance du travail des créateurs français de l’époque.
– C’est du patriotisme ?
Pas du tout, il est simplement temps de montrer autre chose que les têtes d’affiches habituelles du design que sont par exemple Eames ou Saarinen. N’ayons pas tous les mêmes meubles dans nos intérieurs, je suis pour l’expression de la diversité !
Qui connaissait il y a par exemple encore 5 ans Marcel Gascoin ?
– Quels sont vos designers favoris ?
La question est difficile ! Je dirais Pierre Guariche qui a touché à tous les types de meubles. J’ai enfin une tendresse particulière et une passion pour Georges Frydman. Je propose justement une bibliothèque de sa conception. Avis aux amateurs, si vous ou vos lecteurs possèdent du mobilier EFA de Georges Frydman ou de la documentation sur ses créations je suis preneur !
– Pourquoi avoir associé dans votre espace meubles désignés et art abstrait géométrique ?
Pour moi, cette association est évidente, la recherche géométrique dans les formes est similaire. Quand je regarde un meuble de cette époque ou un tableau abstrait géométrique, j’aime l’idée selon laquelle l’oeuvre ne laisse pas de barrière s’installer entre vous et elle. Elle se présente telle quelle sous vos yeux. Rien n’interfère.
– J’aimerais vous faire une suggestion : pourquoi ne pas associer également photo
contemporaine et meubles, votre espace s’y prête bien ?
Pourquoi pas, mais je ne me risquerai pas à le faire, je ne connais pas suffisamment cet univers pour m’y lancer. Je propose dans ma galerie une sélection pointue d’oeuvres en rapport à une époque et à un courant artistique. Ma philosophie consiste à proposer des pièces d’un univers que je connais et maîtrise parfaitement.
– Le design actuel s’inspire t-il des années d’après-guerre ?
Je regarde bien entendu ce qui se fait actuellement. Il y a des choses esthétiquement réussies, l’art abstrait géométrique continuera de vivre. En revanche, quelque chose me frappe : j’ai du mal à comprendre la frénésie dans la production d’objets design, des nouveautés sortent sans cesse. De plus, la frontière entre l’artiste et le designer s’estompe : de plus en plus d’artistes font produire en série limitée des créations originales, c’est dur de s’y repérer.
– « C’était mieux avant » en somme ?
Non, je ne tiens pas ce discours passéiste. Je constate simplement qu’à l’époque des années 50, les designers étaient investis d’une mission : produire des meubles fonctionnels s’intégrant à l’intérieur des français. Beaucoup d’entre eux étaient d’ailleurs idéologiquement très engagés dans un idéal de société. Aujourd’hui, je me pose la question du sens de ce foisonnement d’objets. J’ai l’impression que le designer est devenu, à l’instar de ce que Jean Baudrillard affirma, le porte-parole de la société de consommation. Il est bien de s’intéresser au design mais il faut savoir prendre du recul.
– Le logo de votre galerie : jaune, bleu et rouge fait clairement référence à Piet Mondrian ?
Oui, c’est une façon d’affirmer mon attachement à l’art abstrait géométrique. Pour moi, c’est une image visuelle révélatrice de l’univers de ma galerie.
– Enfin une question personnelle : vous êtes Docteur en philosophie, comment passe t-on de la philosophie à un show room ?
Petit, mes parents fréquentaient des antiquaires, puis quand j’ai su le style de meuble qui me passionnait j’ai commencé à collectionner. Le problème, c’est qu’à un moment je n’avais plus de place…alors ma galerie m’a permis d’entretenir ma passion en m’offrant un nouvel espace.
Ma formation philosophique* m’aide aussi à être ouvert et curieux et donc à défricher sans cesse de nouveaux territoires dans l’époque qui m’intéresse, et il y a de quoi faire !
*Olivier Harlingue est l’auteur de : Sans Condition. Blanchot, la littérature, la philosophie. Collection « Nous les sans-philosophie », L’Harmattan, 2009.
→ quelques-unes des merveilles proposées à l’époque de cette interview ↓
Olivier Harlingue a malheureusement arrêté son activité quelques temps après cette rencontre.
→ Pour en savoir plus sur les designers et courants artistiques évoqués :
╠ L’art abstrait géométrique
╠ Joseph-André Motte, Pierre Guariche, A.R.P, Georges Frydman, Marcel Gascoin
╠ Découvrez Piet Mondrian en vidéo ↓
F.B.
Bonjour
JE mets en vente ce jour un meuble de rangement Georges Frydman storage EFA
Photos sur demande
Seriez vous intéressé ?
Cordialement
Jacques RAOULX
Quel plaisir de voir de si jolis meubles ! A noter si vous aimez les années 50 à 70, en termes de design : un site s’est spécialisé sur cette période. Il s’agit de https://www.galerie44.com/
Merci pour votre commentaire Julie et la découverte de ce site !
J’ai pu acquérir dernièrement deux meubles EFA de Georges Frydman.
Toujours un réel plaisir de voir d’autres réalisations.
Merci pour ce rappel
Merci de nous lire Laurent !
Bonsoir
Je viens de découvrir que les meubles effa étaient en vogue. Est-ce exact ?
Merci de votre réponse
Bonjour Paule,
Je ne dirais pas qu’il y a une mode autour des meubles EFA, mais ce sont des meubles très recherchés par les
amoureux du design moderne et contemporain. Plus généralement, les meubles des années 50 et 60 dits « vintage » sont recherchés
par des collectionneurs.
Cdt.