Dans un billet de 2015, je vous avais parlé de l’exposition Italy : The New Domestic Landscape organisée en 1972 au MoMA et qui avait fait date dans l’histoire de l’architecture et du design moderne. Une nouvelle génération d’architectes et designers italiens exprimait alors avec audace leur vision d’un habitat moderne pour une jeunesse socialement décomplexée et au mode de vie plus individualiste. Face à ce foisonnement d’idées novatrices, une autre voix puissante et radicale s’opposait, dressant un constat très critique du dogme de la société de consommation.  Parmi les contestataires virulents de cette “2ème voie”, figurait l’agence d’architecture Superstudio, créée en  1966 à Florence par Adolfo Natalini (1941-2020) et Cristiano Toraldo di Francia (1941-2019). Il comprenait aussi les architectes Roberto Magris (1935-2003), Piero Frassinelli (1939), Alessandro Magris (1941-2010) et Alessandro Poli (1941). Par sa critique en règle de l’architecture moderne, à l’aide notamment de photomontages, Superstudio marqua durablement les esprits. Pour ne retenir qu’une oeuvre de l’agence, citons l’emblématique Il Monumento Continuo (Le Monument Continu), un modèle architectural d’urbanisation totale qui envahit progressivement l’espace planétaire… ↓

Superstudio : Il Monumento Continuo

Superstudio : Il Monumento Continuo, présenté en 1969, à l’occasion de l’exposition « Trigon » à Graz (Autriche). Le Monument Continu est « un modèle architectural pour une urbanisation totale ». Sa grille orthogonale est conçue pour s’étendre à l’infini et recouvrir la Terre en franchissant tous les obstacles, qu’ils soient naturels (montagnes, lacs, océans) ou construits (villes, monuments historiques).

Superstudio : le podcast

Pour vous emmener au cœur du système de pensée de Superstudio, je vous ai déniché un podcast du Centre Pompidou de 24 mns très bien fait sur l’oeuvre Il Monumento Continuo, et plus largement sur la vision de l’architecture moderne revendiquée par Superstudio. Bonne écoute !↓

Portée de l’oeuvre

Je me suis demandé si la vision de la société de consommation “super-envahissante” dénoncée par Superstudio était, 50 ans après, toujours d’actualité ? Dans sa réflexion pour requestionner l’architecture sur les relations que nous souhaitons entretenir avec l’environnement, oui certainement ! Pouvons-nous continuer à concevoir l’architecture comme avant ? Non, bien sûr. C’est le sens de l’histoire et l’urgence écologique pousse précisément les bâtisseurs à concevoir un autre rapport à la nature. ↓

Photomontage de Florence, Superstudio, 1972

Photomontage de Florence, Superstudio, 1972. La ville sous l’eau : déjà une prédiction de la montée des eaux et des océans auxquelles l’homme du XXIe siècle est confronté ?

Et j’ai pris au pied de la lettre le message de Superstudio : sommes-nous menacés par des super-structures qui avaleraient notre environnement, entre lacs, campagnes et montagnes ? Ce ruban architectural dénoncé dans Il Monumento Continuo qui avale littéralement notre espace vital existe-t-il ? Et bien force est de constater que la réponse est oui !  Pensez-donc à Dubaï et à son fameux projet Palm Islands, soit la création ex nihilo de 3 archipels artificiels sur les côtes de l’émirat, aux formes rappelant celle d’un palmier.

Vue aérienne de Palm Jumeirah, l'un des 3 archipels artificiels créés au large des côtes de Dubaï

Vue aérienne de Palm Jumeirah, l’un des 3 archipels artificiels créés au large des côtes de Dubaï. Il abrite des complexes hôteliers, balnéaires et touristiques, ainsi que des maisons individuelles pour clientèle fortunée. Réalisation du cauchemar architectural prédit 40 ans plus tôt par Superstudio ?

→ Autres photomontages de Superstudio :

 

F.B.