Last Updated on 4 septembre 2023 by Chloé RIBOT
L’avantage du tout-numérique, c’est un gain de temps certain pour effectuer un tas de démarches ; l’inconvénient, c’est qu’on cherche toujours à vous identifier avec une preuve numérique enregistrée de votre identité. Récemment encore, je me félicitais du service proposé par mon syndicat de copropriété pour consulter mon compte en ligne. Fini le papier, gain de temps et écologie… Non, au final énervement et crispation, car sitôt arrivé sur le portail client dudit syndic il fallait, évidemment, créer un compte, définir un mot de passe de 8 caractères alphanumériques minimum et papati et patata… Très peu pour moi, le papier fera bien encore l’affaire et les postiers continueront à travailler… ↓
Petit événement quotidien qui révèle à quel point nous avons besoin de nous sentir protégés en créant 36.000 mots de passe possibles et imaginables. Oui, nous vivons dans une société du risque zéro qui érige le principe de précaution en art de vivre. Alors, évidemment, pour se protéger il faut décliner son identité, enregistrer ses données personnelles, au risque justement de devenir un personnage public du web souterrain ! Souriez vous êtes filmé ! Les artistes ont bien compris cette tendance moderne à l’hyper-protection et jouent avec pour mieux la dénoncer et nous faire réfléchir. Big Brother, invention de Georges Orwell dans son roman 1984 c’était en 1949, déjà… En rapport à ce sujet du tout sécuritaire, de la peur du risque, je vous propose un florilège de propositions artistiques qui touchent aussi grandement l’univers du design et qui donnent à réfléchir…↓
→ Le designer Ruben Pater a conçu un guide qui répertorie tous les types de drones sur la base d’un manuel d’ornithologie. Le document est à l’usage des civils désireux de repérer les modèles pour s’en protéger. J’avais notamment repéré son travail lors de la Biennale internationale du Design de Saint-Etienne 2015…
→ Obsessionnel Josh Begley ? Cet artiste américain a créé l’application pour smartphone Metadata, téléchargeable sur l’App Store. Elle référencie toutes les attaques de drones… Si vous voulez le suivre sur Twitter, c’est@joshbegley. Il a sorti récemment un film-documentaire intitulé Best of Luck With the Wall, un documentaire qui compile près de 200.000 images satellites de la frontière américano-mexicaine. Extrait ci-dessous ↓
Field of Vision – Best of Luck with the Wall from Field Of Vision on Vimeo.
→ Humans since 1982 est un studio suédois – ne me demandez pas qui se cache derrière ! – signe cette très belle pièce de design détournée, un chandelier devenant un luminaire de télésurveillance à la manière de Serge Mouille !!!
→ Le duo de designers qui forme Superlife, Eddris Gaaloul et Cyrille Verdon, ont conçu une gamme de 4 objets-design qui s’utilisent en cas d’urgence. Le porte-crayon Poumon se retourne et peut-être porté comme un masque de protection. Blackout est une lampe à pied ingénieuse, la partie supérieure du luminaire est amovible et devient une lampe de poche :-)).
→ Contre les logiciels de reconnaissance faciale, l’artiste multimédia Leo Salveggio propose à qui le souhaite un masque à son image. Ce dernier est téléchargeable, il est fait en résine 3D. Intérêt : contre l’algorithme de reconnaissance, cachez son identité réelle pour apparaître sous les traits de l’artiste !
→ Timothé Deschamps et Paolo Gnazzo étudiants à La Haute Ecole d’Art et de Design (HEAD) de Genêve ont eu l’idée très ironique de « mettre sous cloche » des lieux emblématiques de la surveillance internationale, reprenant à leur compte le principe des boules à neige, histoire de renverser le point de vue ! Parmi les bâtiments utilisés, des stations radars du Grand Nord ou de l’ancienne République Démocratique d’Allemagne. L’idée a germé à l’occasion d’une série de Workshops co-dirigés par Nitzan Cohen et Daniel Zamarbide ainsi que Matali Crasset et Magdalena Gerber.
→ L’artiste et photographe Mishka Henner décode avec férocité les systèmes de cartographies visuelles qui gouverne dorénavant nos sociétés modernes. Ainsi, avec sa série Dutch Landscapes, Il montre comment l’Etat des Pays-Bas camoufle des sites militaires sensibles qui peuvent apparaître sur des images satellites : brillant !
Pour sa série de photographies No Man’s Land, Mischka Henner utilise l’application Google Sreet View et trouve des travailleurs du sexe sur les routes espagnoles et italiennes. Grâce à des données collectées sur des forums de discussion entre clients de la prostitution, l’artiste a pu retrouver les prostitués, grâce à l’interface visuelle de Google… Big Brother is Watching You !… ↓
→ Pour terminer cette sélection, place à un grand photographe contemporain allemand, Thomas Ruff, qui dans sa série Nächte (1992-1996) témoigne de l’esthétique d’une époque : celles des images enregistrées en vision nocturne, pour la 1ère fois médiatisées lors de la 1ère Guerre du Golfe (1990-1991). Thomas Ruff a photographié dans sa ville, Düsseldorf, des lieux déserts comme des parcs publics et des zones industrielles avec une technique qui nous renvoit à des images aériennes nocturnes de cibles militaires justement… Ou comment l’esthétique d’une photo imprègne un souvenir dans notre esprit… ↓
Je me suis bien amusé à faire ce billet :-)) J’espère que vous y ferez des trouvailles…
P.-S. : Il existe des imperfections quant à l’identification et la datation précise des photos de Thomas Ruff, veuillez m’en excuser.
F.B.