Suite de notre interview au Musée d’Art Contemporain de Lyon. Précédent épisode ici.

Vous m’avez parlé du Cleveland Museum of Art. Il se trouve que j’avais envie de parler de ce musée ! Cette institution, propose au visiteur dès l’entrée de concevoir, à l’aide d’une tablette numérique et suivant ses centres d’intérêt, un parcours sur-mesure. Qu’en pensez-vous ? ↓

L'histoire du MAC Lyon, version Dada

L’histoire du MAC Lyon, version Dada. Réalisation Marion Tigréat.

Muriel Jaby : D’autres musées comme le Rijkmuseum à Amsterdam vont assez loin dans leurs propositions. Le Rijkmuseum propose d’explorer en ligne sa collection et de permettre à l’internaute de constituer sa propre collection personnelle. En ce qui nous concerne, nous n’avons pas la même liberté d’action puisque nos œuvres, contemporaines, ne sont pas encore tombées dans le domaine public.
Concernent le musée de Cleveland, je ne l’ai jamais visité, je ne connais donc pas la nature de leurs contenus.
Karel Cioffi :  Il faudrait voir si ce dispositif apporte quelque chose de différent par rapport à une visite traditionnelle du musée. Ou est-ce seulement un prétexte pour visiter sous un autre angle ?
M.J. : Nos médiateurs font déjà des parcours de visite adaptés à leurs groupes.

Est-ce que le jeune public que vous recevez est plus demandeur pour utiliser des outils numériques ? K.C. : Non, pas plus le jeune public que celui des trentenaires par exemple. Au contraire, les jeunes publics suivent en général un parcours commenté dans le cadre d’une visite scolaire ou familiale. Ils n’utilisent pas plus les réseaux sociaux dans ce cadre.

M.J. : Je pense qu’en famille les nouveaux usages des tablettes vont se généraliser. En famille, on a envie de garder des souvenirs, des traces, de son passage au musée. C’est quelque chose qui se développe et que nous observons.

Pensez-vous que les approches sont différentes selon les pays ?
K.C. : Au Japon par exemple, le code QR est un incontournable des visites. Chez nous, ce n’est pas encore devenu un réflexe.

M.J. : Globalement, dans le monde anglo-saxon, il y a une vraie conscience des enjeux multimédia. Je pense à la Tate qui possède un département multimédia et où une vingtaine de personnes du musée travaillent sur la production de contenus. Leur stratégie, proactive, consiste à produire leurs propres contenus en vue de les monétiser et de constituer des banques de données importantes.

Est-ce que les contenus produits par la Tate sont faits avec une collaboration du public ?
M.J. : De ce que j’ai vu, c’est surtout du contenu développé avec les artistes et les curateurs. D’ailleurs, les gens sont curieux de savoir comment nous profitons de la présence des artistes pour coproduire, avec eux, des contenus. C’est ce qui fait partie des coulisses du musée, et ce que nous essayons de montrer.

Quels sont les espaces de dialogue, entre professionnels des musées, pour parler de l’évolution de ces pratiques ?
K.C. : Il existe de nombreuses communautés qui ont émergé sur Facebook et les réseaux en général. Il y a aussi des rencontres et des conférences qui réunissent des professionnels qui font la même chose que nous dans d’autres musées.

M.J. : Concernant les communautés, elles se sont auto-constituées, comme Museogeeks ou MuzeoNum. Il y a aussi le CLIC -Club Innovation et Culture France – qui inventorie toutes ces nouvelles pratiques.

Etes-vous sollicité par des entreprises désireuses de tester leur technologie dans l’espace muséal ?
M.J. : Oui. Nous avions par exemple été contactés par une société dans le cadre d’un appel à projet avec le Ministère de la Culture et de la Communication. Plus récemment, nous avons été contactés par une entreprise spécialisée sur les images en 3D. L’art contemporain permet d’imaginer des choses nouvelles, c’est un terrain propice à l’innovation. Nous faisons appel à du mécénat quand nous ne sommes pas sûrs de pouvoir concrétiser la partie technique d’un projet. Par exemple, Cela a été le cas pour la façade du musée couverte d’une grande œuvre de Robert Combas et réalisée à l’occasion de la rétrospective Greatest Hits .

Effectivement, à chaque fois que je passe devant, je me demande comment vous avez fait pour couvrir la façade…                                                                                              

M.J. : On a dû trouver un mécène qui s’est penché sur la faisabilité du projet. Nous voulions aussi que ce personnage de Combas puisse rester dans le temps. Notre partenaire était aussi intéressé par la nouveauté du projet. C’était la première fois qu’il utilisait un matériau dans ces conditions. Il a donc testé une solution technique nouvelle qu’il pourra réutiliser. Si cet exemple dépasse le champ numérique, il illustre le fait que nous soyons parfois démarchés par des entreprises. ↓

 

MAC Lyon, façade principale

MAC Lyon, façade principale

Avant de conclure, j’ai envie de vous demander à toutes les deux à quoi ressemblerait le musée du futur ?                                                                                                                  

M.J. : Vaste question ! Je pense qu’il s’agit d’un musée qui irait bien au-delà de ses murs. Le musée n’est plus seulement un bâtiment physique que l’on visite. Cette « extériorisation » peut se traduire de plein de façons différentes.                                                                                                    

K.C. : Oui, le musée s’affranchit de ses murs.

M.J. : L’important c’est de rester à l’écoute de la société et de ses évolutions, d’éviter l’immobilisme. L’art contemporain est en vogue, les sites patrimoniaux l’ont compris en organisant des expositions dans leurs murs. C’est l’avantage de l’art contemporain : être en phase avec l’air du temps.

Muriel Jaby et Karel Cioffi, nous vous remercions pour cet entretien passionnant ! A bientôt pour les futures expositions du MAC.
M.J. : Et nous proposons cette année des projets tout azimut, de la moto  au Brésil !

Overall Montage, Gallery One/Cleveland Museum of Art from Local Projects on Vimeo.

→ A noter qu’à l’occasion des 5èmes Rencontres Nationales Culture & Innovation(s), Jane Alexander, Directeur des systèmes d’information du Cleveland Museum of Art a répondu aux questions du Clic France.

Des commentaires, réactions, suite à cette série d’interviews au MAC Lyon ? Je suis à votre écoute…

F.B., A.B. & S.O.