Last Updated on 23 avril 2021 by Frédéric CHATEL
La suite de mon interview avec Stéphane Degroisse, chargé du site Internet et des nouveaux médias du Musée des Beaux-Arts de Lyon. Dans cette partie, Stéphane nous révèle que le Musée s’affichera bientôt sur le Google Art Project. Pour retrouver les 3 premiers épisodes : 1-Applications numériques au musée, quels enjeux ? La stratégie numérique du Musée des Beaux-Arts de Lyon #3 2-Comment le Musée des Beaux-Arts de Lyon écoute les nouveaux usages culturels des internautes ? (#2) 3- La stratégie numérique du Musée des Beaux-Arts de Lyon #1
Art Design Tendance : Vous avez mis en ligne sur le site internet du musée le site web Histoires des Arts – Collection du XXe siècle, pourquoi un tel projet ?
Stéphane Degroisse : Nous avons créé ce site en lien avec l’Éducation Nationale pour répondre aux besoins pédagogiques des classes de 3ème des collèges qui abordent maintenant l’histoire de l’art et notamment l’art du XXe siècle en cours. Nous avons bénéficié d’une subvention de 20.000 € de la DRAC pour développer ce projet. Nous avons enregistré 10.000 visiteurs/an sur la 1ère année et 42.000 pages vues. Il a fallu tenir compte des contraintes juridiques, notamment le droit à l’image, (8.000 € de droits photos) pour une période d’exploitation de 5 ans.
Nous proposons par ailleurs l’expérience saisissante de visualiser 15 chefs-d’œuvre de la collection en zoomant dessus, pour une immersion en gigapixels dans les tableaux. Le dispositif est disponible depuis le site web du musée et sur les tablettes (1) mises à disposition à l’accueil. Pour autant, ce principe de réalité augmentée ne plaît pas à tout le monde, c’est pourquoi nous restons exigeants dans la variété de nos propositions pour qu’elles touchent le plus large public possible.
A.D.T : Justement la réalité augmentée parlons-en, elle fait partie de l’offre du Google Cultural Institute via le Google Art Project (2) qui commence maintenant à proposer en ligne les plus grandes collections des musées internationaux. Souhaitez-vous exposer les collections du musée sur ce média en ligne ?
S.D. : Je les ai rencontrés il y a 2 semaines. Cela fait 4 ans que nous travaillons à une convention entre la direction juridique de la ville de Lyon et Google mais la Direction juridique ne nous donnait pas son accord. Un point en particulier est compliqué à gérer : la numérisation des œuvres. D’autres questions, sur un plan éthique notamment, se sont posées : comment va être exploitée notre patrimoine culturel et l’ensemble de nos données ? À quels desseins ? Bref, après beaucoup d’allers-retours de contrats d’assurance et de discussions, la ville de Lyon a finalement donné son accord en septembre dernier pour permettre au musée d’avoir une visibilité exceptionnelle sur ce média.
Google propose 3 mises en avant du musée : une visite en street view de salle en salle (nous prévoyons une venue des équipes Google début juin). Deuxièmement, intégrer des fiches d’œuvre du musée (jusqu’à 100). Je vais m’atteler en avril à mettre en ligne une trentaine des chefs-d’œuvre du musée (avec traduction des 30 fiches d’œuvres traduites en 9 langues). Enfin, une photo en gigapixels est proposée dans le Google Art Project ; nous avons choisi Nave nave mahana, de Paul Gauguin, œuvre emblématique du musée, qui entre dans les collections dès 1913. C’est le premier tableau de Gauguin acheté par un musée français. C’est alors une initiative remarquable car, en ce début du XXe siècle, le style de Gauguin n’est pas toujours très bien accueilli par le public ni même par les connaisseurs.
Le projet culturel de Google rejoint une des missions de notre institution : permettre l’égal accès à tous à la culture. C’est une chance de toucher un public mondial qui ne se déplacera peut-être jamais dans notre musée. Ou s’il a la chance de venir séjourner en France, peut avoir envie de venir à Lyon visiter la ville et le musée des Beaux-Arts de Lyon.
Google doit venir au musée filmer l’ensemble des salles, excepté les collections du XXe siècle. Le jardin et le cloître devraient être de beaux arguments de mise en valeur de l’institution.
A.D.T. : Les pratiques de visite ont-elles évolué avec l’émergence de nouveaux outils numériques ?
S.D. : Si la question est de savoir combien de personnes qui nous suivent sur Facebook viennent au musée ? Je n’ai pas la réponse. Pour le dire, il faudrait soit réaliser une enquête in-situ, soit lancer une invitation pour une soirée exclusivement réservée à nos fans Facebook. Ils sont plus de 230.000 ; pour des raisons évidentes de sécurité et de circulation dans le musée, la direction ne souhaite pas s’y risquer.
Nous avons organisé une soirée thématique gratuite « spécial étudiants » en nocturne, diffusée par les étudiants eux-mêmes comme un événement sur Facebook. Les nocturnes réunissent en général de 600 à 900 visiteurs dans une soirée. Et bien, nous avons enregistré 3.500 visiteurs en 2015 ! La 2ème édition qui s’est tenue le 4 mars dernier a rassemblé 2.000 personnes : deux changements. De gratuite, la soirée est passée à 3€ ; et la pluie diluvienne de ce soir-là a dissuadé les visiteurs potentiels de venir. Cela dit, c’est un vrai succès et nous renouvellerons l’expérience les années à venir.
Concrètement dans les salles, ce qu’on peut observer, c’est que les visiteurs prennent énormément de photos. C’est une nouvelle façon de s’approprier les œuvres, les collections permanentes comme les expositions. Et de nombreux tweets et photos sur instagram le démontrent. Le but est aussi d’interagir avec le musée avec @mbalyon sur twitter et #mba_lyon sur Instagram. Nous essayons d’interagir au maximum avec nos visiteurs.
A.D.T. : Plus précisément, les comportements ont-ils évolué pendant les visites ?
S.D. : Certains visiteurs notamment les touristes font énormément de selfies. Nous avons eu des réactions de visiteurs sur Twitter et Facebook, agacés par ces pratiques. Si vous ajoutez à cette gêne le réel danger que représente une perche à selfie pour les œuvres, nous avons interdit les perches à selfie.
En revanche, il est impossible d’interdire la prise de photos, c’est une évolution actuelle de la pratique culturelle des humains, des touristes, des visiteurs de musées. Il est préférable d’encadrer ces pratiques par quelques règles, notamment la charte Tous photographes que nous affichons à l’entrée du musée.
L’exposition actuelle : Autoportraits : de Rembrandt au Selfie », jusqu’au 26 juin prochain est une exposition organisée en partenariat avec deux autres institutions européennes, la Staatliche Kunsthalle de Karlsruhe, les National Galleries of Scotland à Edimbourg. Cet exemple montre que même dans la conception des expositions, nous prenons en compte les nouveaux usages ! Pour autant, sur la totalité des visiteurs, les photographes amateurs ne sont pas si nombreux, c’est à relativiser.
(1) Le musée met à disposition du public 15 tablettes pour découvrir les collections, en français et en anglais, avec les applis Musée des Beaux-Arts de Lyon et Parcours Thématiques.
(2) Le Google Art Project est un service mis en ligne par le Google Cultural Institute en février 2011, permettant de visiter virtuellement différents musées à travers le monde entier, parmi les plus prestigieux.
Fin du 4e épisode, dernier volet de l’interview à suivre…