Last Updated on 17 avril 2021 by François BOUTARD
Suite de l’interview avec Bénédicte Chevallier, directrice de Mécènes du sud, une association qui fédère des chefs d’entreprises pour aider à la reconnaissance des artistes contemporains qui travaillent sur le territoire marseillais .
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Art Design Tendance : Comment avez-vous rebondi justement après 2013 ?
Bénédicte Chevallier :
Pour aborder « l’après Capitale », nous avons réuni, en 2014, un Comité Stratégique qui a pris la décision de resserrer le mécénat autour de l’art contemporain. Pourquoi ? Nous trouvions difficile de continuer à apporter un soutien dans différentes disciplines du fait de l’arrivée et du développement local d’institutions culturelles comme le MUCEM ? la Villa Méditerranée, le Fonds Régional d’art contemporain Provence-Alpes-Côte d’Azur (FRAC PACA) ou Le Panorama, et ce dans un contexte de baisse des subventions allouées par l’Etat à la création.
Nous avons aussi décidé de consacrer la moitié du budget annuel de mécénat à la coproduction d’une grande exposition par an (2). Ce qui représente un budget de 40.000 à 50 .000 euros. Autour de cette exposition, nous effectuons un travail pédagogique auprès des mécènes et de leurs collaborateurs. Nous faisons le choix de cette coproduction nous mêmes, avec une vision à la fois stratégique et un regard artistique.
L’autre moitié du budget permet de financer l’appel à projets. Par ailleurs, nous soutenons le salon international d’art contemporain ART-O-RAMA et celui du dessin contemporain Paréidolie. Et nous développons des résidences d’artistes en entreprises. Je suis d’ailleurs en train de travailler au « mariage » entre des étudiants de l’Ecole des Beaux-Arts de Marseille et des entreprises…
A.D.T. : Consacrer la moitié du budget à une exposition, n’est-ce pas un peu risqué ?
B.C. : Nos choix suivent une logique qui au contraire nourrit un récit intéressant pour l’association. En 2014, nous avons ainsi coproduit l’exposition DÉFENSE YOKOHAMA de l’artiste Marie Reinert au FRAC PACA. Nous connaissions l’artiste puisqu’elle avait été lauréate Mécènes du sud en 2008 et 2012, des projets qui avaient au gré de la rencontre pris appui sur le dispositif des résidences en entreprises. La résidence Roll-On, Roll-Off, notamment, réalisée avec la Compagnie maritime Marfret a connu un tel succès que le FRAC PACA a souhaité monter une exposition consacrée au travail de l’artiste, celle précisément de 2014 que nous avons coproduite…
En 2015, nous avons soutenu l’artiste Gilles Barbier pour son exposition personnelle ÉCHO SYSTÈME à la Friche la Belle de Mai, qui a été accueillie ensuite au National Museum of Modern and Contemporary Art de Séoul. Un choix là aussi évident, car Gilles Barbier vit et travaille à Marseille. Or, il s’agit d’un artiste établi et reconnu, mais très peu connu du grand public localement… Une occasion que nous ne pouvions laisser passer.
A.D.T. : Comment se passe la sélection pour l’exposition ?
B.C. : Je réunis un petit comité avec les membres de Mécènes du sud les plus éclairés, et je demande le regard extérieur, consultatif de Josée Gensollen, collectionneur qui préside notre Comité Artistique. Nous recevons individuellement chaque porteur de projet.
A.D.T. : Comment, concrètement, les entreprises de Mécènes du sud vivent ce lien avec le monde de l’art ?
B.C. : C’est un autre volet important de l’association. Nous organisons des conférences sur l’art ouvertes aux salariés des entreprises mécènes. Nous en organisons deux par an. Cette année, exceptionnellement, nous en avons ouverte une au grand public, au MUCEM, car le conférencier invité venait de loin et que le recevoir de manière privée aurait relevé d’un contresens par rapport à son propos intégratif. Nous avons reçu plus de 350 personnes pour l’occasion. Nous avons aussi reçu Chantal Crousel, par exemple, une galeriste parisienne qui compte.
Depuis le mois de janvier dernier, nous organisons une fois par mois des rencontres intimistes entre les mécènes et des acteurs de l’art, de façon à comprendre comment ce « milieu » fonctionne. Par exemple, prochainement, Erick Gudimard, Directeur du Centre Photographique de Marseille, viendra parler de son projet de monter une foire de la photographie en août (Polytique). Ce format permet véritablement aux chefs d’entreprises de s’impliquer dans la rencontre.
Nous organisons des voyages et des sorties culturelles à destination des mécènes. Un voyage international est programmé chaque année, deux maintenant si l’on compte l’antenne Mécènes du sud Montpellier-Sète qui en organise un ouvert à tous les mécènes. Deux voyages, cette fois-ci au niveau national, ont également lieu chaque année. À cela s’ajoute des sorties en région, ce qui fait un agenda copieux !
Evidemment, l’une des questions qui se pose est quelle est la place de l’art dans un agenda d’entreprise. Les résidences d’artistes prennent alors tout leur sens pour rapprocher, plus naturellement, le monde du travail de celui de l’art. La résidence projette l’artiste en terrain inconnu. De son côté, l’entreprise qui accueille l’artiste a l’opportunité de se remettre en question sur différents plans : son rapport au travail, à l’art, sa relation à l’esthétique et à la condition d’artiste par exemple. Nous en avons développé et coproduit 9 cette année dans le cadre de Quel Amour ! la réplique de l’année capitale…
(2) Depuis 2014, Mécènes du sud a financé et coproduit les expositions suivantes :
2014 – DÉFENSE YOKOHAMA – Exposition personnelle de Marie Reinert au FRAC PACA, Marseille.
2015 – ÉCHO SYSTÈME – Exposition personnelle de Gilles Barbier à la Friche la Belle de Mai, Marseille puis au National Museum of Modern and Contemporary Art, Séoul.
2016 – IRISATIONS – Exposition collective d’art numérique à la Fondation Vasarely et à la Cité du Livre, Aix-en-Provence.
2017 – OLT – Exposition des artistes Olivier Mosset et Jean-Baptiste Sauvage à l’Espace de l’Art Concret à Mouans-Sartoux (06).
Fin de la 2ème partie de l’interview – Dernière partie à venir…