Dernière partie de mon interview avec Bénédicte Chevallier, directrice de Mécènes du sud, un collectif d’entrepreneurs pour stimuler la création artistique contemporaine. 

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Art Design Tendance : Combien y a-t-il d’entreprises membres de Mécènes du sud ?

Bénédicte Chevallier : Chez nous à Marseille cinquante, à Montpellier-Sète trente.

A.D.T. : Pourquoi avoir lancé un club sur le territoire de Montpellier-Sète ?

B.C. : Il s’agit d’une opportunité que nous avons saisie, ce n’était pas du tout prémédité. À l’occasion d’une conférence à laquelle nous étions invités à Montpellier, une auditrice a trouvé le concept génial et a souhaité le reproduire dans sa région. Un Mécènes du sud Paris avait été amorcé, mais dans ce cas précis, les porteurs du projet sont allés jusqu’au bout de leur démarche. Nous les avons accompagnés en leur confiant la marque. Finalement, les deux territoires sont suffisamment éloignés pour que chacun puisse développer ses projets indépendamment, et en même temps nous avons une grande affinité que nous partageons lors des voyages.

A.D.T. : Est-ce exactement le même fonctionnement que Mécènes du sud à Marseille ?

B.C. : Oui, à la seule différence qu’un mécène a mis à disposition de l’association un lieu d’exposition dans lequel nous avons fait une exposition inaugurale pour lancer la programmation du club (3). Un appel à projets curatorial, doté d’un financement, est organisé chaque année pour ce lieu. ↓

Visite virtuelle – exposition “La convergence des antipodes” from Mécènes du sud on Vimeo.

A.D.T. : Est-ce que le fait d’être mécène pour une entreprise a des répercussions ?

B.C. : À ma grande satisfaction, des membres s’autonomisent. Par exemple, un mécène qui était un peu distant avec l’art a eu une « révélation » au cours d’un de nos voyages organisés. J’insiste sur le fait que ces voyages sont de véritables voyages d’études et ne se résument surtout pas à la visite de musées, nous allons en profondeur des choses. La programmation est très éclectique et les mécènes ont le rôle de représenter le club face aux différents interlocuteurs qu’ils rencontrent.

La femme du mécène en question a décidé de faire quelque chose pour que les jeunes diplômés d’écoles d’art ne quittent plus Marseille. Ainsi, durant la manifestation ART-O-RAMA, elle ouvre un espace de 450 m2 et programme un jeune artiste avec une grande qualité. Ce couple, devenu des passionnés, a notamment ouvert un lieu d’exposition à Marseille, La Cartine, et soutient de nombreux projets artistiques !

Je viens d’accompagner une résidence en entreprise pour laquelle j’avais conçu un mariage sur les antipodes ! La résidence s’est très bien passée. Les clichés et préjugés de l’entrepreneur sur l’artiste sont tombés. Ce mécène a reconnu l’implication et la méticulosité extrême de l’artiste dans son travail, des qualités qu’il met en pratique dans son entreprise et qui au final, l’ont rassuré sur le sens de son engagement dans Mécènes du sud.

A.D.T : Comment se décide le « mariage » entre l’artiste et l’entreprise pour la résidence ?

B.C. : Je procède par intuition en évaluant la capacité d’absorption d’un mécène pour une expérience déstabilisante d’une part, et d’autre part le terrain créatif que représente l’association entre le mécène et l’artiste. Mais j’associe souvent des personnalités a priori antinomiques. J’ai par exemple associé un artiste qui peut passer des heures à dessiner une scène d’extérieur en enlevant progressivement le superflu du paysage urbain pour tendre vers un paysage abstrait architectural, à une entreprise qui fabrique des emballages périssables sur lesquels sont imprimées des publicités. Et je me suis demandé ce qu’un artiste qui travaille en extérieur, dont le travail est guidé par une certaine recherche de pureté, va bien pouvoir faire dans un endroit confiné, confronté à une entreprise dont le métier est de communiquer « à outrance » sur des produits destinés à la consommation ? Or, une connexion rapide s’est établie entre les deux sur les outils techniques d’impression. L’artiste a par exemple détourné les machines de l’entreprise pour réaliser des gravures, ce fut une expérience incroyablement enrichissante pour les deux parties.

Art Design Tendance : Bénédicte, je vous remercie pour le temps que vous avez bien voulu me consacrer pour cette interview.

Propos recueillis à l’occasion du PAC 2018, Marseille, Mai 2018.

(3) Exposition inaugurale de Mécènes du sud Montpellier-Sète :

La Convergence des antipodes

Commissariat : Bénédicte Chevallier avec : Pauline Bastard, Vincent Beaurin, Robin Decourcy, Anne-Valérie Gasc, Cari Gonzalez-Casanova, Pierre Malphettes, Stéphanie Nava, Marie Reinert, Moussa Sarr, Alexander Schellow.

Lieu : Mécènes du sud, 13 rue des Balances – Montpellier.