Last Updated on 23 avril 2021 by Frédéric CHATEL
La suite de mon interview avec Stéphane Degroisse, chargé du site Internet et des nouveaux médias du Musée des Beaux-Arts de Lyon. Un entretien pertinent pour comprendre comment le Musée des Beaux-Arts écoute les nouveaux usages culturels des internautes et investit le mobile…
Art Design Tendance : Quelles interactions entretenez-vous avec les communautés qui vous suivent sur les réseaux ?
Stéphane Degroisse : Pour nous musée, c’est déjà l’opportunité d’avoir un retour sur la façon dont nous communiquons sur un événement comme une exposition temporaire. Les internautes nous disent ce qu’ils aiment voir mis en scène. Dès 2007, notre site web était dépassé par le phénomène interactif que génèrent des plateformes comme Facebook. Les internautes ne mettent plus de sites dans les favoris de leur navigateur, elles surfent sur les pages Facebook des musées ou mieux reçoivent les infos souhaitées sur leur fil d’actu.
La grande force de Facebook, c’est d’être un « agrégateur d’affinités ». Le réseau nous permet de rentrer en contact avec des personnes aux centres d’intérêts très divers, dont la culture peut faire partie, ce que permet beaucoup moins de faire notre site web. Il s’agit d’une cible élargie sur laquelle nous pouvons communiquer et adapter nos offres. Je prends un exemple très simple : une personne qui aime notre page Facebook et qui suit des pages de cinéma sur Lyon pourra être potentiellement intéressée par une visite en nocturne du musée. Cette question de l’horaire d’accessibilité du musée a nourri notre réflexion pour proposer en interne et la programmation culturelle du musée s’est adaptée. Des plages horaires avec plus d’amplitude horaires et donc accessibles à un public d’actifs. Des nocturnes, mais aussi la duplication des visites familiales du dimanche matin qui étaient prises d’assaut le matin sont aujourd’hui dupliquées l’après-midi !
L’écoute des réseaux sociaux pousse justement à adapter voire à réinventer l’offre muséale en fonction des remarques et des attentes. Les médias sociaux ont ceci d’intéressant qu’ils sont un baromètre des usages de notre temps. Le musée a ainsi évolué pour proposer une offre aux visiteurs plus riche, mais restant cohérente.
A.D.T. : Avez-vous remarqué des communautés différentes suivant les réseaux sociaux utilisés ?
S.D. : On peut dire que Twitter engage plus une communauté de professionnels de l’art, de passionnés d’art, de technophiles, mais aussi de lyonnais amoureux de leur ville. D’ailleurs, la cible est plus restreinte avec 19 300 abonnés contre plus de 200.000 fans pour Facebook. Autre distinguo : l’origine des gens qui nous suivent. Sur Twitter, cela reste franco-français alors que Facebook engage en-dehors des frontières nationales. Sur 230.000 fans, nous avons 50 000 français dont 15 000 lyonnais, le reste est d’origine étrangère.
Les deux médias sont différents. Sur Twitter l’engagement est plus fort, contrairement à un « like » sur Facebook. Vous diffusez un contenu textuel et moins un contenu d’image, l’engagement n’est pas le même et les twittos peuvent réagir très vite ! La prise de parole avec un contenu culturel sur Facebook présente moins de risques. Sur Twitter, le texte limité à 140 caractères peut conduire aussi à mal interpréter le sens d’une interaction avec un tweet par exemple. Il faut rester vigilant.
A.D.T. : Et Pinterest alors ?
S.D. : On a enregistré de bons retours sur des visuels de visites à l’aveugle, sur des tableaux de Soulages (1) ou des caricatures de Daumier. La viralité du réseau fonctionne par thématiques : les escaliers du musée, les plus belles affiches d’exposition, des œuvres détournées, etc. C’est un réseau de « niche ». Mais la priorité est donnée aux réseaux sociaux qui dominent le marché, Facebook, Twitter et Instagram aujourd’hui.
A.D.T. : Comment préparez-vous les stratégies futures sur les réseaux ?
S.D. : Nous regardons avec attention les outils statistiques fournis par chaque réseau. Un exemple : sur Facebook avec plus de230.000 fans dont seulement 50.000 français, devons-nous continuer de communiquer exclusivement en français ? Bien évidemment, j’observe avec attention les événements organisés sur les réseaux. Pour la journée sur twitter #Askacurator (2), j’ai fait le constat que le musée des Confluences communiquait en anglais, la question se pose ainsi à nouveau… Autre question que nous envisageons : nous rentrons en relation avec 15 000 lyonnais, quelle stratégie développer sur cette cible géolocalisée dans le Grand Lyon ? Sur cette question, nous venons d’ailleurs de tester une campagne ciblée sur Facebook.
A.D.T. : Qu’est-ce que le Musée des Beaux-Arts propose comme outils avant une visite physique ?
S.D. : Concernant les collections permanentes, nous nous plaçons toujours du côté de l’usager pour envisager notre façon de communiquer. Apple avec son iPhone a révolutionné la façon dont on consomme Internet. Aujourd’hui, comment ne pas prendre en compte les 30% de visiteurs de notre site internet qui se connectent via un smartphone ou une tablette et nous allons vers une explosion de la consultation sur mobile. C’est pourquoi, dès 2011, nous avons lancé l’application Musée des Beaux-Arts de Lyon, disponible sous Apple et Androïd. L’application présente le musée dans ses grandes lignes avec ses 5 grandes collections. Nous enregistrons plus de 10.000 téléchargements par an.
Lorsque nous avons lancé notre première application, nous avions l’idée de proposer une application au contenu très complet sur l’ensemble des collections. Nous avions en tête le slogan : « 5000 ans d’histoire dans sa poche » ! Or, nous nous sommes aperçus que ce modèle n’était pas adapté à l’usager qui n’a pas franchement envie de « surcharger » la mémoire de son smartphone avec une application supplémentaire ! Ce ne sont pas les applications avec les contenus les plus lourds qui intéressent les gens.
Les modèles d’application qui fonctionnent bien aujourd’hui sont de type « Freemium » c’est-à-dire que l’utilisateur télécharge gratuitement l’application (relativement légère au départ), a accès aux informations essentielles (horaires, parcours de visite suggérés, visite guidée) mais paye ensuite en fonction des sujets qui l’intéressent, souvent des parcours thématiques. Il s’agit donc d’un modèle d’application mobile qui fournit un accès gratuit au logiciel pour y effectuer des achats à l’intérieur par la suite. On est clairement dans une stratégie de contenu personnalisé.
(1) Le musée a organisé du du 12 octobre 2012 au 28 janvier 2013 une grande exposition consacrée à l’artiste avec une trentaine d’œuvres, dont plusieurs tableaux inédits.
(2) Journée annuelle organisée sur twitter pour permettre aux internautes de poser des questions aux experts des musées avec le hashtag #Askacurator
Fin du 2ème épisode, à suivre…