Last Updated on 17 avril 2021 by François BOUTARD
Monsanto, une rivière rouge en héritage
Il y a des photographies qui marquent, il y a des expositions « coup de poing»… Celle-ci en est une. D’ailleurs, à voir la tête des visiteurs déambulant à mes côtés et qui découvrent, effarés comme moi, les ravages de la production chimique organisée à grande échelle pendant 40 ans par la multinationale Monsanto dans la ville d’Anniston en Alabama, le dégoût vous saisit rapidement. Dehors, il fait bon en ce mois d’août, déambuler dans les petites ruelles d’Arles est un régal…
Le photographe franco-vénézuelien Mathieu Asselin a enquêté durant 5 années sur la firme agrochimique Monsanto et les conséquences, nombreuses et néfastes, de ses activités chimiques. Il a posé son appareil à Anniston, ville modeste du Sud des Etats-Unis dans l’Alabama où le roi du Roundup a produit, entre 1929 et 1971, 308.000 tonnes de PCB (nom générique pour polychlorobiphényles, des liquides plus ou moins visqueux, toxiques, écotoxiques et reprotoxiques). Selon l’Agence Américaine de Protection de l’Environnement, sur ces 308.000 tonnes produites, 27 tonnes ont été émises dans l’atmosphère, notamment lors du transfert du PCB brûlant dans des réservoirs divers, 810 tonnes ont été déversées dans des canalisations d’évacuation des eaux terminant dans le canal de la Snow Creek et 32.000 tonnes de déchets contaminés ont été déposés dans une décharge à ciel ouvert, située sur le site de production alors même que l’usine est proche de quartiers résidentiels. ↓
Ce rouge est saisissant, de même que d’autres photographies, certaines en grand format, qui se succèdent. L’exposition confrontent intelligemment les dégâts écologiques et humains induits par les activités chimiques de Monsanto, avec de nombreux documents publicitaires de la firme américaine qui promet prospérité et santé. ↓
Du rouge dans l’art contemporain
Cette plongée dans une rivière rouge m’a rappelé un autre rouge, celui des révolutions africaines et en particulier une exposition passionnante sur l’histoire tumultueuse et récente du Burkina Faso. L’artiste Frédérique Lagny exposait son travail : Ordre et désordre – MANIFESTE à la galerie marseillaise La Compagnie. Elle mène depuis une dizaine d’années un travail d’investigation dans ce pays. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’histoire du Burkina Faso est loin de s’écouler comme un fleuve tranquille… Le pays vit au rythme de coups d’état successifs. 2 figures tutélaires pourtant se détachent dans son histoire récente : Thomas Sankara, le « père » du pays puisque c’est lui qui le baptisa de la sorte en 1984 (regardez votre collection de timbres avec la Haute-Volta :-)) ; puis Blaise Comparoé qui prit le pouvoir à la faveur d’un coup d’état en éliminant Sankara. Blaise Compaoré est élu président de la République le 1er décembre 1991 (taux d’abstention 74 % !). Il est réélu en 1998, 2005 et en 2010 et tenta de modifier la constitution en 2014 pour pouvoir se représenter en 2015… Ce qui ne passa pas aux yeux du peuple qui se révolta et le chassa du pouvoir.
Il est passionnant d’écouter Frédérique Lagny parler de l’histoire de ce pays. Dans sa série Ordre et Désordre, elle s’intéresse aux monuments gigantesques qui ornent les places et les rond-points dans les villes de Ouagadougou et Bobo-Dioulasso au Burkina Faso. Ces monuments racontent l’histoire du pays, souvent à l’image des régimes dictatoriaux et marxistes qui l’ont jalonnée : grandes places, immenses statues et colonnes, etc.. Elle réalise ainsi une suite de sérigraphies de ces monuments en grossissant le trait, employant une trame noire, sur des aplats aux couleurs du drapeau burkinabé (rouge, jaune, vert). Et c’est précisément l’emploi du rouge sang pour le Monument aux Héros Nationaux de Ouagadougou qui m’a saisi. La couleur, très forte, fige des moments dramatiques de l’histoire du pays…↓
F.B.
Merci pour la découverte de Mathieu Asselin.
En écho à votre article, une autre contribution artistique : plasticienne engagée, j’ai réalisé une oeuvre sur la responsabilité des grands groupes industriels dans la pollution atmosphérique et aquatique que je viens d’exposer en Pologne. Monsanto est en 1ère place. A découvrir : https://1011-art.blogspot.com/p/poisons.html
Bonjour Laurence,
Merci infiniment d’avoir découvert le travail de Mathieu Asselin sur le blog.
Et merci pour la découverte de votre travail !
Cordialement.
François.
Dans la continuité logique de la pollution encore et toujours, notamment aux néonicotinoïdes, Je débute une nouvelle série sur ce sujet. Une série de dessins au crayon de couleur évoquant, par une suite d’abeilles mortes, la pollution par les substances chimiques et les pesticides utilisés dans l’agriculture. A découvrir : https://1011-art.blogspot.com/p/vous-etes-ici.html
Cette série sera présentée dans le cadre des Rencontres Philosophiques d’Uriage en octobre 2019 répondant à la question « L’art peut il changer le monde ? »
Merci pour votre contribution Laurence !
Cdt.