Alors que je découvrais avec intérêt un jour de juillet dernier le projet d’accrochage commun Penser en formes et en couleurs (6 juin 2019 – 5 janvier 2020) entre le MAC Lyon (Musée d’Art Contemporain de Lyon) et celui du MBA (Musée des Beaux-Arts de Lyon) accueilli au sein de ce dernier, une visiteuse m’alpagua avec véhémence pour me demander : “Que trouvez-vous donc à cette oeuvre ? ” (comprendre une oeuvre de François Morellet comprenant une installation de néons). Elle avait dû m’observer prenant des notes ;-)) Je sentis dans sa question le ton du défi. Je lui répondis pourquoi j’aimais l’oeuvre, mais pas que… La conversation s’engagea en effet, toujours sur le ton du questionnement, sur l’intérêt de l’art contemporain. Du coup, je lui comptais ma découverte progressive de certains artistes et surtout argumentais sur mon intérêt pour la peinture contemporaine, les installations, etc. En somme, tout ce que j’avais découvert depuis 2012, date du début de mon investigation dans la discipline que l’on nomme “art contemporain”, et les débuts de ce blog. Au fur et à mesure de mes explications, je sentis mon interlocutrice se détendre. Pourtant, je m’aperçus que compagnon la retenait par l’épaule et semblait s’adresser à moi en m’indiquant “Excusez-là, on vous dérange…”. Un geste qui me fit comprendre que la discussion était tout sauf neutre… Comment diable interpréter cet événement ? Incompréhension pour les œuvres accrochées et l’art contemporain en général ? Mépris pour la discipline ? Pourquoi donc exposer des œuvres contemporaines dans un musée des Beaux Arts ? La confrontation des collections anciennes et contemporaines interrogent !…↓

Le MAC Lyon et le MBA réunis en un même pôle muséal

Cet accrochage commun, décidé et voulu par les directrices des 2 institutions (Isabelle Bertolotti & Sylvie Raymond) est tout sauf le fruit du hasard. Lorsque Thierry Raspail, le directeur historique du MAC Lyon qui a créé la collection du musée (au départ il n’y avait rien !) et la Biennale d’art contemporain est parti en retraite l’année dernière, nous apprenions la création d’un nouveau pôle des musées d’art de la Ville de Lyon. Et puisqu’il serait dirigé par Sylvie Raymond, la directrice du MBA, je m’interrogeais sur l’indépendance de l’institution MAC Lyon.

Dans un article de la revue Artpress * du mois de septembre, Catherine Millet, la cofondatrice du magazine historique pour l’art contemporain en France, interroge justement les 2 directrices sur la vocation et l’intérêt de ce pôle muséal. Outre la complicité évidente des 2 femmes, la création du pôle retient mon attention sur plusieurs arguments.

Tisser des correspondances entre les œuvres

Ces arguments sont :

  • Posséder une “force de frappe” plus lourde pour faire rayonner les 2 institutions à l’international
  • Démontrer que Lyon possède un fonds artistique unique avec des collections qui vont de l’Antiquité à la période contemporaine
  • La possibilité, par des accrochages qui mêle les 2 collections, de raconter une histoire de l’art qui n’est plus linéaire mais noue des liens
  • Ouvrir des passerelles thématiques entre les 2 collections. Un art ancien pratiqué et collectionné est souvent réinterprété, rejoué par les artistes contemporains (ex : céramique)
  • Une politique d’achat des œuvres commune et donc, on l’imagine, des moyens financiers plus importants pour acheter des œuvres

Alors oui, je suis rassuré ;-)) Et j’avoue que l’idée est très séduisante sur le papier. On ne me fera pas dire le contraire sur un blog où la confrontation de l’art contemporain dans des lieux patrimoniaux est encouragée ! Cet état des lieux faits, l’interview réalisée par Catherine Millet amène un élément auquel je n’avais pas pensé jusqu’alors. La collection du MAC Lyon est surprenante pour un musée parti de zéro en 1984. Acheter une oeuvre contemporaine, c’est faire un pari sur l’avenir et le musée en a gagné quelques-uns ! Pensons ainsi que le MAC possède dans ses collections l’oeuvre de Lucio Fontana, Ambiente spaziale, de 1967. Une oeuvre présentée à l’entrée de l’accrochage actuel commun aux 2 collections au MBA Lyon. Or, qui peut nier aujourd’hui l’importance de Lucio Fontana et de son oeuvre dans l’histoire contemporaine de l’art ? Pour le dire simplement, le MAC Lyon possède aujourd’hui des œuvres devenus “historiques” !

Vue de l'exposition au MBA Lyon : Penser en forme et en couleurs.

Vue de l’exposition au MBA Lyon : Penser en forme et en couleurs. A gauche une peinture collective de la communauté aborigène Warlukurlangu (2000) fait  face au Paysage Blond de Jean Dubuffet (1952, à droite). Photographie © François Boutard.

Jean Dubuffet, Paysage blond, 1952

Jean Dubuffet, Paysage blond, 1952

Vue de l’exposition au MBA Lyon : Penser en forme et en couleurs. Une oeuvre du lyonnais Christian Lhopital : Danseurs, (Mars 1985) de la collection du MAC Lyon voisine avec une sculpture du drômois Etienne-Martin.

Déployer les collections dans 2 lieux

Pour l’amateur d’art contemporain que je suis, la volonté affichée de présenter des œuvres de la collection en dehors de l’enceinte du musée représente aussi l’opportunité de voir des œuvres qui seraient sagement restées dans les réserves du musée. Quand on sait que le MAC Lyon possède près de 1.500 oeuvres représentant environ 40.000 m2, soit 2 fois la Halle Tony Garnier ! Et les œuvres sont souvent monumentales…↓

Vue de l'exposition au MBA Lyon : Penser en forme et en couleurs.

Vue de l’exposition au MBA Lyon : Penser en forme et en couleurs. Dans la même pièce, le bleu de Turning Blue (à gauche) et le jaune de l’oeuvre Untitled Yellow de Phil Sims (1986) (à droite), rappellent les couleurs primaires du tableau La botte de Navets. Photographie © François Boutard.

Turning Blue de Steven Parrino, une oeuvre de la collection du MAC Lyon.

Turning Blue de Steven Parrino, une oeuvre de la collection du MAC Lyon. Photographie © François Boutard.

L’effort d’accrochage collectif actuel devrait, selon les 2 directrices, se poursuivre. Ainsi, le spectateur lyonnais devrait rapidement être invité à admirer des œuvres de la collection du MBA Lyon au sein du musée d’art contemporain.

Des projets d’expositions en commun sont d’ailleurs dans les tuyaux ; d’autres en projet. Sylvie Raymond, la Directrice du MBA Lyon conclut d’ailleurs l’interview en indiquant que l’enjeu du pôle muséal est de voir des accrochages communs déployés au MAC Lyon et pas seulement au MBA. Le pari ne demande qu’à être relevé ! 

Monochrome Rouge A5 (en bois sculpté) de Bernard Aubertin (1962-1977)

Une belle découverte pour moi : Monochrome rouge A5 (en bois sculpté) de Bernard Aubertin (1962-1977). Une oeuvre de la collection du MAC Lyon exposée au MBA Lyon. Photographie © François Boutard.

Monochrome rouge A5 (en bois sculpté) de Bernard Aubertin (1962-1977), détail.

Monochrome rouge A5 (en bois sculpté) de Bernard Aubertin (1962-1977), détail. Photographie © François Boutard.

*Pourquoi je lis Artpress ?

Quand on s’intéresse à l’art contemporain, mais que l’on a comme moi aucune formation artistique et une culture dans le genre très limité, Artpress est une porte d’entrée sur un nouveau monde…. Même si certains articles peuvent paraître abscons, cette revue mensuelle balaie l’ensemble des médiums artistiques. Des dossiers, des interviews d’artistes, des points de vue sur des expositions m’ont permis, au fur et à mesure, d’appréhender l’art contemporain et de forger mon regard. Je me rappelle d’ailleurs que le 1er numéro lu fut un numéro d’Artpress 2 (le trimestriel de la revue) consacré à ce que lisent les artistes contemporains. Je recommande d’ailleurs chaudement Artpress 2 qui réalise des dossiers thématiques passionnants et aussi divers sur la tauromachie, la boxe, les séries, les arts visuels, les arts numériques, le football, la prostitution, etc. vus sous l’angle de la création contemporaine. Un lien évident entre la vie quotidienne et l’art contemporain…

F.B.