Last Updated on 23 avril 2021 by Frédéric CHATEL
Le titre de ce billet est volontairement provocateur, notamment pour ceux qui veulent uniquement voir dans le musée un organe institutionnel diffusant une connaissance scientifique verticale, apprenant/élève. Partenaire média du salon Museum Connections qui s’est déroulé les 17 et 18 janvier dernier Porte de Versailles à Paris, j’ai assisté avec intérêt à la conférence donnée par Rachel Moilliet, en charge du programme Circuit à la Tate, et qui m’a conduit à ce titre prospectif.
Circuit est un programme de 4 années ayant pour but d’amener la génération des 15-25 au musée et auquel participent 10 institutions, parmi lesquelles les 4 établissements du réseau Tate (Tate Modern, Tate Britain, Tate Liverpool et Tate St Ives). Pour cela, quoi de plus logique que d’étudier et comprendre les aspirations des adolescents et jeunes adultes ?
Décloisonner les disciplines
C’est pourquoi Circuit a ouvert les portes des Tate aux jeunes et les a interrogés sur la vision qu’ils ont du musée, les attentes qu’ils nourrissent, et la programmation qui les y ferait venir régulièrement. De nombreux ateliers participatifs ainsi que des rencontres ont ainsi été organisés. Les différents musées adhérant à Circuit ont même été jusqu’à laisser les jeunes co-créer des programmes artistiques pour leur génération, et ce aussi bien à l’intérieur du musée qu’en dehors (festivals). Dans ce dernier cas, l’idée est de proposer aux jeunes de produire, grâce aux moyens humains et matériels du musée.
Si on les laisse exprimer leurs attentes, les jeunes citent en premier un musée capable de mixer les disciplines artistiques. Ils aiment que l’on décloisonne les disciplines ; qu’une exposition de peinture donne lieu à un concert, ou bien qu’elle soit mise en relation avec l’univers de la mode, de la danse, de la photographie ou de la vidéo. Autre information intéressante : ils sont aussi beaucoup à souhaiter que le musée leur parle d’art, mais soit également capable d’évoquer des questions sociétales qui les concernent, à travers par exemple l’organisation de débats.
Récemment, plus près de chez moi, un exemple m’a interpellé sur la manière dont les musées aujourd’hui intègrent le mélange des disciplines artistiques pour valoriser leurs collections ou expositions.
Le Musée des Beaux-Arts de Lyon a ainsi proposé, le week-end du 25 et 26 mars, à ses visiteurs de découvrir ou redécouvrir certaines des œuvres de sa collection au travers de créations musicales et dansées. ↓
RV sam 24 et dim 25 en musique et en danse 🎼🎻🎷🎺🎸💃
Vibrez au rythme du musée tout le week-end!
Tarif: entrée au muséehttps://t.co/gaNglADKqL pic.twitter.com/P5rE2mlDxx— Musée Beaux-ArtsLyon (@mbalyon) 23 mars 2018
Très beau moment musical et poétique ce WE pour les Créations musicales & dansées ! #Lyon dans le jardin du #musee
Chorég. et interprétation : Clara Nougué-Cazenave, Barbé Nina, Henri Valentin #CNSMD/ Comp. musicale et interprétation : Ulysse Junek, alto #Debussy pic.twitter.com/dg10hcikUh— Musée Beaux-ArtsLyon (@mbalyon) 26 mars 2018
Autre exemple dont je vous avais parlé sur le blog, le DJ hollandais Armin van Buuren invité par le musée Van Gogh d’Amsterdam à composer des morceaux inspirés des toiles du maître. Ou comment associer peinture et musique actuelle.
Un musée ouvert à la diversité
Autre remontée d’information à travers Circuit : les 15-25 ans rejettent l’idée du musée comme « White Cube », une manière austère et intimidante qui ne les pousse guère à franchir ses portes. Ils aimeraient par exemple que le musée intègre des espaces sociaux de rencontre et de coworking. Ce dernier point met en évidence le besoin que ressentent les jeunes de trouver, via une institution, un point de rencontre qui brasse les différentes origines culturelles et ethniques.
Ainsi, Circuit a mis en évidence la sur-représentation des individus de couleur blanche dans la fréquentation des 4 Tate. Une question évidente à aborder dans un pays aux traditions communautaristes. Reste que l’art est encore perçu dans beaucoup de milieux défavorisés comme étant une discipline inaccessible, au mieux réservée à une élite académique avec des codes très spécifiques. Le programme conclut notamment que le musée doit être à l’image de la société, c’est à dire plus représentatif de ses communautés, ce qui passe notamment par des personnels de musée d’origines ethniques plus diversifiées.
L’Escape Game au musée
Parmi les nouveaux dispositifs imaginés et conçus par les médiateurs, qui à mon sens rapproche le musée d’un lieu d’entertainment, figure désormais l’Escape Room. Vous savez cet endroit composé d’une ou plusieurs pièces dans lequel on résout des énigmes par équipes. La Villa Mondriaan, la maison natale du plus célèbre artiste hollandais moderne, Piet Mondriaan, située à Winterswijk (Est du pays, proche frontière allemande) propose désormais une escape room permanente, à côté du musée. Cette escape room se veut être un serious game, à savoir un lieu où le jeu permet de diffuser des connaissances sur l’oeuvre de Mondriaan. L’aventure a pour titre : Le mystère Mondriaan, ou comprendre l’évolution du travail de Mondriaan vers un système de représentation abstrait.
Judith Kadee, directrice du musée et Lisanne Halleriet, qui a développé le jeu pour le musée, sont intervenues durant Museum Connections pour présenter le concept de l’escape game et ses atouts. ↓
Aux Pays-Bas les escape rooms sont très populaires et beaucoup plus répandues qu’en France. Pour autant, l’expérience menée conjointement par le créateur du jeu d’énigmes à Winterswijk et la Villa Mondriaan est unique puisqu’il s’agit du 1er musée à s’équiper d’une escape room permanente.
À voir l’enthousiasme des 2 intervenantes on devine l’expérience concluante. Les points forts mis en avant sont les suivants :
→ Le musée en co-travaillant avec le créateur du jeu a conçu une nouvelle approche pour transmettre ses connaissances sur Piet Mondriaan et son oeuvre.
→ L’escape Room a permis au Musée d’attirer une population nouvelle évidemment plus jeune. Le jeu est très populaire chez les familles.
→ L’image de l’art, qui est plus est l’abstraction perçue comme un courant intellectuel et ennuyeux, a changé. « Art is fun ».
→ Les retombées médiatiques pour ce petit musée ont été bénéfiques. La marque Mondriaan a progressé en notoriété, le musée a accru le nombre de ses visiteurs.
→ Les visiteurs n’hésitent plus à combiner la visite du musée avec l’escape room.
→ Enfin, un constat signalé par de nombreux intervenants dans les conférences de Museum Connections : la collaboration entreprise/musée enrichit l’institution culturelle. Elle y apprend de nouveaux savoir-faire… ↓
F.B.