Last Updated on 23 avril 2021 by Frédéric CHATEL
Le tuning fait une entrée remarquée à la Biennale de Design de Saint-Etienne. Une exposition lui est dédiée au Musée d’Art et d’Industrie de Saint-Etienne. On peut légitimement s’intéresser à une pratique décriée par certains comme le sommet d’une « beauf-attitude » ou au contraire, le considérer comme une forme d’expression du « beau » nécessaire à l’enjolivement d’une voiture, propre à une communauté qui partage des codes précis.↓
Le clip Signature, présenté à l’entrée de l’exposition Tu nais, Tuning, Tu meurs
Pour autant, j’ai trouvé que la pièce la plus intéressante présentée dans cette exposition était Picasso outremer, une oeuvre du plasticien Bertrand Lavier, réalisée en 2009. Je ne me lancerai pas dans une analyse théorique de la démarche de Bertrand Lavier, ce n’est pas mon rôle, mais l’idée même d’avoir exposée cette pièce ouvre la porte à la découverte de l’univers singulier de cet artiste contemporain.
Alors Picasso outremer me direz-vous, de quoi ça parle, quel rapport avec le tuning ? Il s’agit d’une aile de carrosserie d’un modèle Xsara, de la marque Citroën, signé Picasso à l’époque pas si lointaine, où le constructeur français aimait attribuer des noms évocateurs à certains de ses modèles. Lavier présente l’aile telle quelle, griffée de la signature Picasso et en rajoute une couche en repeignant l’objet d’un bleu outremer semblable à l’«International Klein Blue » dont Yves Klein mit la composition au point en 1956.↓
Avec cette pièce, Bertrand Lavier brouille l’identité de l’objet, ce qu’il adore faire d’ailleurs. Est-on en présence d’une pièce automobile ? D’un objet d’art, clin d’œil à son fameux signataire ? Ou d’un objet industriel auquel on aurait rajouté une couche de peinture, à mi-chemin entre son identité de départ et une signature artistique ?
Quelques repères sur le travail de Bertrand Lavier, artiste iconoclaste du paysage artistique contemporain :
→ Lavier s’est fait connaitre en détournant le travail de Marcel Duchamp. Pour Lavier, les «Ready-made» de Duchamp ne présentent plus d’intérêt. C’est pourquoi, il décide d’intervenir directement sur l’objet industriel pour en brouiller la vision. ↓
→ Lavier peint par-dessus les objets appliquant une pellicule de peinture un peu caricaturale, un peu à l’image de la peinture de Van Gogh. Le résultat est que l’objet est sorti de son contexte industriel et, de par son aspect, se réfère à l’art moderne. Malin non ?
→ L’artiste aime l’idée de «court-circuiter» les identités. Il s’attaque notamment aux marques et à leur sens. Ainsi, une marque commerciale peut distinguer des objets aux réalités différentes. ↓
→ Un protocole souvent employé par Lavier : la superposition d’objets
→ Dans la première partie des années 80, Betrand Lavier s’est inspiré d’une bande dessinée du Journal de Mickey pour réaliser des pièces au graphisme très générique (plusieurs médiums utilisés : cibachrome, aquatinte, héliogravure, jet d’encre sur toile, peinture, sérigraphie) : Les Walt Disney Productions.
→ Lavier est un fin connaisseur de l’histoire contemporaine de l’art. Â partir de 2003, il utilise des néons pour refaire les mêmes peintures que celles de Frank Stella, jusqu’alors matérialisées par des bandes. Ce faisant, Lavier refait les peintures de Stella avec les instruments de Dan Flavin, apôtre du néon ! Peut-on parler de substitution ou de transposition ? ↓
Si je vous ai donné envie d’en savoir plus sur Bertrand Lavier, vous pouvez lire :
→ Bertrand Lavier, depuis 1969, de Michel Gauthier, éditions du Centre Pompidou. Ouvrage publié à l’occasion de l’exposition présentée au Centre Pompidou du 26 septembre 2012 au 7 janvier 2013
→ Bertrand Lavier, de Catherine Francblin, chez Flammarion
→ Bertrand Lavier, Editions PARIS MUSEES, ouvrage édité à l’occasion de l’exposition organisée au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris su 31 mai au 22 septembre 2002
F.B.