Last Updated on 13 septembre 2022 by François BOUTARD

Avec 1 année de décalage en raison de la pandémie mondiale, la 16e Biennale d’art contemporain de Lyon démarre enfin cette semaine. Comme beaucoup de personnes privées de l’événement en 2021, j’ai hâte de découvrir cette nouvelle édition. En attendant, je me suis rappelé l’œuvre délicate et subtile de l’artiste thaïlandaise Pannaphan Yodmanee : « Quarterly Myth » (Mythe Trimestriel) exposée aux usines FAGOR de Lyon à l’occasion de la Biennale 2019. Un travail remarquable et remarquée au sein d’un espace bien trop imposant à mon goût (en taille) en rapport au nombre d’œuvres exposées. Indéniablement, parmi des œuvres de qualité inégales, « Quaterly Myth » surnageait.

Pannaphan Yodmanee, jeune artiste thaïlandaise

Pannaphan Yodmanee est née à Nakhon Si Thammarat, en Thaïlande, il y a 34 ans. Diplômée de la Silpakorn University de Bangkok (BFA (Thai Arts), Faculty of Painting, Sculpture and Graphical Arts, 2014) , elle incarne la nouvelle génération d’artistes thaïlandais, aux côtés de MIT JAI INN, UTTAPORN NIMMALAIKAEW, RATTANA SALEE, ou encore PEERAWAT KRASAESOME.  Pannaphan Yodmanee vit et travaille à Bangkok. Fait peu commun, l’artiste a démarré son apprentissage de la peinture à l’âge de 10 ans, sous la conduite d’un moine diplômé d’une école d’art. 

Remarquée pour une installation présentée à l’occasion de la Biennale de Singapour en 2016, Pannaphan Yodmanee a créé une œuvre unique pour la Biennale de Lyon, en résonance avec le site des anciennes usines FAGOR qui héberge son travail. Dans ses installations, l’artiste mélange objets trouvés, éléments naturels et matériaux peints. Elle aborde les thèmes de la destruction, des migrations, du temps qui passe, des religions du bouddhisme, ainsi que les grands mythes fondateurs de l’Asie du Sud Est. Sa crainte : la destruction des cultures, l’effacement des religions au profit d’une mondialisation inarrêtable. En 2019, avec Quaterly Myth, l’artiste donnait une leçon magistrale sur la représentation de l’effacement. Une intention finement mise en scène pour le plus grand plaisir des visiteurs.

Installation de l'artiste Pannaphan Yodmanee  : " In the Aftermath" durant la Biennale de Singapour 2016.

Installation de l’artiste Pannaphan Yodmanee : « In the Aftermath » durant la Biennale de Singapour 2016. Source : https://blog.qagoma.qld.gov.au/, Photographie: Natasha Harth © QAGOMA

 

Installation de l'artiste Pannaphan Yodmanee : " In the Aftermath" durant la Biennale de Singapour 2016

Installation de l’artiste Pannaphan Yodmanee :  » In the Aftermath » durant la Biennale de Singapour 2016. Détail. Source : https://blog.qagoma.qld.gov.au/, Photographie: Natasha Harth © QAGOMA

 

Installation de l'artiste Pannaphan Yodmanee : " In the Aftermath" durant la Biennale de Singapour 2016.

Installation de l’artiste Pannaphan Yodmanee :  » In the Aftermath » durant la Biennale de Singapour 2016. Détail. Source : https://blog.qagoma.qld.gov.au/, Photographie: Natasha Harth © QAGOMA

 

Pannaphan Yodmanee : l’art de l’effacement

Dans les halles désertées des anciennes Usines Fagor, où subsistent encore certains vestiges comme des machines laissées sur place, Quaterly Myth interroge la survivance des mythes et des religions. À l’intérieur de 2 grands cylindres en béton gris disposés à la perpendiculaire l’un de l’autre, l’artiste a peint sur les parois intérieures des fresques ainsi que des bas-reliefs en référence à l’art bouddhique, mais aussi l’art chrétien. Survivance d’un monde ancien, les peintures restent inachevées et s’évanouissent progressivement dans la surface rugueuse du béton. La grâce inachevée et la légèreté des peintures et des pigments dorés élaborent un contraste saisissant avec la masse informe du béton. La circularité des cylindres m’a donné la curieuse impression de pénétrer dans une histoire du monde qui serait à bout de souffle… en voie d’extinction, comme si le monde en 2019 était un vaste chantier en transition. 3 ans plus tard, ce monde qui ne savait pas ce qu’il allait être s’ouvre sur des perspectives peu réjouissantes : retour à la Guerre Froide, urgence climatique, populisme et quête de sens à tous les étages ! Quel message délivrera la nouvelle Biennale à l’heure des fragilités ?

Dans ce tunnel chronologique, nous sommes projetés vers un avenir en pointillé. L’artiste interroge la transmission des mythes fondateurs et des légendes, en avons-nous besoin pour nous raccrocher aux branches d’un monde qui s’effiloche, s’efface ? De l’Ancien Monde vers un Nouveau Monde, on s’interroge, encore plus en 2022, après une pandémie mondiale qui aura fait dire à certains que nous rentrions dans une nouvelle ère. Enfermés dans un tunnel, nous sommes confrontés à la déliquescence du sacré, la disparition des croyances et du spirituel. Un autre élément déboussole gentiment le visiteur des boyaux bétonnés : l’impression d’être confronté à ce que nous savons de l’histoire et de sa grandeur, emprisonnée dans un environnement cloisonné et étroit, la contemplation de siècles d’histoires dans un microcosme caverneux, l’impression de vivre un accéléré historique des mythes fondateurs de l’histoire moderne, au secours, où se trouve la sortie ?

Et demain ?

Faut-il voir dans la forme cylindrique un éternel recommencement ? Je ne sais pas. Ce que je sais en revanche, c’est que l’artiste a essayé de formuler une sortie de la « caverne », avec un arbre qui s’échappe vers le ciel. Problème : il n’est pas relié au monde caverneux du dessous. Est-ce une tentative désespérée de l’artiste pour nous dire que le monde de demain fera table rase du passé ? Enfin, que dire du nuage pierreux qui flotte en suspension ? Sombre ou bon présage, une élévation possible ? 

J’ai aimé cette installation pour la drôle de sensation qu’elle amène quand on marche dans ces 2 grands cylindres. En particulier, pour l’impression vertigineuse procurée par l’évocation du récit de mythes fondateurs embouteillés dans un cylindre étroit. L’infini, l’immensité, confronté à l’étroitesse des lieux… Et les questions qu’elle pose. Mais je dois dire que la finesse et la beauté des peintures amènent un supplément d’âme à une œuvre plébiscitée par les milliers de visiteurs de La Biennale. Quel récit nouveau nous racontera la 16e Biennale qui ouvre ses portes très prochainement ? ↓

Vue de l'installation "Quarterly Myth" de Pannaphan Yodmanee à la Biennale d'art contemporain de Lyon, 2019.

Vue de l’installation « Quarterly Myth » de Pannaphan Yodmanee à la Biennale d’art contemporain de Lyon, 2019. Photographie © François BOUTARD

 

Vue de l’installation « Quarterly Myth » de Pannaphan Yodmanee à la Biennale d’art contemporain de Lyon, 2019. Photographie © François BOUTARD

 

Vue de l'installation "Quarterly Myth" de Pannaphan Yodmanee à la Biennale d'art contemporain de Lyon, 2019.

Vue de l’installation « Quarterly Myth » de Pannaphan Yodmanee à la Biennale d’art contemporain de Lyon, détail, 2019. Photographie © François BOUTARD

 

Vue de l'installation "Quarterly Myth" de Pannaphan Yodmanee à la Biennale d'art contemporain de Lyon, 2019.

Vue de l’installation « Quarterly Myth » de Pannaphan Yodmanee à la Biennale d’art contemporain de Lyon, détail, 2019. Photographie © François BOUTARD

 

Vue de l'installation "Quarterly Myth" de Pannaphan Yodmanee à la Biennale d'art contemporain de Lyon, 2019.

Vue de l’installation « Quarterly Myth » de Pannaphan Yodmanee à la Biennale d’art contemporain de Lyon, 2019. Photographie © François BOUTARD

 

Vue de l'installation "Quarterly Myth" de Pannaphan Yodmanee à la Biennale d'art contemporain de Lyon, détail, 2019.

Vue de l’installation « Quarterly Myth » de Pannaphan Yodmanee à la Biennale d’art contemporain de Lyon, détail, 2019. Photographie © Saby Maviel

 

Vue de l'installation "Quarterly Myth" de Pannaphan Yodmanee à la Biennale d'art contemporain de Lyon, 2019.

Vue de l’installation « Quarterly Myth » de Pannaphan Yodmanee à la Biennale d’art contemporain de Lyon, 2019. Source : https://www.exporevue.com/

 

Vue de l'installation "Quarterly Myth" de Pannaphan Yodmanee à la Biennale d'art contemporain de Lyon, 2019.

Vue de l’installation « Quarterly Myth » de Pannaphan Yodmanee à la Biennale d’art contemporain de Lyon, détail, 2019. Photographie © François BOUTARD

 

Vue de l'installation "Quarterly Myth" de Pannaphan Yodmanee à la Biennale d'art contemporain de Lyon, détail, 2019

Vue de l’installation « Quarterly Myth » de Pannaphan Yodmanee à la Biennale d’art contemporain de Lyon, détail, 2019. Source : https://thebgphotos.tumblr.com/

F.B.