Last Updated on 4 septembre 2023 by Chloé RIBOT
Suite de mon 1er billet du 3 octobre 2019 consacré à l’exposition bisannuelle que consacre le MoMA aux nouvelles pratiques de la photographie : New Photography (La photographie d’art au MoMA) en mettant en valeur des artistes déjà confirmés ou au talent naissant. J’ai pris le parti de sélectionner les photographes dont les travaux me paraissent le plus intéressant sur la période 1999-2008 pour faire suite à la 1ère sélection (1985-1999). Avec toujours une obsession : vous apporter un décryptage sur la photographie et une dose de culture générale !
La photographie d’art au MoMA : Ólafur Elíasson
Pour l’édition 1998-1999, le MoMA a sélectionné 4 artistes : Jeanne Duning (1960), Ólafur Elíasson (1967), Rachel Harrison (1966) et Sam Taylor-Wood (1967). Je ne m’arrêterai pas sur leurs travaux, car j’avoue ne pas avoir été particulièrement emballé par les clichés proposés à l’occasion de New Photography ; de plus, les univers artistiques des artistes présentés dépassent aujourd’hui le seul cadre de la photographie et s’étendent à d’autres pratiques artistiques, notamment la vidéo, et même le cinéma grand public. L’artiste islandais danois Ólafur Elíasson est sans doute le plus connu aujourd’hui pour avoir initié des œuvres in-situ parfois spectaculaires. En véritable architecte, il expérimente, via des dispositifs techniques, la lumière et ses effets, la couleur et les formes géométriques. Ces œuvres abordent aussi d’autres notions plus abstraites comme les notions d’espace et de temporalité. Il n’hésite pas non plus à mettre en relation design et science. Ces détracteurs pourraient lui reprocher le côté « usine » de son activité. L’artiste produit en effet ses installations via le studio Ólafur Elíasson qui compte des collaborateurs pluridisciplinaires, soit une véritable ruche expérimentale d’où sortent les projets du maître scandinave. Peut-on encore parler de personnalisation de l’art à ce stade ? Une question qui anime aussi les contradicteurs de Damien Hirst… Néanmoins, je vous conseille le compte Instagram du studio Ólafur Elíasson qui présente des expérimentations en cours, des visuels et vidéos très soignés, et parfois de circonstance :-)) ↓
La photographie au MoMA : Carlos Garaicoa
L’édition 2005-2006 de New Photography (pas d’autres éditions entre-temps) met notamment à l’honneur l’artiste cubain Carlos Garaicoa né à La Havane en 1967. Un artiste fin et intelligent, un des rares du pays à poursuivre une carrière internationale. J’essaie sur ce blog de vous rendre accessible l’art contemporain, néanmoins l’oeuvre que poursuit cet artiste mériterait des explications plus fournies que celles que je vais vous donner (si par bonheur vous lisez cet article avec une bonne connaissance de son travail), vous êtes le bienvenu pour nous expliquer en détail sa démarche ;-))).
Carlos Garaicoa traduit sa fascination pour les ruines de La Havane en dessins, photographies et installations multimédias et vidéo. Il explique la chose suivante : « Après la chute du socialisme européen (1989, écroulement du Mur de Berlin), de nombreux projets de construction et architectoniques cubains ont été interrompus ou abandonnés. À La Havane, ainsi que dans d’autres villes cubaines, des ruines idylliques et nostalgiques de l’époque coloniale et de la 1ère République coexistent avec la ruine d’un projet politique et social frustré. Les bâtiments inachevés abondent, négligés et survivent dans une sorte d’oubli momentané. La rencontre avec ces bâtiments produit une sensation étrange ; l’enjeu n’est pas la ruine d’un passé lumineux mais celui d’un présent d’incapacité. Nous sommes confrontés à une architecture » jamais consommée « , appauvrie, car inachevée, où les ruines sont proclamées avant même qu’elles n’existent. Je les surnomme » les ruines du futur « . La série de photographies, de dessins et de maquettes qui composent la continuité de l’architecture pensée par une personne permet la continuité constructive de bon nombre de ces sites abandonnés. De cette manière, j’interviens dans la phase initiale, au cours de laquelle les architectes ont tracé les plans de ces bâtiments; cela constitue une « médiation » dans la réflexion de ces architectes. L’intervention consiste en une série de plans clairs et précis pour compléter l’architecture inachevée. (…) ». Traduction d’une interview donnée par l’artiste au magazine BOMB.
Concrètement, l’artiste photographie ces ruines en noir & blanc et leur redonne vie en leur associant une autre image qui reconstitue les parties manquantes avec des fils de couleur et des épingles. Cette technique, très particulière, demande une dextérité incroyable, le résultat est surprenant ! L’artiste en profite également pour reconstituer l’architecture de villes/bâtiments avec des maquettes ultra réalistes. Ainsi, dans l’installation No way out (2002), Carlos Garaicoa construit une ville nocturne avec des matériaux typiquement japonais, mais le paysage urbain est uniforme, à l’image des grandes villes du monde. L’architecture de La Havane est photogénique et ses photos en noir & blanc le sont également, mais j’avoue avoir été bluffé, en creusant le sujet, par la qualité des installations que Garaicoa réalise ; notamment ses maquettes. ↓
À partir de 2006, la sélection photographique du MoMA aura désormais lieu tous les ans avec des éditions à cheval sur 2 années. Est-ce la preuve que la photographie devient un moyen d’expression majeur dans l’art contemporain ? Je le pense…
La photographie au MoMA : Barbara Probste
Barbara Probste est une photographe allemande née en 1964. Oui je sais, vous allez me dire que décidément, dans le champ de la photographie contemporaine, les Allemands sont des champions… Cf. billets, si ça vous tente sur : Becher, Axel Hütte, Thomas Struth, Thomas Ruff , Petra Wunderlich, Andreas Gursky, Julian Faulhaber, Uta Barth, … ! Mais ce qui est intéressant avec Probste, c’est qu’elle a développé et perfectionné au fil des ans un dispositif technique qui permet, par exemple, à une seule personne de déclencher 12 prises de vues différentes d’un même événement/sujet en même temps. De sorte qu’elle pose une question amusante : la réalité d’un événement est-elle celle que l’on croit ? La photographie, que certains définissent comme un « témoin » privilégié de la réalité, est-elle réellement l’expression « fiable » de cette réalité ? Et bien à l’évidence non, selon Barbara Probste, pour qui tout est question de points de vue, de réglage des détails (netteté, flou, zoom, hors champs). Les plus belles photos de l’artiste sont peut-être celle des premiers dispositifs qu’elle met au point et qu’elle nomme « exposure », dans lesquels elle photographie simultanément 2 visages avec des prises de vues différentes… Mais j’adore aussi le principe appliqué à une scène, sorte de nature morte dans laquelle l’humain interviendrait mais discrètement : on peut s’inventer sa petite histoire, grâce à plusieurs appareils photo placés autour d’un même sujet, permettant plusieurs prises de vue au même instant… ↓
La photographie d’art au MoMA : Scott McFarland
Dans la sélection 2007-2008 de New Photography, figure l’artiste canadien Scott McFarland (1975). J’ai tout de suite « accroché » à ses photos parce qu’il s’y passe quelque chose d’étrange… Oui étrange, car certains clichés font plus penser à une bande passante de film qu’à une photographie prise sur l’instant. Une puissance narrative en émane. Comme si plusieurs temporalités s’entrechoquaient sur un même cliché. Et puis il y a un travail sur la luminosité, à la limite de l’artificiel par moment, et puis si douce lorsqu’il s’agit de capter l’humeur du ciel ! ↓
Mes premières impressions seront confirmées par le processus de travail de l’artiste. Mais d’abord signalons que notre homme vient de Vancouver, un « spot » pour la photographie internationale (je l’apprends), avec son icone : Jeff Wall (1946) chantre de la photographie grand format et qui a le pouvoir inédit de raconter une histoire en une seule photo. Scott McFarland est un photographe à 100%, il lui fallait creuser son propre sillon dans une ville réputée pour ses artistes (outre Wall, Mark Lewis, Roy Arden, Liz Magor). Il démarre justement avec Wall : en 1995, au cours de sa 3e année d’études à l’Université de la Colombie-Britannique, McFarland commence à travailler comme assistant studio pour le maître, qui est devenu son mentor. Et il devient son principal imprimeur avant que celui-ci ne prenne sa retraite des studios en 2006. Quelle entrée en matière !
Pour ce que j’en ai compris (il n’y a pas grand-chose sur l’artiste en Français sur le net), McFarland se considère avant tout comme un réalisateur d’images. Il refuse la photographie de l’instant (encore un). Il tourne d’abord sur pellicule avec une caméra grand format, réalise des images d’une scène, d’un paysage, à partir de la même position à différents moments de la journée (à des jours et semaines différentes), numérise les négatifs dans un ordinateur, puis superpose plusieurs négatifs pour constituer une seule image à l’aide de logiciels informatiques. Si bien qu’en effet, dans une photographie de McFarland s’expriment bizarrement plusieurs temporalités sans que l’on voit apparaître de trace de montage… Sachez ainsi que le nombre de négatifs que McFarland utilise pour construire une seule image peut atteindre des centaines !!! Mais je vous laisse seul juge : ↓
F.B.