Le très connu MoMA (Museum of Modern Art) de New-York, l’une des plus grandes institutions culturelles du monde qui a réouvert ses portes après 4 mois de travaux, avec un espace d’exposition agrandi de près d’un tiers, propose depuis 1985 un panorama des nouvelles pratiques artistiques en cours dans le domaine de la photographie d’art. Son propos est de montrer les travaux de photographes à travers une sélection dont les clichés incarnent la photographie nouvelle – New Photography -.
À travers l’écriture de ce blog et mes découvertes successives, je me suis rendu compte que la photographie d’art faisait désormais partie à part entière de l’art contemporain. Ses acteurs exercent leurs pratiques dans des directions multiples : de la photographie de studio à la photographie documentaire, en passant par la mise en place d’installations in-situ photographiées et la photographie d’art de paysages. J’ai aussi appréhendé au fur et à mesure les connexions que le champ de la pratique photographique entretient avec la peinture, ou encore la vidéo. J’y ai fait des découvertes que j’ai partagées avec vous, dont beaucoup s’inscrivent dans les articles du blog ilikethisart tenu par Jordan Tate, universitaire américain et artiste que je traduis régulièrement.
Des coups de cœur, j’en ai eu, pour : Hiroshi Sugimoto, Philip-Lorca diCorcia, Ed Rusha, Bernd & Hilla Bescher, Thomas Struth, Lewis Baltz, Sophie Ristelhueber, Jean-Marc Bustamante (peut-être mon préféré :-)), Georges Rousse, Thibault Brunet & Marc Lathuillière (représentés par l’excellente galerie Binome), Andreas Gursky, Jim Sanborn, Richard Prince, David Brandon Geeting, Jeff Wall, Nicolas Dhervillers et beaucoup d’autres… jusqu’à Solmaz Daryani, jeune artiste iranienne avec qui je suis rentré en contact et dont j’espère pouvoir diffuser sur ce blog un extrait du reportage que lui ont consacré les journalistes Nathalie Masduraud et Valérie Urrea dans : Focus Iran, l’audace au premier plan.
New Photography : de 1985 à 1999
C’est au milieu des années 80 que le MoMA se décide à sélectionner et exposer tous les ans (à cheval sur 2 années à partir de 1986) les travaux de photographes contemporains. Sous l’impulsion de John Szarkowski (1925-2007), conservateur pour la photographie au MoMA de 1962 à 1991, la 1ère édition de New Photography a lieu en 1985 et présentent les travaux de Zeke Berman, Antonio Mendoza, Judith Joy Ross & Michael Spano.
Cet événement bisannuel perdure aujourd’hui, la dernière exposition ayant eu lieu en 2018 (du 18 mars au 19 août 2018 : Being – New Photography 2018) ↓
Pour vous, j’ai décidé de montrer les travaux de photographes sélectionnés pour New Photography de 1985 à 1999. Avec la photographie qui est un médium évoluant à grande vitesse, intégrant les innovations technologiques du numérique, le champ des possibles est désormais immense. C’est pourquoi, j’ai sélectionné 4 photographes qui m’ont semblé avoir une véritable signature artistique, singulière. Un critère éminemment crucial, souligné par le photographe, enseignant en photographie, auteur et galeriste lyonnais Jacques Damez que j’avais interviewé.
Les photographies de David T.Hanson/Uta Barth/Thomas Florschuetz/Paul Graham
David T. Hanson (1948) est un photographe américain dont le travail documenté sur l’exploitation des ressources minières et énergétiques sur le sol américain font inévitablement sens à une époque où nous parlons d’urgence climatique. De 1982 à 1985, son travail intitulé Coldstrip, Montana, est une étude approfondie de l’une des plus grandes mines de charbon en Amérique du Nord, de sa centrale au charbon et de la ville-usine moderne qu’elle entoure. La ville de Colstrip a été créée en 1923, au sommet d’une des plus grandes réserves de charbon au monde, lorsque le chemin de fer du Pacifique Nord a commencé à y extraire le précieux minerai. Puis, en 1959, la Northern Pacific (après être passée de l’électricité à vapeur au diesel) a vendu les concessions de charbon, les mines et le lotissement urbain à la Montana Power Company. David T. Hanson, originaire de la région, a patiemment arpenté le terrain, nous livrant des clichés de la progressive destruction du paysage, au profit d’une activité humaine et technologique dévoreuse des ressources terriennes. ↓
Uta Barth est une artiste allemande, née à Berlin en 1958 et dont les travaux ont intégré les plus grandes collections privées et publiques du monde. Les images que capture Uta Barth sont délibérément, à première vue, vides de sens, une sorte « d’abstraction picturale » qui laisse le spectateur donner libre cours à son imagination. Dans son travail, j’aime la mise en scène de la lumière dans le regard porté aux objets/pièces du quotidien. Elle en utilise à plein les qualités naturelles pour capturer des instants accidentels et fugaces…. ↓
Thomas Florschuetz est né en 1957 à Zwickau (Allemagne), il vit et travaille à Berlin. Et oui me dirait vous, encore un éminent représentant de l’école photographique allemande contemporaine (Gursky, Höfer, Ruff et Struth). Faisant partie de la sélection New Photography des années 1989-1990, il présente alors des clichés de parties du corps prises en gros plan qui embarquent le spectateur dans un royaume lilliputien (des cheveux et des pores grandement magnifiés). Pour autant, ce ne sont pas ces photographies qui ont attisé ma curiosité, mais bien des photos architecturales plus récentes. Sûrement mon goût pour les Non-lieux :-)). Florschuetz a ainsi photographié la Chapelle de Ronchamp du Corbusier, les bâtiments d’Oscar Niemeyer à Brasilia, ou encore Le Nouveau Musée et le Palais de la République durant sa démolition à Berlin. ↓
Né en 1956, Paul Graham est un spécialiste de la photographie documentaire. Il a gagné une quantité de prix internationaux durant sa carrière (prix Hasselblad, bourse W. Eugene Smith, bourse du Winston Churchill Memorial Trusts, de la fondation John Simon Guggenheim Memorial Foundation, etc.) et son travail a fait l’objet d’une rétrospective de mi-carrière au début des années 2010, au sein de plusieurs institutions culturelles européennes. Graham traite des sujets sociaux. Dans les années 80, alors qu’il est au chômage dans une Angleterre minée par la crise industrielle, Paul Graham, souhaitant devenir photographe, commence à photographier les bureaux de chômage. Mais il y a un œil chez Paul Graham, pour tout… En témoignent ses clichés sur la vie urbaine, réalisés à New-York à une époque plus récente ou lorsqu’il sillonnait l’Autoroute anglaise A1.
→ Parmi les autres artistes qui méritent le détour, j’aurais pu vous parler de Paul D’Amato, JoAnn Verburg, Thomas Demand & Beat Streuli.
F.B.