Loire vs Rhin

À ma gauche La Loire, le plus long fleuve de France, 1.066 kilomètres, depuis le mont Gerbier de Jonc jusqu’à l’embouchure vers l’océan Atlantique. À ma droite, le Rhin, long de 1.233 kilomètres, épine dorsale du grand voisin germanique.

Cette semaine, j’ai découvert le nouveau lieu de vie de mes parents, avec une superbe vue sur la Loire. Du coup, le constructeur de la résidence Loire Horizon, c’est son nom, a eu l’idée inspirée de faire appel à un photographe pour “signer” l’identité visuelle des lieux, avec une oeuvre unique conçue pour l’occasion. Manolo Chrétien, accessoirement le fils du spationaute Jean-Loup, a ainsi signé l’habillage du hall d’habitation avec une photographie toute en longueur de 9 mètres de long représentant le fleuve, et développée sur une tôle en inox brossé. Malin l’artiste qui revendique « les lumières métalliques du Val de Loire au couchant ». ↓

Manolo Chrétien, HORIZON LOIRE, 900 x 130 cm. 24.09.2016

Manolo Chrétien, HORIZON LOIRE, 900 x 130 cm. 24.09.2016

Manolo Chrétien, HORIZON LOIRE, 900 x 130 cm. 24.09.2016

Manolo Chrétien, HORIZON LOIRE, 900 x 130 cm. 24.09.2016

Après cette apparition inattendue, mon cerveau s’est soudainement fluidifié pour penser aux méandres mystérieux et bucoliques du plus grand fleuve français. Né dans une région traversée par La Loire et Le Loir, ne mélangeons pas à ce titre la majesté du premier avec la vassalité du second, sous-affluent du premier cité, j’ai toujours “senti” le grand fleuve français comme “mou”, peu engageant, sans relief ni caractère. Et pourtant, même en m’expatriant loin du Val de Loire, mon ancienne vie professionnelle a trouvé le moyen de me faire remonter le cours de l’eau et du temps. La Loire, je la retrouvais donc en territoire nivernais, de la Charité-sur-Loire à Nevers… Et là, toujours, une indifférence marquée face au grand fleuve. Pourquoi ? Je ne saurais dire, mais le travail de Manolo Chrétien a brusquement ramené ma hauteur de vue sur la Loire à une autre hauteur de vue, celle là autrement plus vertigineuse, une vue sur le Rhin devenue célèbre pour avoir été, l’espace de 3 années, la photographie contemporaine la plus chère du monde ! ↓

Andreas Gursky, « Rhein II », 1999, 185,4 x 363,5 cm

Andreas Gursky, Rhein II, 1999, 185,4 x 363,5 cm

La Loire, le 2 février 2016.

La Loire, le 2 mars 2017. Photographie ©FrançoisBoutard

Andreas Gursky, signature de la photographie contemporaine

En 2011, la photographie intitulée « Rhein II », du photographe Andreas Gursky, représentant le Rhin entre 2 berges de verte couleur, atteint aux enchères la somme faramineuse de 4.338.500 $ (3.190.987 €). Une photo décriée par beaucoup comme anodine, mais qui m’a toujours parue hypnotique. Il s’en dégage une ligne magnétique, le paysage est sublimé par la platitude du sujet photographié… Là où certains éprouveraient un ennui profond, j’y vois une beauté désespérément ennuyeuse qui en fait tout son charme. Si vous jetez un coup d’œil aux œuvres de Gursky, vous vous apercevrez rapidement qu’il a un œil, une patte reconnaissable entre toutes qui fait aussi la valeur de cette photo. Le prix je n’en sais rien et cela m’est bien égal, le marché décide… Un apport de Gursky à la photographie contemporaine : il a été l’un des premiers à comprendre qu’une photo pouvait adopter des dimensions monumentales pour mieux nous perdre dans le détail ;-)) – Rhein II mesure 3,80m sur 2,99m -. ↓

Andreas Gursky, Chicago board of trade III, 1999-2009

Andreas Gursky, Chicago board of trade III, 1999-2009

Andreas Gursky vs Manolo Chrétien

Quel rapport entre Gursky photographiant le Rhin et Manolo Chrétien saisissant la beauté fugace des couleurs du Val de Loire ? Si je souhaite au second une carrière internationale aussi prestigieuse que celle de son aîné, l’arrêt sur image de la Loire réalisé par Manolo Chrétien m’a ramené à Rhein II, une évidence que je ne saurais expliquer, mais qui surement a à voir avec la solitude des lieux, et à l’imagerie, toujours terne, que mon esprit associe à la Loire. Pour autant, un fleuve draine un imaginaire puissant, allez donc vous promener le long de La Loire, ou du Rhin, deux bandes passantes de l’imaginaire photographique…

F.B.