Last Updated on 8 juin 2021 by Frédéric CHATEL

Suite de ma série consacrée à la photographie contemporaine exposée au MoMA suivant une sélection que l’institution souhaite représentative des différentes approches contemporaines de ce médium. Depuis 1985, le MoMA accroche annuellement une sélection de jeunes et moins jeunes artistes photographes sous le terme « New Photography« . Le musée permet de lancer certaines carrières en dévoilant le talent d’artistes qui n’ont pas encore eu les honneurs d’un accrochage dans une grande institution comme le MoMA. Pour ma part, je choisis LIBREMENT de vous montrer les travaux d’artistes qui ont fait partie de cette sélection et qui me touchent, que ce soit esthétiquement ou pour l’intelligence de leur démarche. Un procédé pour découvrir des univers artistiques variés et comprendre ce que la photographie contemporaine peut nous offrir. 

Ma sélection des années 1985 à 1999                                   

Ma sélection des années 1999 à 2008

Aujourd’hui, j’ai opéré une sélection des années 2009 à 2012. Mon regard s’est arrêté sur le travail de 5 artistes, certains dont je soupçonnais l’existence, me renvoyant à un passé proche…

La photographie d’art au MoMA : Daniel GORDON

Daniel Gordon est un artiste new-yorkais né en 1980. Les photographies exposées en 2009-2010 au MoMA ont attiré mon regard par leur étrangeté, voir pour le sentiment de répulsion qu’elles peuvent nourrir. On y voit des portraits féminins et des corps curieusement mis en scène. Plusieurs images découpées ici ou là sont assemblées pour composer des portraits et des natures mortes étranges. Un travail de collage classique me direz-vous. Sauf que contrairement à ce qu’on pourrait croire, les images photographiées par Daniel Gordon sont en fait des sculptures….  Ce qui donne à ses œuvres une matérialité surprenante, voir inquiétante ! ↓

Red Headed Womain, photographie Daniel Gordon, série PORTRAIT STUDIO 2008-2009

Red Headed Womain, photographie Daniel Gordon, série PORTRAIT STUDIO, 2008-2009

 

Reclining Nude, photographie Daniel Gordon, série PORTRAIT STUDIO, 2008-2009

Reclining Nude, photographie Daniel Gordon, série PORTRAIT STUDIO, 2008-2009

 

Cantaloupe, photographie Daniel Gordon, série PORTRAIT STUDIO, 2008-2009

Cantaloupe, photographie Daniel Gordon, série PORTRAIT STUDIO, 2008-2009

Les figures féminines des photographies sont réalisées à partir d’images trouvées sur Internet que l’artiste imprime et construit sous forme de tableaux tridimensionnels. Daniel Gordon ne s’arrête pas là, puisque les sculptures sont photographiées puis immédiatement démontées afin que l’artiste puisse utiliser, par exemple, les parties d’un corps pour de nouvelles œuvres ! 

Du même artiste ce sont des séries plus récentes, plus abouties, et moins brouillonnes qui m’ont séduit. Une réalisée en 2018 autour de la couleur bleue – ceux qui fréquentent le blog depuis longtemps connaissent mon amour immodéré pour « l’heure bleue » -, une autre la même année, autour de plantes et végétaux. La photographie devient un medium hybride, à mi-chemin entre cliché et sculpture. ↓

Vue du studio de Daniel Gordon. © Daniel Gordon.

Vue du studio de Daniel Gordon. © Daniel Gordon. On peut supposer qu’il s’agit d’un décor créé par l’artiste avant d’être photographié. Photographie depuis site : https://hcponline.org/

 

Sicilian Still Life, impression pigmentaire, 2018. Photographie Daniel Gordon

Sicilian Still Life, impression pigmentaire, 2018. Photographie © Daniel Gordon. J’adore les couleurs ! Depuis site https://hcponline.org/

 

Philodendron and Bust with Vessels and Fruit, impression pigmentaire, 2018. Photographie Daniel Gordon

Philodendron and Bust with Vessels and Fruit, impression pigmentaire, 2018. Photographie © Daniel Gordon, depuis site : https://hcponline.org/

Blue Still Life with Philodendron and Fish, impression pigmentaire, 2018. Photographie Daniel Gordon

Blue Still Life with Philodendron and Fish, impression pigmentaire, 2018. Photographie © Daniel Gordon, depuis site de l’artiste.

Blue Still Life with Crown of Thorns and Onions, impression pigmentaire, 2018. Photographie Daniel Gordon

Blue Still Life with Crown of Thorns and Onions, impression pigmentaire, 2018. Photographie © Daniel Gordon, depuis site de l’artiste.

 

Vue de l'installation Blue Room, James Fuentes, 2018.

Vue de l’installation Blue Room, James Fuentes, 2018. Photographie © Daniel Gordon, depuis site de l’artiste. 

 

Vue de l'installation Lemons, Onestar Press, 2018.

Vue de l’installation Lemons, Onestar Press, 2018. Photographie © Daniel Gordon, depuis site de l’artiste. 

La photographie d’art au MoMA : Sterling Ruby

Je vais être honnête : ce ne sont pas les clichés de l’artiste américain Sterling Ruby (1972) sélectionnés par le MoMA pour New Photography en 2009 qui ont attiré mon regard, mais bien des peintures et des sculptures produites plus récemment. C’est mon coup de cœur « hors catégorie ». C’est que l’artiste exprime un art protéiforme : photographie, dessin, peinture, céramique, collage, vidéo, et même créateur de mode textile. N’en jetez plus, c’est l’artiste avec un grand A. Ce que produit Sterling Ruby ne laisse en tout cas pas indifférent, on aime ou on déteste ! 

L’artiste peint, mais sans pinceaux. Notre homme peint à la bombe aérosol de grands tableaux qu’on prendrait pour des tableaux tout droit sortis de l’imaginaire de Mark Rothko ou bien même de Gerhard Richter. À voir ainsi la série SP (SP Paintings). De grands formats qui en imposent. Si comme moi vous aimez le mélange des couleurs et l’abstraction picturale, alors c’est à voir… On a beau vivre dans un monde de plus en plus virtuel, moi j’aimerais bien avoir un jour la chance de voir ces tableaux… en réel ! ↓

 

Vue de l'exposition “Sterling Ruby : SP Paintings” à la Nahmad Contemporary, (Gallery), juin 2013

Vue de l’exposition “Sterling Ruby : SP Paintings” à la Nahmad Contemporary, (Gallery), juin 2013

 

Sterling Ruby, peinture SP33, 2008. Acrylique et spray aérosol.

Sterling Ruby, peinture SP33, 2008. Acrylique et spray aérosol.

 

Sterling Ruby, peinture SP102, 2010. Image via xavierhufkens

Sterling Ruby, peinture SP102, 2010. Image via xavierhufkens.

 

Sterling Ruby, peinture de la série SP.

Sterling Ruby, peinture de la série SP.

 

Sterling Ruby, peinture SP173, 2011. Un voyage dans la couleur...

Sterling Ruby, peinture SP173, 2011. Un voyage dans la couleur…

On a aussi le droit de se sentir étouffé, mal en point, chancelant devant les peintures de Ruby qui, au contraire de celles de Rothko, ne pousse pas à une réjouissante méditation de l’esprit !

Et puis, j’ai aussi flashé pour de plus récentes créations de l’artiste. Des sculptures qui jouent à fond le contraste entre l’utilisation du verre transparent et le formica, matière qu’il salit et dégrade à la manière du mobilier urbain tagué et éraflé des grandes villes. L’artiste, je ne sais pas quel procédé, enferme un liquide coloré dans de l’uréthane – ce verre transparent – pour obtenir de jolies spirales ou vindicatives trainées rouge sang qui me rappellent d’un coup l’explosivité picturale de Cy Twombly. ↓

Sterling Ruby, ACTS / WS ROLLIN, 2011.

Sterling Ruby, ACTS / WS ROLLIN, 2011. Bloc d’uréthane transparent, colorant, bois, peinture en aérosol et Formica. © Sterling Ruby.

 

Sterling Ruby. Vue de l'exposition : ”ACTS + TABLE”

Sterling Ruby. Vue de l’exposition : « ACTS + TABLE » chez Gagosian, 2 octobre – 14 décembre 2019. Photo depuis site : https://purple.fr/ 

 

Sterling Ruby. Vue de l'exposition : ”ACTS + TABLE” chez Gagosian

Sterling Ruby. Vue de l’exposition : « ACTS + TABLE » chez Gagosian, 2 octobre – 14 décembre 2019. Photo depuis site : https://purple.fr/ 

 

Sterling Ruby. Vue de l’exposition : « ACTS + TABLE » chez Gagosian. Détail du liquide coloré dans l’uréthane. Photo depuis site : https://purple.fr/  

La photographie d’art au MoMA : George Georgiou

Cuvée 2011 de New Photography, attention œil en action. Impossible de rater George Georgiou (1961), photographe anglais de terrain qui documente la vie quotidienne, politique et sociale à l’Est de l’Occident. Sa préférence va aux pays d’Europe de l’Est et à la Turquie qu’il arpente en long, en large, et en travers. Dans cette dernière, il aime observer un monde à mi-chemin entre Occident et Orient, entre modernisation/urbanisation et tradition. Chez lui, on remarque un sens du symbole dans la photo, finalement jamais neutre… J’aime donc la décrypter intérieurement, à ma façon 🙂 ↓

George Georgiou, Trabzon, 2006

George Georgiou, Trabzon, 2006.

 

George Georgiou, photographie

George Georgiou, photographie. Village Kurde dans l’Est de la Turquie. Les jeunes hommes quittent le village pour trouver du travail dans les villes. Il existe en Turquie un exode rural fort, et ce dans le tout le pays. Image depuis site web de l’artiste. 

 

George Georgiou, Hakkâri, 2007

George Georgiou, Hakkâri, 2007.

 

George Georgiou, Mersin, 2007

George Georgiou, Mersin, 2007.

 

Photographie de George Georgiou

Photographie de George Georgiou. Image depuis site web de l’artiste.

 

Lake Van, Turquie, 2007. Image depuis site web de l’artiste.

Et puis j’ai vu l’innommable, l’impensable, le difficilement supportable. Des images dures… Pour être honnête, j’ai mis quelques heures à digérer ce que George Georgiou nous montre du monde et de sa misère. Mais des choses pareilles doivent êtres sues, le témoignage du photographe est essentiel pour que nous ne détournions pas le regard… Je cite l’artiste (extrait de son site) :

« Entre 1999 et 2002, j’ai visité 3 établissements psychiatriques alors que je vivais et travaillais au Kosovo et en Serbie pour un projet à long terme intitulé Between The Lines, à la suite du conflit de l’OTAN avec la Serbie. Le travail photographique réalisé dans les hôpitaux, cette histoire, fait aussi partie intégrante de ce récit plus largement consacré aux thématiques du conflit, de la division, de la différence et de l’exclusion. Ayant passé 4 ans à enseigner un cours de photographie à des personnes souffrant de troubles psychiatriques à Londres avant cela, les institutions psychiatriques et les comportements erratiques des patients ne m’étaient pas étrangers. Ce que j’ai trouvé au Kosovo et en Serbie m’a rappelé cette expérience passée. »

Il n’y a rien à dire, il n’y a plus que l’image… ↓

Photographie George Georgiou, hôpital psychiatrique

Photographie George Georgiou, hôpital psychiatrique. Photographie depuis site web de l’artiste.

 

Photographie George Georgiou, hôpital psychiatrique.

Photographie George Georgiou, hôpital psychiatrique. Photographie depuis site web de l’artiste.

 

Photographie George Georgiou, hôpital psychiatrique

Photographie George Georgiou, hôpital psychiatrique. Image depuis site web de l’artiste.

 

Photographie George Georgiou, hôpital psychiatrique

Photographie George Georgiou, hôpital psychiatrique. Image depuis site web de l’artiste.

 

Photographie George Georgiou, hôpital psychiatrique

Photographie George Georgiou, hôpital psychiatrique. Image depuis site web de l’artiste.

La photographie d’art au MoMA : Doug Rickard

Doug Rickard (1968) est un artiste et photographe américain. On peut dire de lui qu’il est un témoin du déclin industriel des périphéries américaines. Une photographie avec un ton social donc. Il est surtout connu pour sa série et son livre : A new American Picture (2010). Son procédé : utiliser les images de Google View des banlieues pauvres américaines et les photographier depuis son ordinateur. ↓

Doug Rickard, photographie issue de la série A new American Picture.

Doug Rickard, photographie issue de la série A new American Picture. Image depuis site : http://www.oai13.com/

 

Doug Rickard, photographie issue de la série A new American Picture

Doug Rickard, photographie issue de la série A new American Picture. Image depuis site : http://www.oai13.com/

 

Doug Rickard, photographie issue de la série A new American Picture

Doug Rickard, photographie issue de la série A new American Picture. Image depuis site : http://www.oai13.com/

Avant d’écrire cet article, j’avais déjà « rencontré » les images banlieusardes de Doug Rickard. Et je m’en rappelle très bien… C’était à Waterloo Station (Londres), le 24 ou le 25 octobre 2011. Je sentais que j’allais rapidement tourner le dos à mon activité professionnelle du moment qui ne m’apportait que peu de satisfaction personnelle. C’était quelques mois avant de démarrer ce blog. Je « dérivais » en quelque sorte ; l’instant idéal pour s’immerger dans autre chose de consistant. J’achetais donc à la hâte différentes revues artistiques anglophones – oui, car quitte à voyager dans un autre monde, autant le faire dans une culture étrangère et se perdre encore plus – et je tombais sur une des photographies de Doug Rickard, issue de sa fameuse série sur les banlieues américaines. Et ce fut celle-ci qui retint mon attention : ↓

Doug Rickard, photographie issue de la série A new American Picture.

Doug Rickard, photographie issue de la série A new American Picture. Image depuis site : http://www.oai13.com/

C’est le genre de photo qui te reste en tête. Elle te rappelle ta propre vie – bien que l’unité de lieu et de temps n’est rien à voir avec ton expérience – et surtout un jour et une heure. C’est inexplicable et C’EST COMME ÇA ! Toujours est-il que les photos de Doug Rickard évoquent une étrange familiarité, celle du dimanche après-midi après le gigot d’agneau quand le soleil tape les trottoirs des rues désespérément vides. Je n’y peux rien et C’EST COMME ÇA ! 

Aujourd’hui, Doug RICKARD est surtout connu pour être le fondateur et rédacteur du site web American Suburb X, un super magazine en ligne dédié à la photographie contemporaine …

La photographie d’art au MoMA : Anne Collier

Enfin, j’ai retenu le travail de la photographe californienne Anne Collier (1970). Lassé de trouver des commentaires généralistes peu savoureux, mon regard s’est arrêté sur la série « Woman with Cameras » dans laquelle l’artiste photographie des images de photographes amateurs trouvées et abandonnées par leur propriétaire. Collier y questionne la place de la femme dans ce médium, plus souvent mise en scène qu’à l’origine de l’acte de photographier. Ainsi, Woman with Cameras # 1 présente une publication spécialisée dans la photographie des années 1970, un genre dans lequel les sujets féminins étaient souvent utilisés par les annonceurs pour vendre des produits photographiques aux consommateurs masculins. ↓

Woman With Cameras #1. 2012

Woman With Cameras #1. 2012. Photographie de Anne Collier. Crédit image site du MoMA.

Photographie de Anne Collier, série Women With Cameras (Self Portrait)

Photographie de Anne Collier, série Women With Cameras (Self Portrait)

 

Photographie Anne Collier, Woman With A Camera (Candice Bergen/Minolta #1)

Photographie Anne Collier, Woman With A Camera (Candice Bergen/Minolta #1)

Anne Collier a le chic pour dénicher, dans les revues, magazines, cartes, des images de représentation de la femme des années 1960 à 1980. Elle montre comment la société de consommation a abusé – continue d’abuser ? – du corps de la femmes à des fins mercantiles… J’aime ainsi beaucoup ses séries Crying, Tear et Filter qui font référence aux comics américains. Ces images pourraient d’ailleurs être des tableaux de Roy Lichtenstein, ce qu’elles ne sont pas. Les images de Collier exaltent une finesse, une sensibilité, voir une certaine mélancolie. ↓

Photographie de Anne Collier : Woman Crying #1, de la série Women Crying, 2016 © Anne Collier;

Photographie de Anne Collier : Woman Crying #1, de la série Women Crying, 2016 © Anne Collier ; Courtesy of the artist ; Anton Kern Gallery, New York ; Galerie Neu, Berlin ; and TheModern Institute/Toby Webster Ltd., Glasgow. Credit image site : https://www.blind-magazine.com/fr 

Vue de l’exposition consacrée au travail de Anne Collier, The Modern Institute, Aird’s Lane, Glasgow, 2020. Credit image site : https://www.themoderninstitute.com/

Anne Collier, Mirror, 2020.

Anne Collier, Mirror, 2020. Vue de l’exposition consacrée au travail de Anne Collier, The Modern Institute, Aird’s Lane, Glasgow, 2020. Credit image site : https://www.themoderninstitute.com/

 

Anne Collier, Woman Crying (Comic) #25

Anne Collier, Woman Crying (Comic) #25, 2020. Vue de l’exposition consacrée au travail de Anne Collier, The Modern Institute, Aird’s Lane, Glasgow, 2020. Credit image site : https://www.themoderninstitute.com

F.B.