Last Updated on 23 avril 2021 by Frédéric CHATEL
Bien que moins connu du grand public que le MAC Lyon, à tort, l’Institut d’art contemporain de Villeurbanne (IAC Villeurbanne) est un véritable laboratoire d’invention et de développement de l’art actuel. On y trouve souvent une programmation assez pointue, ce qui peut effrayer le visiteur de prime abord. Pour autant, on y apprend plein de choses (par exemple l’exposition Bojan Šarčević), et de très belles rétrospectives plus accessibles au grand public sont organisées, comme celle très réussie consacrée à l’artiste allemand Thomas Bayrle en 2014. Il serait aussi juste de rappeler qu’à l’occasion de la Biennale d’Art Contemporain, l’IAC Villeurbanne devient le RDV des talents en devenir de la scène française et internationale, déjà remarquée à plusieurs reprises sur ce blog (Dan Fiesel, Charles Lim). ↓
J‘étais donc assez curieux de venir visiter, en compagnie d’un des régisseurs de la collection, les réserves de l’Institut où sont entreposés les trésors de la collection.
Une histoire et un statut particulier
Plantons le décor, l’IAC Villeurbanne a une histoire un peu particulière. Il est l’héritier, à la fois du Centre d’art Le Nouveau Musée – en référence au New Museum de New-York – créé par Jean-Louis Maubant en 1978, et du Fonds Regional d’Art Contemporain (FRAC Rhône-Alpes) qui fusionnent en 1998 pour donner naissance à l’IAC tel que nous le connaissons aujourd’hui.
Contrairement au MAC Lyon, la collection de l’IAC n’est pas partie de rien. Près de 3.000 œuvres collectées par l’ancien Centre d’art sont ainsi venues enrichir sa collection en 1999, principalement des dons d’artistes. Sachant que l’IAC est aujourd’hui une association privée, il fonctionne sur le modèle d’un FRAC (Fonds Régionaux d’Art Contemporain) dont la mission première est de constituer une collection, de la diffuser auprès de différents publics, et d’organiser des formes de sensibilisation à la création actuelle. Mais au juste, comment constitue-t-on une collection ?
Un comité technique d’acquisition composé de 5 personnalités, depuis 2106 : Nathalie Ergino (Directrice de l’Institut d’art contemporain, Villeurbanne/Rhône-Alpes), Martin Germann (Senior curator au S.M.A.K, Gand/Belgique), Elena Filipovic (Directrice de la Kunsthalle de Bâle), Laurent Montaron (Artiste), Joao Ribas (Directeur adjoint au Musée Serralves de Porto. Commissaire d’exposition & écrivain) et Hélène Meisel (Chargée de recherche et d’exposition, Centre Pompidou-Metz. Historienne de l’art, critique & commissaire) font des propositions d’achat qui sont ensuite soumises au Conseil d’Administration de l’Institution qui valide ou non les choix.
Quelles sont les axes poursuivis pour enrichir la collection ?
Concernant ce point, je suis un peu resté sur ma « faim ». – Je laisse un droit de réponse au Musée pour approfondir la question… -. On peut cependant affirmer que la collection réunit près de 1.800 œuvres dont plus de 600 qui ont trait à la photographie, médium le plus représenté dans la collection. Le fonds photographique s’est constitué en même temps que celui du voisin stéphanois – MAMC Saint-Etienne – avec qui visiblement l’institution villeurbannaise travaille et échange fréquemment. Ainsi, pour les 30 ans du MAMC Saint-Etienne, l’IAC Villeurbanne vient de prêter 150 photos de l’artiste Christian Boltanski qui ont nécessité un gros travail de restauration. Le nombre important de photographies s’explique aussi par le fait qu’un artiste réalise souvent une série de plusieurs clichés. ↓
Un centre de production
Tout comme ses confrères « FRAC » dits de nouvelle génération, entendre par là les FRAC qui ont modernisé leur espace de monstration des collections, désormais abritées dans des enceintes architecturales modernes, l’IAC produit des œuvres avec et pour les artistes, ce qui lui permet souvent d’acquérir des œuvres. Les FRAC sont devenus à ce titre de véritables centres de production. Il arrive aussi que des œuvres produites par l’institution et qui sont ensuite vendues en galerie d’art permettent au musée de se voir rétribuer une partie du prix de vente de l’oeuvre.
Comme pour le MAC Lyon, face à l’inflation des prix sur le marché de l’art contemporain, le montage d’une exposition dans laquelle le musée/l’institution coproduit l’oeuvre, ou simplement met en lumière le travail de l’artiste, permet d’acquérir une oeuvre plus facilement.
Côté logistique, le bâtiment de Villeurbanne ne permet pas de stocker l’ensemble de la collection. C’est pourquoi les œuvres de grand format ainsi que les sculptures sont conservés sur un site à une trentaine de kilomètres. En outre, le MAMC Saint-Etienne abrite une grande partie du fonds photographique de l’IAC.
Pour conserver et transporter au mieux les œuvres, des caisses en bois sont généralement utilisées. Une grande attention est bien évidemment portée à la température ambiante dans la réserve, et plus particulièrement aux écarts de température, ennemis de la conservation. ↓
Conserver au mieux oui, mais réparer les dommages causés par le temps, c’est aussi une mission essentielle pour l’institution culturelle. L’humidité qui suinte d’un cadre en bois par exemple est susceptible de générer des auréoles sur une toile. Le travail de restauration peut devenir très technique et engendre des questions éthiques : peut-on intervenir sur un oeuvre et jusque dans quelles proportions ? Au risque de la dénaturer…
D’autres questions se posent, en particulier lorsque les œuvres de la collection sont prêtées pour intégrer des expositions.
Une vocation régionale pour diffuser la collection
C’est que la collection voyage… L’Institut d’art contemporain de Villeurbanne expose régulièrement ses œuvres à l’extérieur de ses murs. Par exemple, en ce moment, ce sont pas moins de 8 lieux en région Rhône-Alpes qui bénéficient de prêts de la collection de l’IAC. 17 œuvres de la collection villeurbannaise enrichissent actuellement l’exposition Le divan des murmures, organisée au FRAC Auvergne de Clermont-Ferrand. Au niveau régional, on peut véritablement parler de partenariats entre l’IAC et les autres institutions régionales.
Point technique : une règle concernant la bonne conservation des œuvres fait référence. Une oeuvre graphique présentée 3 mois durant doit être mis en réserve pendant 3 ans. Conséquence : de par la richesse de la collection, la gestion des prêts demande une organisation rigoureuse. L’IAC travaille ainsi avec Videomuseum, le Réseau des collections publiques d’art moderne et contemporain. Derrière le Réseau se cache l’outil informatique qui permet au gestionnaire d’une collection de savoir en permanence où se trouve une oeuvre, pour quelle durée est-elle prêtée, en plus d’un accès à une base documentaire.
Pour terminer la visite, j’ai demandé au régisseur quel était, selon lui, l’oeuvre la plus grande et la plus petite de la collection. La sculpture modulaire AR.07 de Vincent Lamouroux composée d’un ensemble de cubes blancs de différentes dimensions agglomérés les uns aux autres, tient la corde pour être la pièce la plus volumineuse de la collection. Quant à la petitesse, la palme revient peut-être à l’artiste Hans Schabus, une plaque en métal de 5 x 11 cm et 2 mm d’épaisseur – 5.972 Kilo Air -…
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F.B.